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Jeudi

Publié le 10 octobre 2008 par Unepageparjour

Début du Rosier de Julia

Jeudi. Déluge et tempête. Avant le matin gris, avant même les premiers chants d’oiseaux, Julia écoutait la pluie qui se défendait des claques du vent, contre les vitres de sa chambre. L’appel des éléments, le combat de l’air et de l’eau. La petite fille s’impatientait des secondes trop lentes qui défilaient sur le réveil. Elle avait hâte d’appliquer les premières leçons de Papy Terreau. N’y tenant plus, toujours plus tôt, elle se leva, s’extirpa de la maison aux paupières encore closes, pieds nus dans les flaques, elle chercha son rosier dans la serre et le posa sur la terrasse, près du welwitschia, qui, malgré ses mille ans d’âge, n’avait jamais vu autant de pluie d’un seul coup.
 
Accroupie sous les averses, Julia, avec surprise, entendait les feuilles dentelées du rosier boire l’eau goulûment, à grande lampée. Accaparée par ce spectacle étonnant, elle n’avait pas vu les fenêtres s’éclairer, ni la porte du salon s’ouvrir, ni les pas qui s’approcher d’elle, ni son père, brusquement derrière elle, qui la saisit par les épaules et la ramena en courant jusqu’au cœur de la maison.

Ma pauvre fille, mais tu es complètement folle ! S’exclamait-il, dans un accès de rage.  Qu’est-ce qui te prend ! Tu es mouillée de partout. Tu vas attraper la crève ! Ce n’est pas possible, ça !

Hermann, s’il te plait ! Intervenait Jeanne, accourue par les cris, une serviette à la main. Calme-toi ! Hermann. Julia va nous expliquer, n’est-ce pas ? Continuait-elle en s’asseyant doucement près d’elle, massant ses cheveux trempés pour les essorer.

La petite fille se blottit dans les bras de sa mère, et se rendormit, toute pelotonnée. Le père haussa les épaules, et emmena son 4x4 sous un terrifiant déluge.

La journée passa, sans la moindre accalmie. Avec l’autorisation de Jeanne, vêtue d’un cirée, d’un chapeau en plastique et de bottes de caoutchouc, Julia put reprendre son rosier et le mit à l’abri des pluies et des vents, dont la lutte n’était toujours pas près de s’arrêter.

Mais la catastrophe avait été évitée de justesse. Les tourbillons incessants avaient roulé le petit pot de fleur d’un bout à l’autre de la terrasse, versant à chaque nouvel assaut du vent un peu de terre sur le sol, une terre gorgée d’eau, presque noyée, devenue trop molle, dans laquelle les jeunes racines avaient bien du mal à s’accrocher.

Julia décidait d’en retenir la leçon.


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