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“Ne pleure pas”

Publié le 02 septembre 2008 par Frédéric Romano

- Ma Mère : Ça a été à l’école ?
- Moi : Ho mais oui ça a été !!!
- Ma Mère : …
- Moi : Ça a été… fous-moi la paix !!!

J’avais seize ans, c’était une journée de juin, l’une des dernières de l’année scolaire. J’allais chercher mes résultats, l’esprit rassuré par le fait que j’allais prendre congé pendant deux mois de cet endroit que je détestais tant. J’airais dans cette cour aux lignes blanches jaunies. J’entendais derrière moi des ricanements, sans doute des moqueries. Par chance, je ne me suis pas retourné, car, quelques secondes plus tard, je ressentais dans ma nuque une formidable douleur, un claquement violent qui me fit contracter les épaules et me troubla un instant la vue. Grégory et Christophe me suivaient depuis un moment. Ils venaient de me tirer une petite balle de caoutchouc dans la nuque. Je me suis retourné et je n’ai rien dit, je n’ai pas bronché. La semaine suivante, au moyen des mêmes balles de caoutchouc, ils abîmaient sérieusement l’oeil d’une fille que je ne connaissais pas. Ils furent renvoyés de l’école quelques jours plus tard.

J’avais quatorze ans et je rentrais à l’école après trois semaines d’immobilisation dues à une opération du genoux. C’était au mois de mars, il faisait froid et il pleuvait. Pour la première fois de ma vie je marchais avec des béquilles. En entrant dans un bâtiment, l’une d’elles glissa sur le sol mouillé, me forçant à m’appuyer sur ma jambe droite qui ne plia pas. Je finis sur mon dos et la chute me coupa un instant le souffle. Je senti l’odeur de la pluie sur le sol et les relents de pourriture du paillasson. Autours de moi, des dizaines d’élèves passaient. Certains me regardaient, d’autres feignaient de ne pas me voir. J’ai rassemblé mes deux béquilles et lentement je me suis relevé, avec la peur de glisser à nouveau. J’ai bien pensé sur le moment crier “bande de petits cons !”, mais je n’ai rien dit, j’ai pris sur moi et j’ai continué jusqu’à la salle de cours.

Il y a des douleurs non effacées et des blessures qu’on finit par oublier. Un jour elles nous reviennent et nous en rions, comme nous rions de reste du Monde. Elles nous font un mal de chien et nous consument encore. Il aurait fallu parler, s’extérioriser, en un mot s’affirmer. Le bon sens aurait voulu que… je haïs le bon sens…

La méchanceté, les coups et la bêtise des gens ne m’inspiraient, et ne m’inspirent toujours, que c’est trois mots, et je ne cesse de les répéter : “Ne pleure pas”… pas maintenant…


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