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Après le repas

Publié le 18 octobre 2008 par Unepageparjour

Début du Rosier de Julia

Après le repas, ils reprirent la longue route ennuyeuse et grise. Jeanne dormait profondément, comme si son esprit était resté en éveil dans la chaleur de la « Maison du Bonheur », et son corps, gisant dans la voiture, inerte. Julia pensait à son rosier. Elle en oubliait le reste. Elle sentait sur sa peau des picotements légers, sous son pull, là où se cachait le jeune arbuste. Les épines, imaginait-elle. Mais les épines l’auraient griffée, réfléchissait-elle, tout bas, pour ne pas se faire entendre. Elle avait envie de regarder. Mais elle ne pouvait pas. Les racines, peut-être ? Plus Paris se rapprochait, et plus cette sensation devenait plus précise, plus étrange. Il s’agissait de son côté droit, entre le haut des hanches et le bas de ses côtes. Une impression nouvelle, pas douloureuse, plutôt douce, presque agréable, par instant. Elle y glissait ses doigts, mais l’image qu’ils lui renvoyaient n’était pas assez nette. Sa peau. Les feuilles du rosier. Sa peau, encore. Les racines, tout contre elle. Une certaine euphorie l’envahissait, comme si cette nouvelle vie, finalement, pouvait épouser une forme plus lumineuse, plus colorée, qu’elle ne l’avait craint au départ. Elle souriait. Elle s’était endormie, la main posée sur son côté droit, là où l’arbre vivait contre elle.

L’arrivée à Paris fut singulière. Julia s’était réveillée. A sa grande surprise, la gêne avait disparu. Elle ne ressentait même plus la présence de la plante. Elle crut d’abord qu’elle avait glissé pendant son sommeil. Mais non ! Le rosier était bien là, toujours à la même place. La touffe des feuilles bruissait sous sa main, pleine de vie.

Le soir était tombé. Elle n’eut guère le loisir de regarder l’immeuble dans lequel Hermann les emmenait. Ascenseur. Dernier étage. Tapis dans l’escalier. Mélange de rouge, de violet, un liseré blanc, des petits carrés, une mosaïque d’aspect géométrique. Troisième porte à droite. Une entrée étroite. Un parquet à l’ancienne. Une salle à manger assez vaste. Les deux chambres.

Voilà la tienne, Julia !

Un lit, déjà fait, une commode, une armoire, trois étagères. Elle en fit vite le tour.

C’était Jeanne, qui venait vers elle. Sa fille la repoussa un peu, se disant fatiguée. Elle voulait dormir. Elle était couchée. Pas de pyjama. Juste le bisou du soir.

Julia attendit, les yeux grands ouverts dans la pénombre, étendue sur le dos. Elle voulait savoir.


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