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Gustave Thibon pour la route

Publié le 27 août 2008 par Jlk

 

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Sur la pensée incarnée et lumineuse de Gustave Thibon
Un ami orthodoxe me disait, l'autre jour, à propos des temps qui courent, que le terrible est qu'il ne s’y trouvait plus de bon maître, à quoi j'ai répondu qu’en effet et que non: qu'il y en avait, que j'en ai un en tout cas, un bon maître et certes pas le seul, mais un tout bon: le bon Monsieur Thibon.

Mais qui est Gustave Thibon ?

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Dans sa préface à Diagnostics, publié en 1940 aux éditions Médicis, Gabriel Marcel présentait son ami, dit le paysan-philosophe, dans ce portrait retranscrit en partie par le Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur à l’usage du forum du groupe Gustave Thibon, sur Facebook.
" Qui est Gustave Thibon? Un religieux? ou plutôt un universitaire? un philosophe professionnel? un économiste? un médecin? Non point : c'est un paysan, au sens le plus précis du terme, un paysan qui, Dieu merci, est resté paysan ; qui n'a par conséquent jamais perdu le contact avec "ces vastes réserves de fraîcheur et de profondeur que créent dans l'âme la communion étroite avec la nature, la familiarité avec le silence, l'habitude des paisibles cadences, d'une activité accordée aux rythmes primordiaux de l'existence". Il appartient au fond à la même famille qu'un Pourrat ou un Roupnel, qui, fort heureusement, n'ont jamais rompu les liens qui les unissent à leur terre natale, au Livradois, à la Bourgogne. Tout de même, Roupnel est universitaire et même romancier ; Pourrat est romancier lui aussi. Je conçois mal que Gustave Thibon écrive jamais un ouvrage d'imagination, ce qui ne veut d'ailleurs pas dire qu'il en serait incapable : rien ne saurait surpasser la saveur de ses récits lorsqu'il narre les faits et gestes de ses voisins. Ce qui est exceptionnel dans son cas, c'est qu'une jonction s'opère spontanément en cette âme, cette intelligence privilégiée entre l'expérience immédiate, celle des travaux journaliers, et la spéculation la plus haute, la vie mystique elle-même. Comment est-ce possible? J'avouerai sans ambages qu'à mes yeux une destinée comme celle-là s'enracine dans la métaphysique et défie toutes les explications que psychologues, sociologues, idéologues de tout acabit tenteraient d'en proposer. Bien plus, elle suffit à réfuter les prétentions absurdes qui recouvrent le sol avare et mal drainé d'une certaine impuissance universitaire. Au sens le plus fort du mot, Thibon est un autodidacte. Il n'a d'autre diplôme, à ma connaissance, que le certificat d'études primaires. De très bonne heure, il dut aider son père, vigneron des environs de Pont-Saint-Esprit. Mais il vint un moment où la passion du savoir s'abattit sur ce petit cultivateur ; et par chance, un de ses camarades qui avait hérité d'une bibliothèque la mit à sa disposition. Sans jamais délaisser son travail, il trouva moyen d'apprendre tout seul le latin à fond, le grec, l'allemand et les mathématiques, de lire les philosophes et les poètes : il sait des milliers de vers par coeur. Mais en même temps, par une libre démarche de son esprit, il accédait à la plénitude d'une foi catholique qui devait satisfaire toutes les aspirations de son intelligence, et non pas seulement une affectivité dont il s'est toujours méfié. Il y a plus étrange : de son aveu même, l'écrivain qui a exercé sur lui, peut-être avec Pascal, l'influence la plus profonde est probablement Nietzsche ; c'est trop peu dire : je suis enclin à penser que c'est Nietzsche qui l'a révélé à lui-même ; beaucoup d'aphorismes de Thibon sont essentiellement nietzschéens et par la forme et par l'élan, par le nisus intérieur.
(...)
