Magazine Journal intime

J'ai failli mourir trois fois mais j'ai sauvé deux vies… (suite)

Publié le 02 septembre 2008 par Anaïs Valente

Un fois bien habituée à cette piscine à vagues tueuses de môman, je me sens totalement en sécurité.  Sûre de moi.  Maître-nageuse dans l'âme, ou presque.  C'est le moment que choisit ma filleule, profitant de l'inconscience totale qui me terrasse, pour me proposer d'aller au Rapido.

Déjà, le nom aurait dû me mettre la puce à l'oreille.  Rapido, ça veut dire rapide.  Et quand c'est rapide, c'est pas lent.  Et si c'est pas lent, c'est pas fait pour bibi.  Mais, à cet instant précis, et fatidique, mes neurones sont au repos.  Aucun signal d'alarme ne retentit dans mon esprit.  Même pas quand la petite (oserais-je dire, la petite garce, non, je n'ose, mais tout de même, je l'ai pensé, a postériori) me dit « faut pas avoir mal au dos pour aller au Rapido, ça ira ? »  Mais J'AI MAL AU DOS moi.  Très mal.  Enfin pas à ce moment précis, mais en général, j'ai des problèmes de dos, vous le savez.  Alors pourquoi aucun signal d'alarme ne s'est allumé dans ma cervelle, je l'ignore encore. 

Dans un éclair de lucidité, je tente de savoir ce dont il s'agit, passque le Rapido, on ne le voit pas.  « Des petites descentes avec un tout petit peu d'eau, 90 centimètres ».  Toujours aucune réaction de ma part.

Même en montant plusieurs dizaines de marches, je ne réagis pas.  Pas du tout.  Je monte, telle une condamnée à mort ignorant que l'échafaud symbolise la grande faucheuse.  Je reste stoïque et je monte, marche après marche.  Une fois en haut, on ne voit toujours rien.  Enfin si, un tout petit toboggan de plastique, entouré de fausses roches, qui mène à un bassin, un peu plus bas.  Pourquoi, à cet instant précis, n'ai-je pas rebroussé chemin ?  Je l'ignore encore. 

Tout se joue parfois en une seule toute petite fraction de seconde.

Ma fraction de seconde à moi, c'est celle durant laquelle j'ai vu partir ma filleule dans le toboggan, et j'ai décidé de la suivre.  Par peur du ridicule si je faisais demi-tour, sans doute.  Par espoir que cette petite descente serait facile et rigolote. 

J'ai posé le pied sur le toboggan, et me suis laissée emporter jusqu'au bassin, là, en bas.  J'ai pas aimé.  Mais pas aimé du tout.  Mais j'ignorais encore que le pire restait à venir.  Sinon, j'aurais tenté de remonter.  Mais une fois la descente entamée, plus rien n'est possible, il faut continuer.

Et j'ai continué.  Et ça n'a fait qu'empirer.  C'est le sadisme de cette attraction, ça commence en douceur.  Pour ensuite torturer les pauvres femmes telles que moi qui détestent l'eau et sentent la mort arriver comme la mouche sent la crotte à dix mètres.

Ma filleule m'avait bien sûr abandonnée à mon triste sort, pour s'adonner à ses jeux nautiques adorés. 

J'ai donc descendu le toboggan suivant.  Puis le suivant.  Et c'est là que le drame a commencé, les toboggans devenant de plus en plus longs.  De plus en plus rapides.  De plus en plus mouillés.  La descente, passe encore, même si je déteste ça.  Je déteste les toboggans.  Je ne les ai aimés qu'entre 3 et 6 ans.  Point barre.  Mais je déteste encore plus les toboggans remplis d'eau déferlante, qui au lieu de faire atterrir la victime dans du sable bien moelleux et réconfortant, la plonge dans 90 centimètres d'eau.  Et la noient.  Passque oui, on peut se noyer dans 90 centimètres d'eau.  Même dans 5 d'ailleurs, j'ai failli, quand j'étais môme (je vous raconterai une autre fois).

Mon angoisse augmente à chaque fois, jusqu'à ce que je me retrouve tête sous l'eau, à tenter de remonter et de survivre.  Là, vraiment, parmi la foule d'enfants joyeux, j'ai vraiment la trouille.  Impossible de remonter.  Impossible d'appeler à l'aide, je refuse d'être la vieille qui a dû être secourue dans le Rapido.  Le ridicule ne tue pas, d'accord, mais y'a des limites.

