Magazine Journal intime

Krak ma poule !

Publié le 14 octobre 2008 par Thywanek

Vous commencez à me connaître un peu toutes et tous ! Chères lectrices. Chers lecteurs. Vous vous êtes peu ou proue habitués à mes facéties verbales et à mes langueur de torturé congénital. A mon incurable alexandromanie. A mes plaisanteries de cabaret. Bref à tout ce qui fait, ou qui tente de faire, le charme et l’intérêt de ces pages électroniques sans lesquelles pourtant le monde tournerait imperturbablement, ignorant des mes richesses intérieures et de ma propension partageuse à en faire profiter plein de personnes qui n’avaient rien demandé.
Rien qu’à cette introduction à peine moins ronflante qu’un vol de frelon en escadrille, on se demande déjà où ça va encore aller cette fois !
Voyez le titre ! Et pour ne rien arranger ceux auxquels vous avez échappé, encore que non, puisque les voici : « On fait krak-krak ? » « Krak ! Boum ! Huuuue ! » « Krakoukas ! » « Krak 40 » « Krakotte ma cocotte ! » etc …
Vous avez deviné, car votre QI plane suffisamment haut ne serait-ce que pour aborder le contenu abassourdissamment ébouriffant de ce blog, on va causer gros sous !
A vrai dire je me sens dans un état un peu particulier depuis quelques semaines. Frappé d’une sorte de dédoublement réactionnel qui me fait alterner d’inextinguibles fous rires avec des montée de colère dont la totalité de l’expression pourrait s’avérer un tantinet ravageuse. Ballotté de l’une à l’autre de ces manifestations nerveuses, tentant de retrouver un peu d’équilibre pour la sauvegarde de ma pauvre complexion psychique congénitalement perturbée par ailleurs, ce qui n’aide pas, j’oscille entre le projet d’ouverture d’un cabaret comique spécialisé pour économistes, analystes fricoto-financier, et autres commentateurs, et le dépeçage en place publique de ces mêmes individus auxquels il serait alors tentant d’extirper jusqu’au dernier souffle des cris de douleur et d’agonie en proportion de ce que le résultat gigantesquement calamiteux de leurs théories ont produit, produisent, et vont produire, suite aux petites difficultés d’argent que les impérities de maniaques pathologiques ont une vague tendance à imposer à notre joli monde depuis si longtemps, et dont on constate en ce moment les plaisantes et dantesques conséquences.
Oscillation entre la civilisation par le rire, et la barbarie en réponse à la barbarie.
Entendez-les ! Si vous en avez encore la force. Laquelle je l’avoue me manque un peu, certains matins et certains soirs, ces jours-ci. Entendez-les ! Commentez l’écroulement des finances de la planète avec le sage recul de ceux qui seront toujours du bon côté d’où il faut voir les choses pour ne rien ne bouge.
« Oh mais non, mais non ! Cela ne remet pas en cause le système économique libéral ! pensez-vous !... Hou la la non ma Chère ! D’ailleurs surtout pas !»