En Nietzsche, c'est l'ascète, me semble-t-il, que Thibon admire par dessus-tout ; c'est d'une ascèse de l'esprit, de l'intelligence elle-même qu'il s'agit ici - celle par laquelle il nous est donné de combattre toutes les formes que peut présenter notre complaisance à nous-mêmes, de percer à jour toutes les comédies que nous nous jouons et dont nous sommes dupes. Rien de plus nietzschéen qu'une certaine horreur de la fausse gravité, du faux tragique, des uniformes et des défroques dont nous nous affublons pour représenter ce qu'en réalité nous ne sommes point ; que le goût passionné d'une vibration éthérique de l'être qui évoque l'ivresse familière à ceux qui hantent les sommets. Bien qu'il faille se méfier de ces métaphores géographiques, de leur précision souvent fallacieuse, je dirais volontiers que l'Ardéchois Gustave Thibon rallie quelque part le chemin qui joint l'Engadine de Zarathoustra aux plages méditerranéennes - à Gênes ou à Sorrente - mais aussi à l'Espagne d'Unamuno (...)."
Citations grappillées de Gustave Thibon
«S'aimer, c'est avoir faim ensemble et non pas se dévorer l'un l'autre.»
«On aime non dans la mesure où l'on possède mais dans la mesure où l'on attend.»
L'ignorance étoilée
«La foi consiste à ne jamais renier dans les ténèbres ce qu'on a entrevu dans la lumière.»
«Il est malaisé de composer avec le monde sans se laisser décomposer par le monde.»
L'ignorance étoilée
«La société devient enfer dès qu'on veut en faire un paradis.»
«C'est toujours un grand mal que de juger dépassé ce qui est irremplaçable.»
L'équilibre et l'harmonie
«L'homme ne sait pas ce qu'il veut, mais il sait très bien qu'il ne veut pas ce qu'il a.»
L'ignorance étoilée
«Les nations ont besoin de héros et de saints comme la pâte a besoin de levain.»
«A droite, on dort A gauche, on rêve.»
«Une amitié véritable, c'est celle qui repose avant tout sur la communion aux mêmes principes et à la poursuite d'un même idéal.»
«Le premier devoir du philosophe est de dépoussiérer les vérités premières...»
L'équilibre et l'harmonie
«L'amour ne pèse pas, cette branche ne casse que si l'oiseau posé sur elle s'envole, "ce qui peut me briser, ce n'est pas que tu t'appuies trop sur moi, c'est que tu m'abandonnes."»
«Toutes les chutes appellent la compassion et le pardon, sauf celles qui se déguisent en ascensions.»
L'équilibre et l'harmonie
«La fraternité n'a pas ici-bas de pire ennemi que l'égalité.»
Diagnostics
«Rien n'est plus vide qu'une âme encombrée.»
«Le doute est un poison pour la conviction et un aliment pour la foi.»
L'ignorance étoilée
«On peut toujours apprendre ce qu'on ne sait pas, non ce qu'on croit savoir.»
L'ignorance étoilée
«La devise de notre monde contemporain c'est “omnia illico” (tout, tout de suite).»
«L'amour commence par l'éblouissement d'une âme qui n'attendait rien et se clôt sur la déception d'un moi qui exige tout.
«Qu'es-tu donc, toi qui m'aimes ? Le miroir où je me regarde ou l'abîme où je me perds ?»
L'Ignorance étoilée
«L'esprit philosophique consiste à préférer aux mensonges qui font vivre les vérités qui font mourir.»
L'Ignorance étoilée
«Le mensonge est un hommage à la vérité comme l'hypocrisie est un hommage à la vertu.»
L'Ignorance étoilée
«L'amour sans éternité s'appelle angoisse : l'éternité sans amour s'appelle enfer.»
L'Ignorance étoilée
«La difficulté de trouver l'aliment grandit en fonction de la pureté de la faim.»
L'Ignorance étoilée
«N'oublions pas que ce n'est pas le nombre et la longueur de ses branches, mais la profondeur et la santé de ses racines qui font la vigueur d'un arbre.»
L'Equilibre et l'harmonie
«Faire rêver les hommes est souvent le moyen le plus sûr de les tenir endormis - précisément parce que le rêve leur donne l'illusion d'être éveillés.»
«Ce n'est pas la lumière qui manque à notre regard, c'est notre regard qui manque de lumière.»
«Bien vieillir : gagner en transparence ce qu'on perd en couleur.»
L'Ignorance étoilée
«Chaque concession ne peut qu'affaiblir un peu celui qui la fait et offenser davantage celui qui l'obtient.»
Diagnostics
«Rien ne prédispose plus au conformisme que le manque de formation.»
L'Équilibre et l'harmonie
«Connaissez-vous beaucoup d'hommes qui attribuent leurs échecs à leur incapacité ?»
L'Equilibre et l'harmonie
«Ne se sentir heureux que par comparaison, c'est se condamner à n'être jamais vraiment heureux, car il faut toujours se démener pour rejoindre ou pour dépasser quelqu'un.»
L'Equilibre et l'harmonie
«Mal savoir ne vaut pas mieux que tout ignorer...»
L'Equilibre et l'harmonie
«Etre dans le vent : une ambition de feuille morte...»

Image: JLK, L'olivier de Pézenas. Aquarelle, 2007.


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