Magazine Journal intime

Monnaie de songes

Publié le 23 octobre 2008 par Lephauste

- Dites moi mon brave, Je cherche désespérément le village mondial ?

L'homme est un autochtone sans doute, il est assis au bord du chemin, sur un tas informe de petites coupures dont on devine qu'elles n'ont servit que peu de temps. Le temps sans doute de se retrouver à la tête d'une fortune qui aura fait long feu. L'homme se gratte le haillon à hauteur de l'entre-cuisse. Ces naturels sont d'une innocence charmante. Un peu vulgaire,  me direz-vous mais comment trouver de l'âme à ces peuples que le vent de l'histoire, à chaque soubresaut fait tomber de la branche d'où manifestement ils descendent.

- N'auriez pas des allumettes ? Le bougre a froid, il veut faire un feu ? Mais que diable, la journée est splendide, le ciel sans éclats de nuages radioactifs et le soleil luit comme une once d'or fin. Désolé mon ami, je lui réponds. Il faut toujours être courtois avec l'indigène, c'est écrit à la page "conseil d'amis" de mon guide du broutard. Mais justement je viens d'arrêter de fumer ! Sale con ! Le voilà qui maugrée et comme son français n'est pas de souche je me jette sur le lexique qu'un concept Averty (Tex Averty, le grand père de JC) a justement placé à la fin de mon guide. Sale con ... hum... sale con... Ah voilà ! Sorte d'interjection tout à fait amicale que nous pourrions traduire par : Ô noble étranger est-ce qu'une tasse de thé brûlant ferait ton affaire ! Je me rengorge, fais mine de ne pas avoir eu recours au lexique et me lance dans un discours approprié sur les mérite comparé des boissons gazeuses et de ce qu'il appelle le "thé". Au bout de quoi je lui avoue ne consommer que des choses proprement manufacturées. Il se renfrogne et se remet à frapper l'un contre l'autre deux morceaux de silex d'où quelques maigres étincelles jaillissent. Pas de quoi cramer le monceau de papier sur lequel il est assis. Je profite de la concentration bestiale qui l'anime pour faire une ou deux photographies de sa pratique ancestrale. Ce qu'il y a de divin dans ces gestes simples, ce qu'il y a de pure innocence, de mystique dépouillée. Je me sens confit d'émotions, des glaires me remontent, ce qui est signe,  selon la faculté,  d'une intense activité expectorante propre à signifier l'empathie qui nous tient, le naturel et moi dans un état de communion salivatrice.

Mais c'est qu'au bout d'une série de coups redoublés une flamme prend corps et que le tas flambe à qui mieux mieux. Mais l'autre ne bouge pas et ses hardes commencent à sentir le cochon grillé ... Eh mais levez vous ! Toi pas rester là ! Toi bon Ô noble grand chef tribu des petits porteurs ! Moi congés payés, toi pas faire chier avec suicide catastrophe crise mondiale faillite du système crédulité. Rien n'y fait et tel un bonze qui s'immole à chaque coup dur, le lâche part en fumée nauséabonde. Ils ne se lavent que peu, disait aussi le guide.

C'est triste n'est-ce pas ? Car comme le disent les populations d' Afreak's : Quand un petit porteur meurt c'est comme si les archives du crédit lyonnais  brûlaient. C'est non seulement triste mais aussi nous sommes bien emmerdés car à présent les vacances sont gâchées. Personne pour nous indiquer la direction du village mondial et la nuit tombe et ma réservation au centre d'hébergement d'urgence du Mesnil-Amelot ... Et j'avais promis au petit dernier de lui rapporter une pair de chaussures de sport qui courent vite, ses favorites. Point plus de village mondial alors ? C'est idiot car je dois avouer que moi, humaniste que je suis, ce concept me plaisait bien. Tant pis,  je rentre par le premier container venu et le petit fera archéologie, les civilisations englouties ça plaît toujours aux enfants.


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