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Son père roulait

Publié le 17 octobre 2008 par Unepageparjour

Début du Rosier de Julia

Son père roulait à vive allure. Sa mère somnolait déjà, bercée par le long ronronnement du moteur et la route monotone. Julia entendait sa respiration monocorde, presque un ronflement léger, qui s’associait de concert aux autres bruits de l’habitacle. La radio, en sourdine, égrenait ses publicités habituelles, entre quelques flashes d’informations et des chansons sans intérêts.

Julia sentait dans sa paume les morsures de son rosier. Cette douleur vive occupait son esprit, et lui permettait de ne pas penser à autre chose. Elle entendait chaque battement de son cœur crier dans sa blessure. Elle aurait aimé regarder les dessins que les épines avaient tracés dans sa main, mais elle craignait que son père ne découvrît quelque chose, en lui jetant un coup d’œil à travers le rétroviseur. Alors elle s’abstenait. Elle se concentrait sur son mal. Elle attendait, le regard perdu sur de vagues paysages, qui défilaient, moroses, dans cet automne gris.

A midi, Hermann arrêta la voiture sur le parking d’un restaurant d’autoroute. Il fallait descendre. Julia s’inquiéta. Comment s’y prendre ?

Habilement, elle tenait serré son bras droit contre elle, de manière à tenir le rosier, tout en ayant l’air d’avoir les mains libres.

Installée à table, elle demanda la permission d’aller aux toilettes, pour se laver les mains.

Je t’accompagne, dit Jeanne.

Non, maman, je suis grande, maintenant.

Son père acquiesça, et Jeanne se rassit, un peu inquiète.

Julia regarda sa main droite. Etonnée, elle remarqua que sa paume s’était refermée. La cicatrisation de la blessure était presque terminée. A peine quelques traces de sang marron souillaient un peu l’intérieur de sa main, presque rien, que l’eau savonneuse suffit à faire disparaître. Elle n’avait plus mal. Elle ouvrait et refermait sa main, machinalement, sans plus ressentir aucune douleur. Puis elle souleva son pull. Son protégé était bien là, sage, au chaud, juste un peu froissé, mais il semblait résister à l’arrachage brutal du matin. Julia le passa sous l’eau, pour le rafraîchir, tout en le rassurant sur ce mauvais moment à passer :

Ne t’inquiète pas, petit rosier ! Nous sommes bientôt arrivé, je pense. C’est la ville, là-bas, mais je te trouverai un beau pot de fleur, plus beau que celui que tu avais avant, et je te mettrai à la fenêtre.


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