Que n’ai-je pas ouï, à ce sujet pas plus tard que très récemment ? Madame Monique Canto-Sperber, ci-devant directrice de l’Ecole Normale Supérieure (pour celles et ceux qui auraient renoncé aux études à cm2 +3 ou 4 l’ENS est une luxueuse fabrique d’élites intellectuelles qui fonctionne grâce à nos impôts », ce qui nous pose un peu la personne, femme intelligente, instruite et même cultivée, officiant régulièrement sur une radio culturelle de service public, où il n’est pas toujours agaçant de l’entendre, nous livrer au détour d’un entretien plein de complaisance : « Dans libéral il y a liberté ! Alors quand même ! » Ben voyons ! C’est vrai que les 40000 chômeurs supplémentaires du mois dernier ont beaucoup gagné en liberté depuis qu’ils ont été virés de leurs emplois. Et je ne parle pas des vagues de salariés qui vont prochainement les rejoindre au gré de l’onde de choc que va générer l’effet casino des bourses du monde à la faveur du délire spéculatif des illuminés du Marché. Du Marché ? Oui du Marché ! Avec un M majuscule ? Oui avec un M majuscule ! Ah bon ? Oui ! Demandez à Monsieur Raphaël Enthoven, ça m’étonnerait qu’il désavoue cette preuve de déférence à l’idole qu’il défend si bien. Monsieur Raphaël Enthoven, ancien élève de l’ENS, (tiens, tiens, s’agirait-il d’un programme d’études ?), agrégé de philosophie, enseignant aujourd’hui à Polytechnique et à Science Po, officie lui aussi sur cette même radio où l’on peut entendre Madame Canto-Sperber. Il y trouva en des temps pas si lointains l’aisance nécessaire à traiter l’électorat du non au TCE en 2005 de social-nationaliste, dans cette même considération très démocratique qui inspira l’hilarant Monsieur July de qualifier ce même électorat de xénophobe. Monsieur Enthoven, dans un entretien complaisant qui remonte je crois à la semaine dernière, déclarait que « Non, le capitalisme n’a pas à être moral. » Ce qui a l’avantage, évidemment de régler le problème en évitant sa part la plus fâcheuse.
Mais, me dites-vous, car je vous entends d’ici, je parlais plus haut d’économistes et d’analystes financiers !?! Si vous faites allusion aux cohortes de majordomes appointés alternativement par le Medef et le Consortium du Palais Brongniart, effectivement il y a un petit malentendu. Ceux-là il devrait suffire de les muter en travailleurs sociaux dans le 9-3, en agents d’accueil à l’anpe, en greffiers de tribunal correctionnel, en ex salariés de Moulinex, en futurs licenciés de chez Renault : le choix de carrière ne manque pas pour mettre ces gens en présence du monde qui plie la nuque, si… librement… sous la sainte loi du Divin Marché dont ils sont si docilement les enfants de chœur.
En fait d’économistes, d’analystes, de commentateurs, je parle bien de ces autres, gens, de grande culture et d’intense réflexion, qui se parfument si doctement aujourd’hui d’ânonner sur le ton définitif de ceux qui savent, sous couvert quelquefois d’un doute de façade, les sentences définitives et irréfragables de dogmes dont l’airain n’a rien a envier au matériau qu’utilisaient en leur temps pour forger leurs certitudes, les défendeurs du défunt système économique soviétique.
Dans « libéral il y a liberté ! » et « le capitalisme n’a pas à être moral. » On est bien avec ça !
Madame Canto-Sperber, si le libéralisme se justifie parce que dedans il s’y trouve le mot liberté, vous devriez être tenue de nous en dire plus. Rassurez-vous, vous devriez, mais vous ne l’êtes bien sur pas. Ce que veux dire par là ? Rien que de très simple : je souhaiterais qu’on ne parle pas de liberté, politiquement, économiquement, sans devoir dire de quelle liberté on parle, de la liberté de qui, pourquoi faire, et avec pour limite la liberté de quels autres.
Monsieur Enthoven, si ce modèle de moteur économique qu’est le capitalisme n’a pas à être moral, qu’est-ce qui devra l’être ? Votre proposition, appelons-là ainsi dans un accès de sournoise gentillesse, me fait penser à ces automobilistes qui, puisqu’ils ont eu l’étrange bonheur de pouvoir acquérir une quelconque de ces porsches dont la névrose de certains est si friande, s’autorisent par là même à rouler à la vitesse qui leur plait, au mépris des règles, et potentiellement de la vie d’autrui. C’est au nom de cet amoralisme dont vous vous faites le plaideur qu’on a, des années durant soumis à l’exploitation de l’amiante des générations d’ouvriers du bâtiment. Combien en sont morts, Monsieur, combien en meurent, ou vont en mourir. Faire ici le catalogue funèbres des victimes de cette absence, légitime selon vous, de morale du système capitaliste serait interminable.
