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Les trésors du Musée National d’Addis Abeba (2)

Publié le 29 avril 2008 par Icipalabre

portrait-menelik.1209489819.jpgJustice, mensonge et illusion.
Plus récents et fixés à la hauteur d’une mezzanine qui s’ouvre sur le premier étage, les portraits peints des trois derniers souverains de l’Ethiopie (Tewodros IV, Ménélik II, et Haïlé Sélassié Ier) et celui de Menguistu s’offrent aux regards. Ces oeuvres rappellent que jusqu’à une période récente, l’art officiellement toléré en Ethiopie se devait de glorifier le prince.
Celle représentant Ménélik en costume d’apparat est sans doute la plus avantageuse. D’autant plus que le souvenir de son règne tel qu’il est conservé et transmis dans la mémoire collective repose surtout sur l’image du vainqueur d’Adoua, pourfendeur de l’impérialisme occidental, chevauchant dans de vastes plaines en costume de guerriers, celle du conquérant, occupé à soumettre les provinces hostiles, ou celles de l’homme d’Etat, le pacificateur, coiffé d’un éternel foulard blanc sous un chapeau à larges bords et dépassant d’une tête les fidèles qui l’entourent. Ce n’est que justice: Ménélik a offert à l’Ethiopie la reconnaissance des nations modernes.

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Haïlé Sélassié quant à lui, est représenté en uniforme militaire, le regard tourné vers la gauche, comme pour mesurer le chemin parcouru. Dans cette direction, le ciel encombré de nuages gris évoque la tourmente de la guerre et de l’exil. La dépossession. Tête haute, l’Empereur, dont la titulature officielle, pétrie de mythes bibliques, était “Haïlé Sélassié Ier, élu de Dieu, Rois des rois d’Ethiopie, Lion de la Tribu de Juda, 225ème descendant de Salomon”, exprime dans sa posture à la fois la force de sa résolution à bouter l’envahisseur, mais aussi la bienveillante sagesse du monarque éclairé. Ce n’est qu’illusion: le Roi des rois n’a offert à l’Ethiopie qu’un rêve inabouti de grandeur.

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Le portrait de Menguistu est tout aussi surprenant: le combattant de la révolution, le marxiste dirigeant l’armée du peuple, qu’on voit généralement en tenue militaire , est ici représenté dans un costume-cravate qui semble lui conférer une légitimité politique qu’il n’a sans doute jamais connue ni même effleurée. Mengistu, le négus rouge, Menguistu, qui répand la terreur et fait massacrer ses opposants une décade durant, Menguistu, qui pactisa avec les grandes puissances et affama le peuple pour construire une armée, Menguistu, auquel ce portrait idéalisé redonne l’apparence d’un homme d’Etat avisé. Ce n’est que mensonge: Menguistu n’a offert à l’Ethiopie qu’un cortège de douleurs.
NJ
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