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La Cavale

Publié le 08 octobre 2008 par Yannbourven
Mon âme se détache lentement de mon corps trempé planqué là sous une table en fer forgé, je suis dans une pièce immense toute verte, les quatre murs lézardés me rassurent, des milliers de tuyaux en caoutchouc recouvrent le sol et m'empêchent de marcher, un spot m'aveugle, je saigne du nez, je me trouve dans un tribunal.
Crise :
Toutes ces littératures qui s'amassent chez moi, tous ces livres empilés, forteresse d'infini qui me juge, nom de dieu je suis fait, le verdict est sans appel : je suis condamné à dévorer ces pages sur-le-champ, une à une, sans m'arrêter, grailler comme un dingue les bibliothèques du monde entier, alors je m'exécute, pas le choix, je me goinfre, sans dégueuler, tout y passe, même mes propres livres, heureusement, vite, plus vite me crient les Ombres, j'avale les mots, les concepts, la poésie que je mâche sans broncher, en boulimique, j'y prends goût presque, j'avale et j'avale et la nuit tombe une dizaine de fois, les Ombres s'envoient en l'air devant moi, se reproduisent, comme des personnages romanesques, des contes se dessinent, des légendes apparaissent, j'entends vaguement des tirs et des cris provenant du dehors, je ne bouge pas, je ne peux participer au Grand Soulèvement, je dois rester ici, chez moi, continuer à tout manger, on m'apporte d'autres palettes de livres, pas de répit, j'obéis sans discuter, si ça se trouve on me libérera plus tôt, pour bonne conduite, ha ! Encore ? merci, merci, mais oui j'ai faim, je vous jure que j'ai faim !... Attendez-moi, dehors ! Car le langage est mon devenir !
Silence... les Ombres se sont enfin endormies, après des jours et des jours d'orgies de fiestas bruyantes... Alors je décide de m'évader... Je saute du vingt-et-unième siècle, mais malheureusement pour moi j'atterris à plus de 500 kilomètres de la ville survoltée ! Perdu au milieu d'une dizaine de volcans sages et scrutateurs, dans le nowhere land d'Ossang, le pays des brumes matinales accrochées aux orgues de basalte, cette terre de petites fleurs bavardes et sauvages qui virent pousser ma jolie H., lorsqu'elle n'était encore qu'un tilleul barbare incurvant doucement son ombre sur les puys zombis.

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