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Le fanzine, c'est has-been

Publié le 21 octobre 2008 par Fred Boot

Voici un article qui m'a été inspiré par un mail de la sympathique équipe du non moins sympathique fanzine rennais "Bévue !!!" (un normand qui dit du bien des bretons, on aura tout vu). Je ne sais pas s'il le publieront, mais en toute logique vous pouvez le lire ici.


Durant les années 80, le fanzinat connaissait son age d'or. Je ne sais pas exactement pourquoi, mais c'était une époque où l'on voyait fleurir des fanzines de qualité "professionnelle" tels que PLGPPUR (Plein la gueule pour pas un round), Scarce ou autres Sapristi. Les contraintes de coût en matière d'impression et les difficultés de diffusion étaient sévères et le contenu éditorial était souvent très pointu. Le fanzinat était officieusement un passage obligé pour les auteurs en devenir, aussi la qualité générale de leurs bédés atteignaient au fil des ans un très bon niveau et ce pour deux raisons : une exigence personnelle des auteurs et une selection de plus en plus drastique de la part des fanzines. L'exigence des auteurs répondait à la volonté d'être édité professionnellement par la suite. La sélection, elle, s'explique de la manière suivante : peu à peu on comprenait que ces ouvrages coûteux à mettre en place intéressaient avant tout les passionnés et à la découverte de nouveaux talents on préférait souvent les interviews fleuves d'auteurs reconnus, les essais critiques sur le devenir de la bande-dessinée, ou encore les articles aptes à capter les collectionneurs.
Les logiciels de mise en page et les méthodes d'impression se démocratisant, un regain des fanzines donnant une place aux inconnus sous forme de recueils plus ou moins bien ficelés eut lieu. Il s'agissait d'un recentrage sur la production amateur, un lieu d'expression mais surtout de publication privilégié, dont les enjeux budgétaires très modestes permettaient toutes les prises de risques.
Il y a une constante dans l'histoire du fanzinat, elle est toute bête : l'envie d'être publié. Je pense que cette envie a toujours passé avant celle d'être lu. Le lectorat d'un fanzine est trés restreint, et il n'y a pas vraiment de retour sur ce qui plaît ou non. En bande-dessinée, l'expectative d'une publication explique la naissance de projets. Cette constante se retrouve bien des années plus tard.
L'auto-édition a connu en effet un bouleversement très important : la publication en ligne. Le premier reflexe fut de publier sur le web des planches qui auraient très bien pu être destinées à un fanzine papier. Une technologie allait cependant influencer non seulement la forme mais aussi le fond de la production amateur : le blog. Jamais la publication n'a été aussi rapide et facile. À cela s'ajoutent des hébergements spécialisés pour des bande-dessinées que l'on appelle dorénavant des webcomics. Il existe même des service pour imprimer sa production sous forme de livre. L'auto-édition est reine. Tout le monde est auteur. Donc il n'y a plus d'auteurs.
J'ai connu les différentes étapes de l'édition amateur, de la feuille de choux photocopiée au blog en passant par les fanzines à impression professionelle. Quelle est la place du fanzine aujourd'hui ? Je pourrais être tenté de dire que cette forme de publication, que ce soit sur papier ou non, est devenue obsolète. Il est peut-être temps de repenser son rôle.
Plus que jamais, nous avons en effet besoin d'appareils critiques réactifs et de "lieux" de publication qui s'opposent à ce qui est en train de se produire : nous n'assistons pas à la naissance de communautés de créateurs, nous assistons à une addition de créateurs. Sans un vrai espace critique et sans la mise en place d'un pont avec le monde professionnel, cette profusion d'artistes n'a pas vraiment de sens. Nous avons besoin non pas d'être publiés, car aujourd'hui tout le monde est publié, mais de rencontrer des projets et des regards, de focaliser ce magma, cette addition de créateurs, vers plus de qualité. Il faut se rappeller que sous ses airs démocratiques, l'édition en ligne aujourd'hui est très égotiste : chacun est dans son coin. La place du fanzinat est certainement ici : tirer l'édition en ligne vers le haut, redonner un sens à la publication, créer des projets pour regrouper les auteurs. Il y a toujours une prétention dans le fait de se dire "mon travail est publiable", et cette prétention devrait aujourd'hui être considérée à nouveau comme un défi et non plus comme l'assouvissement d'une auto-satisfaction. En fait, le fanzinat pris comme dénicheur de talents émulant plus de qualité n'a rien d'has been. C'est une nécessité.


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