Magazine Journal intime

Voix

Publié le 14 septembre 2008 par Thywanek
Une seconde chair immiscée dans la première. Une peau de natation en doublure de l’épiderme. Une vibration osseuse. Une impudeur. Bouche ouverte. Un bourdon du bas ventre, dans les racines du sexe, qui soutient les voûtes du dehors. Un miroir de soi sans aucun trait du visage. Un reflet de jouissance, un cri, une plainte ruisselante, un bouillon suffocant, une brise dans les reins, un déchirement du cou qui s’ouvre en ailes sur le torrent du corps.
La voix.
Mon autre moi-même. Que j’ai trop laissé dormir. Et qui me fait sentir son besoin de réveil. Qui ne meurt jamais depuis que nous avons connu en nos bonheurs intimes ce sentiment rare que nous pouvions nous mêler avec assez, de temps à autre, d’harmonie.
Mon travail le plus acharné. Ma discipline la plus dure. Ma fuyance. Mes contorsions. Mes perplexités. Mes arrêt hébétés sur un son rebelle agaçant l’air autour de moi sans que j’arrive à le capturer pour ma collection. A tourner en rond pour détourner l’asphyxie. Et s’écrouler au sol, le courage étranglé.
Et puis voler aussi. Bien sur. Partir loin. Emmener en bateau ses propres histoires. De « l’étranger » à l’«avenir du ruisseau », d’ « une fêlure si douce » à « charpente-mémoire », etc … Et l’équipage d’autrui presque tout autant, bien sur …
Oui, voler : le cœur défait au bord d’un fleuve. La carcasse démembrée au seuil d’un puits. Et décoller, doucement, patiemment, méthodiquement, par pallier, comme un jet à l’assaut du ciel, des nuages, des nuits rattrapées, des jours croisés, des sabliers désenchevêtrés, des minutes éternelles, des heures micronésiennes.
Donc se remettre au travail ?
Oui. Pour lui, aussi, pour ce prince rencontré à Toulouse, et avec lequel j’ai pu apprendre, huit ans durant, ce que c’est que la voix. Monsieur Ravi Prasad. Je ne vous en fais pas long sur lui, il a évidemment un site : vous le trouverez désormais dans mon « œil de links » : allez y voir !
Oui, pour que tout ce travail, patient et infidèle, minutieux et insupportable, pleins de heurtoirs, de questions muettes, de secrets à venir, de maillons fondus, de minceurs élargies, d’articulations déboîtées, de chair qui s’ébroue, de souffle qui s’échappe dans les licols des aveuglements extralucides ; pour toute cette vie, que cela sache tout, sauf mourir.
L’atelier est ouvert : on a fait le ménage. Viré les cendres. Jeté les vieux tableaux. Brûlé les oiseaux de mauvaises augures. Larguer les amarres effilochées.
Je retrouve.
Ma main sous la nuque. Le cou assoupi. Les cavernes engluées. Les failles pleines de sourdes mousses. La poitrine qui se soulève contre une falaise. Les silences de cailloux qui encombrent les veines de nacre. Mes lèvres sur les paupières baissées. Mes joues caressées à l’envers des rideaux cramoisis d’une bonbonnière drôle et tragique.
Et ce qu’il faut et qui est enfin plus limpide que la patience. Ce qu’il faut, clarté impitoyable. Croisement d’azur et d’abysses. Légende indéchiffrable, même par moi qui ne veut pas la déchiffrer. Il n’est utile d’en connaître que lorsque tout est fini.
Je retrouve.
Une danse de l’intérieur.
Do you understand ?
Avez-vous vu ces deux petites jambes courtes et écartées sur le vide de la trachée ? Avez-vous vu ces deux petits muscles au triangle vaginal où passe la colonne du souffle ?

Avez-vous entendu jouir d’un son suprême, véritable coït vocal, une chanteuse ou un chanteur ?
Très loin, effectivement, du pissoti soporifique dont se branlote pauvrement la médiocre fashion du susurrerement post-niaiseux qui fait les beaux jours de l’industrie du décibel insignifiant.
Mais fi des légitimes récriminations qu’inspirent, plus ou moins utilement, disons-le, cette indigence populaire où la plèbe semble si souvent régler ses comptes avec son manque de prescience quant à ce qu’il en est de l’art et de la pacotille.
Remettons-nous au travail : ça sera pas plus mal !
Et pour achever sur une note qui rassure, voilà de la beauté : je vais voir Tristan et Isolde fin novembre à Bastille : je trépigne un peu …

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