Magazine Humeur

Marseillaise, c’est aujourd’hui que je te siffle !

Publié le 15 octobre 2008 par Dalyna

Hier soir, un drame a eu lieu au stade de France. Oui, je vais la jouer un peu comme la plupart des médias : d’un fil, je vais faire une pelote de laine. Quelle est donc cette tragédie qui fait la une de tous nos médias ? Les sifflets du public au moment de la Marseillaise lors de la rencontre France/Tunisie de la veille. En effet, malgré les performances vocales de Lââm, impossible de ne pas entendre les énormes huées en bruit de fond. Cela étant, j’étais loin de m’imaginer que ce petit évènement serait perçu comme une tragédie pour les politiques. Et si c’en est une, alors peut-être faut-il la relater avec un peu plus de bon sens.

Depuis ce matin, je suis révoltée par tous les propos que l’on peut entendre. De la part des politiques, à côté de la plaque, mais également des journalistes, qui osent carrément parler de « racisme anti-français ». Ca, c’est fort. C’est sûr que ce sont les français de souche qui souffrent de racisme dans ce pays… Tous les médias ont ouvert leurs journaux là-dessus, en rapportant les sentiments de Laporte et Bachelot, qui se disent « choqués ». Encore mieux, voici les propos de Frédéric Lefebvre, porte-parole de l’UMP : « En sifflant les Bleus, c’est aussi des jeunes Français d’origine tunisienne ou algérienne qui sont sifflés. Quand on est adopté par un pays on respecte son hymne national ». Il ose tranquillement parler d’adoption à des gens dont même les parents sont parfois nés en France. Excuse-moi coco, mais mon grand-père a travaillé 40 ans dans ce pays, à reconstruire ce pays bien plus que tu ne l’as jamais fait et ne le feras jamais, donc je ne me sens pas vraiment « adoptée » par la France parce que j’ai des origines. Et si cela doit être le cas, arrêtons tout de suite le droit du sol, ça vaut mieux, on moins, ce sera clair, net et précis pour tout le monde.

Il a osé dire ça le porte-parole, oui, il a osé. Ca passe comme une lettre à la poste de nos jours. Et après, on s’étonne que les gens sifflent… En effet, je crois que c’est plutôt dans ce sens là qu’il faut prendre le sujet : Qu’est-ce qui fait que des français sifflent l’hymne national ? Qu’est-ce qui se passe dans leurs vies pour que lorsque la France joue, ces personnes « d’origine » ne soutiennent pas l’équipe du pays dans lequel ils vivent, mais celui de leurs parents ? Ca, c’est la vraie question, et elle fait mal. Elle fait si mal qu’il est plus simple de se cantonner à faire des conclusions de bas étage (oh, mais zut, ils ne veulent pas s’intégrer, zut alors ! encore ces foutus étrangers… racisme anti-français… blablabla). Ben oui, c’est plus facile. Ce qui m’interpelle est que personne parmi ces politiques de tous bords, et tous les journalistes, aucun ne daigne mettre sur la table ces véritables questions. Si cette simplicité d’esprit est tolérable de la part d’un citoyen lambda, cela n’est pas acceptable venant d’un élu ou d’un journaliste. Si dans une démocratie digne de ce nom, les journalistes et les élus ne sont pas capables de proposer de vrais débats sur les questions de fond de notre société, alors je me demande ce qu’est la démocratie. Plutôt que de crever l’abcès, on préfère taire les choses ou alors provoquer une fausse polémique dont on connaît les profiteurs. C’est plus simple en effet. Mais le problème, c’est qu’en agissant ainsi, ils ne font que reculer l’échéance, et nous l’avons bien vu en 2005 lors des émeutes : On peut mettre de la pommade sur l’abcès, si on ne le traite pas vraiment, un jour, il explose.

