Magazine Journal intime

13 ans: "Il faut l'interner"

Publié le 01 septembre 2008 par Docrica

12h50: En consultation au cabinet mйdical, je reзois un coup de fil de la gendarmerie:

Camping près de la plage - Wikipédia

Gendarmerie: "Docteur X. ? C'est Y. de la gendarmerie. J'ai les collиgues qui sont au camping de YY sur un jeune de 13 ans qui casse tout. C'est pour voir pour l'interner."

Moi: "Interner ? A 13 ans ? Faut que j'aille voir, mais il y a peu de chance quand mкme..."

Gendarmerie: "Il a blessй sa mиre et sa soeur au couteau, et il a tout cassй."

Moi: "Heu.. Vous avez essayй d'appeller son mйdecin ? Pour des situations de crise comme celles-la c'est quand mкme mieux..."

Gendarmerie: "Ils sont de Paris. Ils arrivent а peine dans la rйgion"

La consultation en cours se finit, je laisse un message au secrйtariat leur indiquant que le renvoi de la ligne tйlйphonique plutфt que prйvu pour "intervention pompiers". (Mais non.. les pompiers n'йtaient pas lа.

Une dizaine de minutes aprиs, а quelques kilomиtres , je rentre dans le camping en question. Vaste camping.. personne dans les chemins. Je cherche un vйhicule de la gendarmerie, j'y tombe dessus aprиs un croisement.

Deux gendarmes debout, autour d'un jeune homme assis sur une chaise.. de camping. Il a l'air calme.

Aprиs les salutations du jeune homme et des deux gendarmes, je vois les dйgats sur le mobil home adjacent.. tout а volй. Porte cassй. Vиtements et vaisselles par terre, mobilier renversй.

Un des gendarmes me prend en appartй. Je le connais ce gendarme, un jeune, avec lequel j'ai eu l'occasion de "travailler" а de multiples reprises. Il a permis de dйsamorcer nombreuses situations "de tension", et dans le calme.

Gendarme:"Quand on est arrivй, il йtait particuliиrement agitй, on a essayй de discuter, il nous a menacй du couteau, on l'a ceinturй et dйsarmй, maintenant, regarde, il est calme, et on peut discuter"

(Oui il me tutoie.. а force de se cotoyer dans des situations de ce genre... ca crйe des liens)

Gendarme, s'adressant au jeune homme: "On s'йloigne pour te laisser discuter avec le docteur. Comme je t'ai dit, tu peux tout lui dire, il y a pas de souci"

Le jeune homme attend que les gendarmes soient а 20 mиtres, et lance la discussion:

Lui: "J'ai pйtй un plomb. Ma soeur est arrivй avec ma mиre, elle m'a parlй de l'йcole, je l'ai engueulй, elle m'a fermй la porte sur la tкte et m'a fait mal, je lui ai foutu sur la gueule, ma mиre s'est interposй, j'ai pris un couteau pour lui faire peur, elle a essayй de me le prendre des mains et m'a fait mal"

Il me montre ses avant-bras, un peu rouge.

Moi: "Ok... Tu te sens comment lа ? Ca va ? Toujours enervй ?"

Lui: "Non , ca va."

Il me parle de son pиre, qui est restй sur Paris, du fait qu'ils vont s'installer dans la rйgion, que ca lui est deja arrivй de rйagir comme зa. Il me dit qu'il ne voulait pas blesser sa mиre.

Je lui demande s'il est d'accord pour que je l'examine. Il acquiesce.

Sa tension est bonne ; 120/70. Il n'est pas tachycarde: Frйquence cardiaque а 80. Il est physiquement reellement calme.

(Il est classique d'observer une tachycardie, et une tension йlevйe dans les йtats d'agitation de ce genre).

Nous continuons а discuter sur ce qu'il s'est passй, sur la rupture avec "Paris", s'il йtait content ou non de venir ici (il s'en fout me dit il), de ce qu'on pourrait faire pour essayer d'eviter ces "pйtages de plomb".

Je me rapproche de sa mиre, qui s'est mis dans un autre chemin du camping, hors de vue de son fils.

Elle est en pleur, la main en sang entourйe de compresses.

Elle: "Je n'en peux plus."

Elle a le doigt en partie tranchй, et des sutures seront nйcessaires.

Elle m'explique, qu'a 6 ans dйja, son fils avait bйnйficiй d'un soutien par un pйdopsychiatre mais qu'ils avaient trиs vite abandonnйe, car son fils ne parlait pas.

Que le pиre de l'enfant, йtait un "vrai con" quand il avait bu, mais trиs sympa quand il est sobre, qu'il faisait de conneries et faisait des aller-retour frйquent en prison. Qu'il avait pris son fils pour aller "visiter" des voitures derniиrement.. et que c'est en partie pour cette raison qu'elle a quitter Paris.

Encore une fois, pas de solution йvidente. Sans compter qu'elle a d'autres enfants en bas age dans le mobil home.

Son fils s'est calmй, et ne nйcessite pas d'internement, mais ce serait quand meme mieux, si on pouvait attaquer une prise en charge psycho-sociale en urgence.

J'appelle le SAMU et leur fait un bilan de la situation. L'appel n'йtait pas passй par eux mais directement par la gendarmerie.

La maman me dit qu'elle souhaite aller aux urgences pour elle-meme par ses propres moyens, ne serait-ce que pour pouvoir prendre ses autres enfants avec elle. Elle ne se sent pas, par contre, de prendre son fils "а problиme". Le samu nous envoie donc une ambulance pour venir le chercher et l'emmener dans un hopital pour enfant de la rйgion. Elle ira, elle aux urgences adultes.

13h50: Je rentre au cabinet.. 1 heure pour... une utilitй toute relative, on va dire.


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