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Le cave se biffe

Publié le 09 septembre 2008 par Loïs De Murphy

Je réfléchis à ce que je vais faire de ce bout de  brouillon :

"Soleil-sur-un-mur est accroupi dans la rivière des Trois Barques dans un trou d’eau peu profond. Nu comme au jour de la fête des Cerisaies où le grand Charles et sa bande l’avaient attrapé et enfermé dans l’ancien tunnel de la mine aux Ours il y a de cela une quinzaine d’années, la fraîcheur de l’eau le soulage du vieux souvenir où il avait eu si chaud – affolé dans sa sueur, sa morve et ses larmes – dans le gros tube désaffecté et chauffé à blanc par la canicule rare de ce pauvre mois de juillet qui avait fait fuir les touristes, les fils d’agriculteurs et son père.
Il a glissé entre les orteils de chacun de ses pieds des morceaux de pain dur et compromet son assise, mais il essaye de limiter ses mouvements de brasse immobile pour laisser venir le poisson qu’il espère attraper à mains nues. Il scrute à travers la surface depuis une bonne demi-heure à présent. Le soleil ras sur les berges veut toucher le ponant avant que le disque rouquin de la lune ne commence à ouvrir les huîtres là-bas sur des bassins et en pleine mer, et Soleil-sur-un-mur est ravi d’expérimenter la pêche dans les conditions qu’il s’est choisi, bien qu’il ne soit pas sûr du bien fondé de sa méthode. Il remarque le vert sombre et luisant des chlorelles sur les pierres glissantes qui chemisent la boue et le limon. Il en mémorise soigneusement les pigments pour essayer plus tard de reproduire à l’identique cette couleur sur une des palettes encroutées dont il dispose pour s’acquitter de son travail de peintre, et il aura tout le temps de faire ses essais à présent qu’Élisabeth est partie.
Un des cailloux roule sous son pied quand il aperçoit la vieille dame sur la berge. Elle est nue comme lui le dos tourné vers la vallée et penchée sur le côté droit. Elle défait soigneusement des tresses en macaron et il ne voudrait pas le jurer mais il lui semble bien qu’elle veut entrer elle aussi dans l’eau. Ses jambes pendent à présent par-dessus la rive, et son regard vide inquiète Soleil-sur-un-mur. Il n’y a pas d’envie de baignade dans ses yeux, et l’endroit qu’elle a choisi pour se laisser glisser est celui où la rivière fait un coude avec des rapides."


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