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Bloguez-moi bloguez-moi bloguez-moi

Publié le 06 octobre 2008 par Fred Boot
Fin septembre s'est tenue la quatrième édition du Festiblog à Paris. Le Festiblog est un lieu de rencontre plus ou moins formel entre les lecteurs de blogs, les blogueurs peu ou pas connus et ceux qui le sont. J'imaginais que les limites entre ces catégories n'étaient pas si marquées, attendu que le rôle du blogueur est de dégager un maximum de capital sympathie le rendant accessible aux lecteurs. De plus, tout lecteur est un blogueur potentiel et tout blogueur est un lecteur en puissance. Bref, j'imaginais le Festiblog comme un gros magma de pseudonymes, autant d'amitiés que l'on décrête en un clic, les uns demandant aux autres des gribouillis sur des feuilles volantes ou de jolis carnets à spirale en papier recyclé. J'avais un peu abandonné la quête de sens de ce genre de rencontres, d'autant que les organisateurs ne semblent pas orienter cette fête vers des choses un peu plus consistantes, genre quelques discussions concretes sur le statut des blogueurs et l'économie de l'édition numérique. On n'est pas là pour s'prendre la tête, hé.
A la lecture des compte-rendus qui émaillent le web depuis quelques jours je commence à voir des évolutions dans tout cela. Des valeurs sûres sont apparues. Il suffit de s'intéresser dix minutes au monde des blogs BD pour les connaître : Boulet, Pénélope Jolicœur, Laurel, Obion, Fabrice Tarin, Melaka, Maliki, etc... La plupart ont pu éditer leurs blogs sur papier, agrémentant les ouvrages de bonus. Ils sont donc entrés non seulement au panthéon des blogs les plus "visités", mais aussi dans celui des blogs imprimés et vendus (si l'on considère qu'un blog reste le même lorsqu'il est amputé des commentaires de ses lecteurs). L'ouvrage n'est certainement pas une fin en soi pour ces auteurs même si leurs travaux ont toujours été réalisés dans une optique "print" plutôt que "screen" : en effet, la plupart n'ont pas attendu le succès de leurs blogs pour éditer autre chose. Cela n'empêche pas ces éditions d'accentuer un statut qui apparaissaient peu à peu.
Le magma de pseudonymes a fait place à une structure plus classique : le cercle des auteurs est dorénavant délimité. Il faut admettre que je ne fais pas là une grande découverte : les blogs BD affichent dans leurs fonctions mêmes le principe du réseau et de liens réciproques. Il devient assez aisé, en plus du contenu des articles eux-mêmes, de définir les groupes, les connivences, les amitiés, parfois de manière assez intime, dorénavant de manière très professionnelle. Aussi apparaîssent des messages assez inédits dans les compte-rendus des lecteurs: l'engouement participatif et l'euphorie du copinage qui ne coûte qu'un commentaire se teintent de doute et de timidité. On n'ose plus approcher les stars de l'audimat, il devient même délicat de les cotoyer car le schéma de la dédicace classique a pris le pas sur le reste. On se contente alors d'inconnus qui gratifieront un dessin de lycéen. La question "Et toi, t'es qui ?" ne répond pas vraiment à une identité (un pseudonyme, qu'est-ce que c'est ?), c'est devenu le moyen de jauger le poids en terme de trafic.
Avoir 34 ans, habiter à Hong Kong et ranger son ego entre deux bouteilles de Martini n'aide pas à comprendre tout cela. Je ne comprends pas l'intérêt que l'on porte aux blogs BD. Je ne comprends pas ce qui interesse tant les lecteurs dans la vie personnelle ou fantasmée d'illustrateurs ou d'infographistes. Il n'y a rien qu'on ne connaisse déjà. Je suis même assez bien placé pour dire que l'existence des dessinateurs et des graphistes n'a aucune espèce d'intérêt pour le genre humain. Je m'imagine parfois faire cet exercice, celui de pondre quasi quotidiennement une note dessinée sur plusieurs cases, et je perçois parfaitement que cela serait d'une redondance terrible. Redondance du texte avec le dessin, pauvreté des situations et de la reflexion, connivence obligatoire avec le lectorat, rapide accumulation de tics graphiques. Surtout ne plus critiquer "ce qui marche" sous peine d'être traîter de gros jaloux. Tout ça pour quoi ? Se fondre dans le magma des pseudonymes, taper l'épaule d'un dessinateur, faire des gribouillis au kilometres pour les copains d'un clic, et se serrer les coudes derrières une table lorsqu'on est publié ?
Le malaise du lecteur de blogs est de sentir que les auteurs à succès dorénavant lui échappent. Mon malaise à moi, c'est de voir un systême en place dont je me sens absolument exclu en tant qu'auteur, intellectuellement, artistiquement et physiquement. C'est trop louche, on parle bien d'ère des réseaux ?

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