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La fleur au fusil

Publié le 17 septembre 2008 par Cochondingue
Le père était assis en face du journaliste. Il semblait peiné, c'est sûr, il venait de perdre fiston. Quand le journaliste lui a demandé si son fils avait pensé aux risques du métier, le père a répondu : "oh non, il n'a jamais pensé qu'il pouvait y rester. Non, jamais. Il était juste là pour faire son devoir".

Il n'a jamais pensé qu'en s'engageant dans l'armée, qu'en partant en Afghanistan, il n'a jamais pensé qu'en défendant la mère Patrie, la mitraillette à la main, les grenades à la ceinture, il pourrait se faire sauter la gueule sur une mine ou tomber dans une embuscade.
Il était parti la fleur au fusil, avec le sentiment que seuls les autres peuvent mourir et que les balles par l'opération du Saint esprit ne touchent que les barbus intégristes. Il s'était peut-être engagé pour la pub à la télé ou pour la sécurité de l'emploi.

Et comme ses parents étaient fiers de leur fiston, avec son bel uniforme de sergent ! Ils avaient planifié pour lui une vie tout en médailles et décorations. "Tu seras général, mon fils !"

Un militaire français, ça ne meurt pas. Seuls les Américains sont assez cons pour mourir en Irak. De vrais cowboys ! pensait le sergent le soir dans sa caserne.
Il avait eu des femmes, il avait bien baisé, il se marrait bien avec ses camarades de chambrée, puis le temps de partir au front, puis le temps de mourir, puis plus rien, même pas une dépouille pour pouvoir le pleurer.

Le  père surenchérit : "Avec tous les moyens militaires qu'a l'armée française, un tel drame n'aurait jamais dû arriver". Et moi d'imaginer nos sous-marins nucléaires et le Charles-de-Gaulle, posés incognito sur le sable, entre deux montagnes afghanes...

"Il faisait juste son devoir, c'était juste son boulot" pleurait le père comme s'il expliquait que son fils était simple facteur et venait de se faire déchiqueter par un colis piégé qui ne lui était même pas destiné.

Je ne sais pas moi, quand on s'engage dans l'armée, ce n'est pas pour la retraite à 35 ans. Quand on part à la guerre, on doit bien se douter qu'on risque de clamser là, de se faire exploser une jambe ou un bras, ou de finir complètement taré. Et si c'était mon fils qui voulait s'engager, je tenterais de l'en dissuader, je le supplierais et au pire, je lui casserais les deux jambes pour qu'il ne parte pas.

La fleur au fusil


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