Je dirais également que la simple manière dont a été traitée médiatiquement cette histoire de sifflets en dit long sur l’explication du phénomène malheureux de la veille. C’est paradoxal quand même : on dénonce quelque chose pour lequel on participe activement de façon inconsciente. Rien que dans la façon de traiter l’info, on condamne. Or, quand on journaliste, il me semble que le métier ne consiste pas à juger, mais à tenter d’expliquer. Ou alors, c’est qu’on s’est trompé de voie, et là, c’est autre chose. Mais quand on est journaliste, on n’est sensé essayer d’apporter un éclairage, en travaillant notamment avec des chercheurs, des sociologues, des universitaires pour essayer de comprendre un évènement. Lorsque Fillon dit sur RTL que la France a été insultée, moi, j’ai envie de lui répondre : et tous ces gens qui sont traités de voyous par Pernault, ces autres qui sont tranquillement venus au stade voir un match et qui sont assimilés à quelques fauteurs de trouble, comment les a-t-on traités ? Et si l’acte de ces quelques « voyous » n’était pas uniquement le fruit de la connerie, mais bien un acte politique de personnes qui n’ont plus les mots pour dire qu’ils sont les grands oubliés de la république ? Personne n’y a pensé à ça, trop occupés à « condamner » de tous les côtés.

Trop concentrés sur le jugement, le vent nouveau de tolérance zéro qui s’abat sur la France, personne ne s’arrête un instant pour se rendre compte à quel point ce qui se passe est extraordinaire. Plus que d’être répréhensible, c’est surtout fou que des français sifflent leur hymne national, vous ne trouvez pas ? Personnellement, je ne suis pas « choquée », mais ébahie. A chaque rencontre sportive entre un pays du Maghreb et la France, c’est la même rengaine. Et on voudrait réduire cela à de la simple connerie ? Ou encore mieux, au problème de l’intégration ?

Aux Etats-Unis, les afro-américains plantent des drapeaux américains devant leurs maisons. En France, tout le monde vote Obama, mais quand il s’agit d’embaucher un noir ou une personne « d’origine maghrébine », là par contre, on n’est plus si américains que cela. On veut un noir à la Maison Blanche d’un arabe comme simple employé de banque. Etrange tout de même. En France, on est au taquet quand il s’agit de critiquer ces « étrangers » qui ne veulent pas s’intégrer et qui siffle notre glorieuse marseillaise. Mais est-ce qu’on les a intégrés ? Est-ce que les français ont admis l’idée qu’un français n’a pas QUE les cheveux blonds ou les yeux bleus ? A en voir la publicité, le cinéma, la télé, et surtout le Parlement, je ne crois pas non… Mais si, où ais-je la tête, il y a Rachida Dati et Rama Yade, ben oui, génial, hey, y’en a 2 !

J’ai lu ça et là des sottises à longueur de journées. J’ai entendu par exemple Pernault dire dans son JT bucolique « qu’il est difficile de trouver des solutions face aux agissements de voyous pareils ». Il manquait plus qu’il termine sa phrase par « sale race » et on était complet. Moi, j’ai envie de lui dire, que c’est sûr que si on passe sa journée à dire « c’est honteux, c’est inadmissible, I’m shocking oh la la », c’est sûr qu’il ne risque pas de se passer grand-chose. Comme dit la gamine de la pub pour la lutte contre le cancer : si on ne cherche pas, on ne trouve pas. Logique. Ca, on est tous d’accord que ce n’est pas normal de siffler un hymne national, on est tous d’accord pour dire qu’il y a un malaise, mais une fois qu’on a dit ça, on a dit quoi ? RIEN. Cela n’apporte pas de solutions de dire ça et de défoncer des portes ouvertes à longueur de temps. Il ne faut pas se leurrer : ce genre d’attitude arrange bien les politiques. C’est super d’avoir de tels relais simplistes et que personne n’ose poser une seule question qui fâche : le fameux Pourquoi du comment. Quand j’y pense, c’est pépère d’être député quand même. Un conflit ? Un incident ? Le directeur de cabinet envoie aux médias un petit communiqué dénonçant ces pratiques avec deux-trois mots clés, toujours les mêmes : « inadmissible », « indicible », « scandaleux », « honteux »… et hop, le tour est joué. Les médias, avec leur formidable esprit critique relayent ça. Du coup, on passe la journée à se palucher sur celui qui aura utilisé le terme le plus fort, on prend des sanctions express qui ne révolvent rien (interrompre le match), et hop, Affaire classée ! Trop cool la vie.

  


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