#2

Tu resteras enfermé dans cette chambre pure, regarde : des fragments de sorcières sont déjà accrochées aux murs. Mais non, ce n'est pas une prison, dis-toi plutôt que tu vas voyager, sans cesse, oui, cette pièce représentera la vie entière, ne t'en fais pas comme ça, je ne vais pas te faire de mal, bien au contraire : ici tu es en sécurité, loin du conformisme, très très loin de la pensée molle qui sévit dehors, que dis-tu ? oh oui, je sais que tu es déçu, je sais tout ça, tu aimerais tellement secouer les résignés, je vois, je t'aiderai à ravager ces beaux quartiers habités par de ex-jeunes « révolutionnaires » les situs et autres maos qui ont viré de bord qui se sont métamorphosés aujourd'hui en notables centristes ésotériques réactionnaires pelés chrétiens mangeurs de bulletins de vote-opium entrepreneurs de pompes funèbres politiques contrôleurs penseurs cyniques rhétoriciens et professeurs pisseux de bonne conduite vulgaires tartuffes vrais suceurs d'évangélistes créateurs corrompus d'axes de biens, nous nous en occuperons, je te le promets, mais pour le moment occupons-nous de la classe dominante, l'autre, la vraie bourgeoisie, celle qui se chope par les darons, cette maladie héréditaire cette salope de droite nationale et ultralibérale : l'argent roi me fait dégueuler autant que toi, oui, que lis-tu ? un nouvel hebdo satirique que tu trouves bien ?, j'espère que nous assistons enfin au retour d'une réelle liberté de parole. Mais je te laisse, endors-toi, je reviendrai demain, et nous discuterons encore... Bonne nuit mon frère.