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Les liaisons généreuses

Publié le 06 avril 2024 par Jlk
images-1.jpeg (Le Temps accordé. Lectures du monde VII, 2024) À la Maison bleue, ce jeudi 4 avril. - Même après une séance apparemment réparatrice, hier, de shiatsu, aux bons soins de mon filleul Léo, dont je suis sorti fourbu et momentanément conforté, la doulou m’est revenue avec le ciel noir du soir et la quasi impossibilité de marcher sans une canne et boitant comme l’affreux Dr House que je me suis efforcé de ne pas imiter dans ses imprécations de sale type se vengeant sur les autres de ses propres putains de douleurs...Donc au lieu de hurler sur les quais et de maudire ma prochaine et mon prochain, je me suis tenu à carreau dans mon recoin à poursuivre la (re) lecture des 500 pages de la bio de notre cher Józio (prononcé Ioujo) en tachant de me représenter plus concrètement (souvenirs persos et photos à l’appui) ce qu’a été la vie de cette innombrable personne dont les innombrables épreuves , extérieures et partagées (deux guerres et deux révolutions), ou plus encore intérieures (existentielles, morales et artistiques) n’auront jamais entaché la noblesse (celle de son âme et de son coeur et pas celle de son titre de comte Hutten-Czapski) ni sa fragilité tourmentée de corps et de complexion affective , le faisant à tout moment notre semblable - Joseph m’ayant dit, un jour, avoir plus souffert du mal d’amour à vingt ans que des horreurs de la guerre et de la déportation, de la mort de ses camarades et des mensonges couvrant les massacres (Katyn au premier chef) dont il fut l'un des rescapés les moins enclins à oublier...Unknown-7.jpegimages-2.jpegET MOI, ET MOI, ET MOI...- Le travail accompli par Eric Karpeles est au-dessus de tout éloge, malgré ses quelques défauts d’écriture et ses commentaires à l’américaine parfois déplacés à mon goût , et relisant sa bio de Czapski, après l’extraordinaire aperçu de l’œuvre pictural de JC dans sa fabuleuse approche illustrée et commentée des tableaux parfois examinés comme sous une loupe, avec le sous-titre d’An apprenticeship of looking, je me dis que c’est un peu vain de ma part de prétendre y ajouter quoi que ce soit avec mon « regard personnel », puis je me rappelle que tous les livres consacrés, ces dernières décennies, à la personne et à la peinture de Czapski, à l’exception peut-être de la monographie de Muriel Werner-Gagnebin, procèdent en somme du même accaparement et de la même implication personnelle, ainsi Wojtech Karpinski et Richard Aeschlimann parlent-ils d’eux-mêmes comme Jil Silberstein et Karpeles parlent d’eux-mêmes en évoquant cette rencontre que j’ai évoquée à mon tour dans Czapski le juste qui constituera, sous l’œil avisé de mon ami peintre Bona, la deuxième publication des éditions de La Désirade, cette année encore… C’est par Proust (l’essai de Czapski intitulé Unknown-3.jpegProust contre la déchéance, que lui a envoyé un ami) que Karpeles, peintre lui-même, a découvert l’écrivain Czapski, alors qu’il préparait, en écrivain, un essai sur la présence de la peinture dans la Recherche, c’est en lisant ces conférences « de mémoire » prononcées par le prisonnier dans un camp du goulag et en y découvrant ce stupéfiant travail de la « mémoire involontaire », que Karpeles, plus de vingt ans après le mort de Czapski, a entrepris son énorme travail de recherche assorti de voyages et de rencontres à Paris et en Pologne, et je me dis maintenant que, de même qu’il a eu l’impression d’être « guidé » par les mânes de Józio, avec des coïncidences quasi magiques, tout ce qui rayonne du noyau commun associant Proust et Czapski – noyau spirituel et existentiel, artistique et conceptuel, éthique et sensuel, etc. – toutes les apparitions (celle du premier tableau de JC découvert par Karpeles chez Karpinski, évoquant «en abyme » un jeune homme contemplant une toile de Nicolas de Staël dans une exposition -, puis les rencontres, les liaisons amicales (Daniel Halévy) ou amoureuses (Czapski et le frère de Nabokov, Sergueï, mort lui-même en déportation), toute cette nébuleuse ressortissant à l’art et à la vie constitue la même « histoire », et la mienne ne vaudra peut-être pas la tienne, mais n’est-ce pas la même chaîne des vivants communiant entre eux par delà toute vanité ?images.jpeg BROCHET DU SOIR, BONSOIR. – J’étais ce matin à bout de souffle, le cœur flippant dans sa cage d’osses et ruminant un testament relatif à la masse d’objets plus ou moins achevés que je laisserai à mes survivants de bonne volonté, mais ce soir le brochet de Clémentine la Camerounaise, sa sauce d’or et son goût parfait, s’ajoutant aux retrouvailles d’avec mes amis Jackie et Tonio, vieux enfants rieurs aux éclats dont j’aime le truculent et très libre naturel (ils ont fait récemment ami-ami avec Bona auquel j’ai envoyé quelques MMS en cours d’agapes), tout cela m’a si bien requinqué que, tel Lazare sortant de son bar, je me suis retrouvé sous les étoiles tout fringant, comme en ma jeunesse bohème de traîne-patin quotidien du Barbare…

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