Et donc si on vous comprend bien, Madame, Monsieur, il est tout à fait normal, pour ne pas dire essentiel, que l’économie des sociétés dans lesquelles nous vivons, ou survivons, soit libre et amorale.
Ce terrifiant statut est-il accessible à toutes et à tous dans nos mondes ? Est-il selon vous destiné à le devenir ? Doit-on l’espérer pour celles et ceux qui trouveront les armes pour se défendre ? Et sera-t-on convier à le déplorer pour celles et ceux qui n’en trouveront pas ? Parce que les armes ne sont pas à la portée de toutes et de tous. Inclinerait-on à faire qu’elles soient à la disposition de toutes et de tous, ces armes ? Ou ne voit-on pas plutôt votre culte s’ingénier à se protéger comme un forcené derrière toutes les sécurités policières possibles ? Voit-on la commercialisation de l’enseignement et de l’éducation, régulée par les quotients de rentabilité des produits finis qui sont sensés en sortir, encourager le libre épanouissement des êtres ? Ou n’observe-t-on pas, Madame, votre liberté ne se vendre qu’aux plus offrants, qui en ont les moyens, et votre amoralisme, Monsieur, ne servir qu’à celles et ceux qui sont du bon coté de la police, de la justice, et de tous les pouvoirs en général ?
Je vous dis ça parce que je suis personnellement assez libre et amoral pour savoir de quoi il retourne en ces matières. Mais pour me revendiquer, surtout modestement, de ce double état, je sais aussi, comme beaucoup d’autres, que le prix en conscience est des plus élevés. Et je ne suis pas très sur que cela soit une dimension dont la mesure entre en compte dans les incantations de vos dogmes à hauteur de ce qu’elle devrait.
Ce que vous défendez, Madame, Monsieur, ce que vous soutenez, ce que vous prêchez, a ajouté cent millions de personnes au peuple tragique des affamés, dans le monde, cette année.
En toute liberté, en toute amoralité.
Le pays référent de ce que vous défendez, de ce que vous soutenez, de ce que vous prêchez, les Etats Unis d’Amérique, compte plus de trente millions de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté. Près de la moitié de ces personnes vivent en état d’extrême pauvreté. Plus d’un tiers du total de ces personnes sont des enfants.
En toute liberté, en toute amoralité.
J’en termine, provisoirement, par ce rappel à la désormais célèbre déclaration de Madame la dirigeante du premier syndicat des patrons et entrepreneurs de France, lorsqu’elle prit ses fonctions : «L’amour est précaire. La vie est précaire. La nature est précaire. Pourquoi l’emploi ne le serait-il pas ? » Réponse : que l’amour soir précaire ou pas, Madame, ça ne vous regarde pas. La vie est précaire ? la votre ? La mienne ? la belle affaire ! La nature est précaire ? Oui. C’est vrai que le petit mulot qui courre dans la prairie pendant que le rapace fond sur lui, sa vie est précaire. La gazelle qui va boire au marigot pendant que le gros crocodile s’avance entre deux eaux, sa vie est précaire. Le petit oiseau qui batifole dans son nid pendant que le gros matou progresse vers lui, silencieusement, sa vie est précaire : mais ça, Madame, ça porte un nom : ça s’appelle la loi de la jungle. Et, jusqu’à maintenant, et pour le plus longtemps possible, la loi de la jungle est le sens opposé à toute évolution d’une civilisation digne de ce nom.
Ne perdons pas de vue que si le capitalisme est aujourd’hui le seul système économique qui puisse le mieux s’imposer de part le monde, c’est principalement parce que c’est le système qui correspond le mieux aux travers de la nature humaine. On peut s’en accommoder. On peut devoir ne pas s’en contenter.

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