Magazine Journal intime

99 francs

Publié le 13 octobre 2008 par Corcky


Les publicitaires aiment te prendre pour un con.
En principe, tu le sais, vu que tu éclates d'un rire gras chaque fois que tu vois un écran de pub entre deux épisodes de ta série favorite (Weeds, Les Experts, Cold Case, Ugly Betty, Nip Tuck, The L word, Plus belle la vie...raye la mention inutile selon que tu es un beauf, une lesbienne, un jeune cadre qui s'emmerde, un pseudo-révolutionnaire bobo à deux balles ou un gay à très fort pouvoir d'achat, et si par hasard tu es tout ça en même temps, pourquoi ne pas aller faire un tour aux urgences psychiatriques les plus proches de ton domicile? ).
Tu sais donc qu'on te prend pour un con et que ça commence dès ta sortie de la matrice.
Couches-culottes, lait maternisé, lingettes parfumées pour torcher ton adorable petit cul merdeux, shampooing aux plantes et produits corporels à l'Aloé Vera, tu es né, petit consommateur insignifiant, pour te faire bourrer le crâne par des individus payés cent mille euros par an (sans compter les avantages en nature comme la cocaïne colombienne,  les putes ukrainiennes et les comptes en banque panaméens) pour te faire avaler n'importe quoi à coups de capital marque, de chronomarketing, de member get member (l'équivalent publicitaire de la bonne grosse partouze échangiste), de benchmark et d'Atawad.
Le but étant, je te le rappelle, de te faire cracher un maximum de pognon jusqu'à ta mort, et même là, on t'entubera au millimètre près en te faisant souscrire un contrat-obsèques à plusieurs milliers d'euros, qui comprendra un cercueuil flashy très tendance (dont on te glissera à l'oreille que Madonna a choisi le même), le dernier tube de la Star Academy pour accompagner la levée du corps, et un mini-concert de Francis Cabrel après le service funèbre, sans compter le trou de deux mètres sur trois et la jolie pierre tombale sur laquelle tu feras graver l'épitaphe de ton choix (cent euros la lettre supplémentaire au-delà des cinq premiers mots).
Tu n'es, cher ami, qu'une cible potentielle, une vache à lait, un gogo, le cochon de payant, le client de base, l'arrosé perpétuel, et tu as une chance sur deux de finir ton existence avec trois crédits chez Cetelem, Sofinco et Mediatis, tandis que ton ulcère de stress te tuera à petit feu, que tes mômes passeront leur temps à te taper du fric pour éponger leurs propres crédits, que toutes les merdes que tu te seras payé grâce aux crédits à 19% tomberont en panne les unes après les autres parce que le "Made in China" se traduit souvent par "tu l'as dans le cul, petit scarabée", et que tu te rendras compte que tu as perdu cinquante ans à refiler ton fric aux requins de la Com'.
Heureusement pour toi, cher lecteur, on ne te la fait plus.
Tu n'es pas de la génération des années fric, des années flambe, au cours desquelles des millions d'abrutis au brushing inspiré des Feux de l'amour ont fait confiance à la pub pour meubler leur vie de merde et palier à leur manque total de motivation et d'envie.
Toi, ami lecteur, quand tu regardes une pub pour lessive, tu te marres.
Quand on essaye de te refourguer des barres chocolatées hypercaloriques et cancérigènes, tu souris.
Quand on veut t'expliquer que l'acquisition d'un écran plat de deux mètres sur quatre à cinq mille euros devrait être l'ultime but de ton existence, tu rétorques: écologie, développement durable, préservation des ressources, implication citoyenne, prise de conscience globale, José Bové, OGM, malbouffe, retour à la terre, vraies valeurs, révolution, bordel, REVOLUTION!
Et tu as bien raison.
D'ailleurs, en tant que citoyen responsable et nouvellement acteur de ta vie, tu as décidé de ne privilégier que les marques qui respectent un minimum l'environnement, des marques qui excluent le travail des enfants, des marques qui refusent la dictature de la mode et des stéréotypes, des marques, en somme, suffisamment proches de toi et de tes propres valeurs pour mériter que tu dépenses du fric sur leur nom.
Des marques comme celle-ci, par exemple:



Voilà.

Enfin un truc qui te ressemble.
Tu regardes le clip, et tu ne peux pas t'empêcher de sourire, mais cette fois, c'est moins un sourire cynique que l'expression d'une certaine complicité.
Y'a compréhension mutuelle, là.
Pour une fois, tu n'as pas l'impression de te faire manipuler par une bande de communicants branchouilles uniquement intéressés par le contenu de ton portefeuille.
Connivence.
Reconnaissance.
Du coup, tu te dis que les produits cosmétiques bourrés de saloperies pathogènes, c'est terminé.
Adieu, L'Oréal et ses expérimentations barbares sur les animaux, Roc et ses arnaques aux rides tout juste dignes d'un mauvais téléfilm de science-fiction sur M6, Dior et ses mannequins anorexiques sur le point d'être admis d'urgence dans un service de réanimation (ou à la morgue, c'est selon).
Désormais, tu achèteras du NA-TU-REL, du vrai, des produits qui respectent les corps dans leur diversité, une marque qui ne cherche pas à t'entuber comme un bleu (ce que tu n'es pas, relire plus haut: tu es un consommateur averti et citoyen).
Évidemment, c'est pas sur les chaînes qui te passent des pubs Dove que tu verras ça:


Et tant mieux.
Sinon, il y a fort à parier que tu finirais par te tirer une balle.
Ce qui ne dérangerait en fait pas grand-monde, vu que le suicide n'est que l'aboutissement d'un mal-être profond, que le mal-être profond touche environ trois milliards de personnes, et que le marché représenté par ces trois milliards d'individus fait bien l'affaire de l'industrie pharmaceutique, des pharmaciens, de la scientologie, des coaches de vie, des émissions de Delarue et de Julien Courbet, bref...
Ta mort ferait en somme un gros coup de pub.


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