Magazine Graphisme

Zoridae et les narines de Brad Pitt

Publié le 29 septembre 2008 par Cochondingue
Denis a emménagé à quelques rues de chez moi. Un très bel appartement avec terrasse, pas très loin du métro Voltaire. Ca faisait un bail qu'on ne s'était pas vus, j'avais même raté la naissance de son petit dernier.

- Cochon, je te sers quoi ? Un porto, comme au bon vieux temps ? M'a demandé Denis en me donnant une tape vigoureuse dans le dos.
- En fait, tu ne vas pas le croire, mais je suis devenue allergique à l'alcool...
- Pas possible ! C'est suite à ta dernière cuite où tu t'étais retrouvée à vomir dans le caniveau ? Hahaha !
- Non, c'est toi qui avais tellement bu que tu me prenais pour l'ange Gabriel venu t'annoncer que le PSG allait enfin gagner la Champion's League.

Plan séquence : Les deux amis d'enfance se retrouvent après des années passées loin l'un de l'autre. Ambiance nostalgie avec soleil couchant sur la véranda. Sur la table il y a des apéricubes et des crakers Belin. Lui boit une bière et elle un porto. Ils se regardent avec un sourire complice. Noir.

- Alors, la rentrée s'est bien passée ? Vous avez mis vos enfants à l'école en bas de la rue ?
- Tu penses bien que non. On les a inscrit aux Francs-Bourgeois.
- Pourquoi dans le privé ?
- Je ne sais pas si tu as vu la gueule de l'école de notre quartier, mais il était hors de question que nos enfants aillent là-bas.
- Trop délabrée ? Ou c'est l'enseignement qui laisse à désirer ?
- On va dire que c'était trop coloré...
- Trop coloré... Hum... Tu veux sans doute parler des murs qui ont été peints avec des couleurs criardes ?
- Je parle des élèves : 90% de blacks et d'arabes. On est en France, non ? C'est simple, je veux que mes gosses apprennent le français !
- On va dire que je n'ai jamais entendu cette phrase...
- Cochon, on ne va pas se voiler la face. Je n'ai rien contre les étrangers. Mais de préférence chez eux !  On n'a pas les moyens de tous les intégrer. Et puis pense que notre réussite sociale à toi et à moi est due en grande partie à notre parcours scolaire dans les meilleures écoles de Paris. T'en as eu beaucoup des rebeux dans tes classes ?
- Qu'est-ce qu'y s'est passé pour que tu changes à ce point-là ? J'ai l'impression d'entendre Le Pen...
- Le Pen dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas. On est juste trop hypocrite pour l'admettre.
- Donc tu as voté Le Pen...
- Non pourquoi ? Sarkozy faisait l'affaire.

...
...

- Au fait Denis, juste pour savoir... A t'entendre, comme je suis d'origine étrangère, il faudrait me mettre dans un charter et bye bye la bougnoule !
- Tu mélanges tout... Comme d'habitude tu dramatises. Allez, viens là mon Cochon préféré, je vais te resservir un verre de porto.
- Non, ça va... J'ai la nausée...
- Allez Cochon, on ne va pas se fâcher pour une petite divergence politique !

C'était trop tard pour revenir en arrière. On aurait pu aborder n'importe quel sujet, il aurait pu être adorable et drôle, rien n'y aurait changé.

...............................................................................................................

La semaine dernière, j'ai rencontré Zoridae. Je suis sûre qu'elle va être étonnée que je la mette en plein dans mon histoire, comme un cheveu sur la soupe.
Avec Zoridae, on n'était pas d'accord au sujet d'une affaire grave, quasiment une affaire d'Etat. Je trouvais ça inimaginable qu'elle ne pense pas comme moi.

Je la cite :
- Le nez de Brad Pitt n'est pas beau. Il a de trop grandes narines.

Sacrilège.
Le nez de Brad Pitt, même avec des points noirs et des poils de nez, reste quand même, malgré tout ce qu'on dira, le nez de Brad Pitt !

On était assises dans le parc en face du Bon Marché. Malgré sa grossière erreur de jugement sur Brad Pitt, je me sentais vraiment bien en sa compagnie. Après tout, l'amitié ne pouvait pas se quantifier par l'ancienneté de la relation, avec parfois un attachement quasi-familial qui interdisait toute remise en question.
J'avais dans la tête le genre de phrase pseudo-philosophique qu'on découvre au dessert dans les restos chinois : "L'important c'est de partager les mêmes valeurs, même si on n'est pas d'accord sur tout". Elle craignait un peu, ma phrase. Il ne lui manquait plus que les violons et Lucky Luke disparaissant à l'horizon avec son fidèle destrier.

- Sérieusement, tu ne trouves pas que Brad Pitt a de très grosses narines ?
- Tttt... Zoridae, t'y connais rien aux hommes...

Zoridae et les narines de Brad Pitt

Retour à La Une de Logo Paperblog

Magazines