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“Je tremble” de Joël Pommerat aux Bouffes du Nord, ou : du David Lynch en art vivant

Publié le 01 octobre 2008 par Jeannoel08

Landau qui commence à chuter du quai du port du Cuirassé Potemkine jusqu’au quai de la gare des Incorruptibles, mises en scène et en abyme, intertextualité…l’art imite l’art, et se fout complètement de la vie.

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Les Incorruptibles - Kevin Costner

Et hop, je le rattrape

Vous me direz, Christine Angot raconte bien sa vie dans ses romans.
Certes, mais comme le rappelle Woody Allen, «la vie n’imite pas l’art, la vie imite la mauvaise télévision».
De là à dire que la littérature de Christine Angot ressemble à de la mauvaise télévision… La télévision a au moins pour but de détendre son public, non ?
Mais là n’est pas le problème.
La particularité terriblement intelligente de la mise en scène de «Je Tremble» de Joël Pommerat au Théâtre des Bouffes du Nord, c’est qu’elle rend hommage à un art à travers un autre.
Un spectacle d’art vivant qui rend hommage au cinéma qui rend hommage à l’art vivant, mais qui rend également hommage à la littérature qui rend hommage à l’art vivant.
«Je Tremble» rappelle la scène de théâtre dans «Mulholland Drive» : jeux sur les play-back, couleurs en a-plat, costumes de scène brillants, évocation du rêve, danses burlesques.

Mulholland Drive

Impossible de trouver la scène du théâtre sur le Net, voici une scène d’enregistrement

Mais on y retrouve également les scènes de torture d’ «American Psycho», dont l’atrocité est précisément décrite par Bret Easton Ellis et qui sont mises en scène en arrière-fond.

American Psycho - Christian Bale

C’est terriblement efficace, et on touche, comme le souligne Lynch qui rappelle la proximité entre rêve et théâtre (”Silenzio”), au fondement de l’illusion dramatique. J’avance en désignant mon masque. Larvatus prodeo (eh ouais, quand je m’enflamme, je parle latin).

Cette proximité entre rêve et théâtre est également soulignée par Claudel dans «L’échange», mais il s’agit d’une mise en abyme simple (du théâtre au théâtre) et non une mise en abyme réflexive (du théâtre au théâtre en passant par le cinéma).
C’est parce qu’elles passent par la médiation des images cinématographiques et littéraires que ces références peuvent se déployer avec force et excès.
C’est la médiation par le cinéma et la littérature (arts figés) qui permet de rappeler à quel point l’art vivant est… vivant.
Ainsi, l’évocation des scènes qui se veulent réalistes (réaction de la famille face au retour de la fille droguée), sont-elles particulièrement réalistes dans leur excès. C’est bien la vie qui s’y déploie.
Résultat : un des spectacles les plus fort qu’on ait vu ces derniers temps.


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