Je poursuis donc ma route et manque de me noyer une première fois.  Toute cette eau partout, en-dessous, à droite, à gauche, devant, derrière.  Sans compter cette eau qui dégringole sur ma tête, pour couronner le tout.  C'est l'enfer.  Un enfer mouillé.  Je crache.  Je tousse.

Après une pause de plusieurs minutes durant laquelle la foule s'agglutine derrière moi, je continue ma route.  Patatras dans le bassin.  Je coule.  Je me noie.  Et je m'accroche au maillot d'un homme qui passe par là, pour remonter plus vite.  Il me regarde d'un air étrange.  Il a pitié.  Je ne vois plus rien.  Je crache.  Je tousse. 

Descente suivante.  La pire.  Dans le noir.  Bande de sadiques.  Il fait noir et me voilà projetée dans le bassin suivant, dans le noir lui aussi.  Panique totale et absolue.  Là, je m'accroche à un pauvre homme qui passait, lui aussi, par là.  A sa pilosité, que je m'accroche.  Il sent ma panique et me demande si ça va.  Non, ça ne va pas, je vais mourir, c'est clair.  C'est net.  Il me dit de faire attention à mes lunettes.  Passque oui, j'ai mes lunettes sur la tête.  Sinon je n'y vois rien.  Mais les lunettes, ça ne se met pas, au Rapido.  Trop dangereux.  Si j'avais su.

Ma filleule me retrouve.  Elle voit que je panique et me répète tout le temps « ça va marraine ? »  Nan, ça va pas, filleule indigne, m'avoir entraînée dans les gorges du Verdon.  Que dis-je, les chutes du Niagara.  T'as pas honte !

Descente suivante.  La coulée d'eau me retourne comme une crêpe et je sens que je vais tomber dans le bassin en arrière.  Là, c'est clair, c'est la mort assurée.  Je me retourne tant bien que mal.  On se découvre des ressources insoupçonnées dans ces moments là.  Et je tombe, paf, dans l'eau, d'où ma filleule tente de me sortir.  Je l'entends dire « ça va marraine, ça va marraine ? »  Je remonte enfin et l'engueule de m'avoir entraînée dans ce truc à la con.  Je tousse.  Je crache.  Et je pense que c'est fini.  Mais que nenni.

Reste encore un dernier toboggan, bien entendu le pire.  Le meilleur, diront les adeptes.

Epreuve ultime, dont je sors, j'ignore par quelle miracle, vivante, et avec, toujours, mes lunettes sur le nez.  Je tousse.  Je crache.  J'engueule ma filleule.  Tentative de meurtre, à son âge, c'est la maison de correction assurée.

Je regagne mon transat.  Je me mouche durant une demi-heure pour évacuer toute cette eau.   Je me plonge dans la lecture du Ciné Revue, vu qu'il n'est plus question que j'aille dans l'eau, rondidju. 

J'observe.  Des Messieurs tatoués : des ailes d'ange dans le dos, un serpent autour du bras.  Un gaminou tout noir rigole dans les bras de son père.  Une fillette bouclée adorable me fait des sourires.  Tous les enfants ont des bouées rigolotes, ne faisant qu'une avec un Tshirt.  Ça doit être la mode. 

Une fois que j'ai repris mes esprits, je rejoins la troupe pour plusieurs séries de vagues.  Finalement, c'est gai les vagues.  Et à côté du Rapido, c'est du pipi de mouche, les vagues.

Nous terminons la journée par un frugal repas : frites (grasses) fricadelle (tiède), mayo (fade) et coca (light).  Retour au bercail, épuisée, terrorisée.  Mais ravie d'avoir ce drame à vous conter...

Dites, vous pensez qu'il y a un lien de cause à effet : chuis allée quatre fois au WC après ma descente du Rapido... en urgence ... et pour ne rien vous cacher : chiasse d'enfer.

PS : voilà la description de cet enfer sur le site d'Aqualibi, clair que si je l'avais lue, j'aurais pas tenté l'expérience : "Attraction vedette, cette rivière de 140 m de long vous entraîne dans les méandres de l’Amazone. Escalade, averse tropicale, tourbillon et cascades en tous genres sont au rendez-vous pour faire de vous de vrais aventuriers sans peur et sans reproche !"


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