Magazine Journal intime

Three days in Paris - day 3

Publié le 23 octobre 2008 par Anaïs Valente

Dimanche matin mais pas de grasse mat.  Je suis à Paris, pas question de rester au lit (puis accessoirement, je dois quitter my room pour midi tapant).  Vers 9 heures, courbaturée comme une centenaire, je rejoins Nicole Versailles pour un petit déjeuner aussi pantagruélique que la veille.  Trop bons, les croissants français, presqu'aussi délicieux que les belges.  J'ai bien dit presque.  Grandes conversations avec Nicole, bien plus passionnantes que celles avec le lézard de la veille.

Je monte ensuite faire mes bagages, qui, comme d'habitude, n'entrent plus dans mon sac de voyage.  Je suis contre le rétrécissement des sacs et valises entre l'aller et le retour, c'est d'un sadisme fou.

Il me reste quatre heures avant le début du salon à la mairie.  Que faire ?

Retourner au Bazar de l'Hôtel de ville, exceptionnellement ouvert, afin de tenter d'y recroiser mon photographe brun ténébreux ?  Et histoire de dépenser plein de zeuros ?

Métroer (ça se dit pas, pour prendre le métro ?) jusqu'à la Tour Eiffel, que j'ai déjà visitée en long et en large mais qu'importe ?  Et avoir le vertige dès le premier niveau ?

Aller gargouiller à Notre-Dame ?  Et chercher un bossu à aimer ?

Glander devant la messe sur France 2 ?  Et me dire que décidément, Dieu, c'est pas ma tasse de thé ?

Etant donné l'état de mes petons, j'opte pour une visite simple et proche de l'hôtel : le cimetière du Père Lachaise.  J'aime bien les cimetières, même si je déteste la mort.  Va comprendre.  Il y règne un calme absolu, ou plutôt un sentiment d'apaisement intense.  Et là, il fait plein soleil, alors ça va être super.  Et puis c'est tout près.  Sur le plan.  Sur plan, à Paris, tout est près de tout, mais in real life (j'adore mettre de l'english dans mes textes, ça fait très cool isn't it ?) c'est autre chose.

En chemin, je croise deux SDF, dont l'un semble ne pas avoir digéré son petit déj.  Je tente de réfréner la nausée qui m'envahit, et je m'enfuis sur l'autre trottoir.  J'y découvre un cocker noir absolument adorable.  Et absolument impassible.  Malgré mes tentatives de séduction.  Le flegme anglais à l'état pur.  Une publicité pour le magasin Printemps m'interpelle « 8 jours or, du 8 au 25 octobre ».  Tiens, à Paris, 8 jours, c'est 17 jours, un peu comme les « 4 jours fous Inno » qui durent une semaine.  Va comprendre.  En vraie Parisienne, comme on me l'a récemment appris, je traverse aux feux rouges, en tremblant.  Je croise un canapé convertible bleu abandonné et éventré.

J'arrive enfin au cimetière.  L'entrée est gratuite.  J'analyse un peu le plan, puis décide de ne pas perdre mon temps (et surtout de ne pas assassiner mes orteils déjà rouges de colère) à chercher des célébrités.  Parce qu'une tombe est une tombe.  Et parce que je veux juste m'installer là, au soleil, méditer, penser, rêvasser, profiter, rêver, me vautrer dans ce petit moment de bonheur (tiens, je les ai un peu négligés, mais de septembre à mars, j'en trouve peu, des moments de bonheur, sorry, j'aime pô l'automne et l'hiver moua).  Je zieuterai juste la tombe de Colette, passque Colette, c'est Colette.  Sans doute mon premier coup de foudre littéraire.  La chatte Kitty me revient en mémoire.  Kitty, comme Hello Kitty ?  Et puis passque les livres de Colette, tout comme l'Ecume des jours, font partie de ma vie, me rappellent des personnes qui m'étaient chères à l'époque de leur lecture, des personnes qui me les ont fait lire et ont peut-être accentué mon goût pour la lecture (qui depuis lors, malheureusement, se focalise sur la chick lit, à croire que mon cerveau ramollit, mais j'assume).

En chemin, j'entends des cris et des rires : une équipe de foot s'entraîne à ma droite.  La vie continue, la vie est là, même aux abords d'un cimetière.

Colette est difficile à trouver.  En la cherchant, j'admire la tombe de de Musset et lis « écoute dans la nuit une voix qui gémit.  Rappelle-toi ».

Deux petits vieux très vieux et très sourds, vautrés sur un banc, écoutent consciencieusement un Parisien qui leur précise le prix des emplacements, en hurlant comme un possédé, afin de se faire entendre, chose très difficile : « 11000 euros le mètre carré, 8 millions de centimes... et pas à perpétuité, pour 99 ans seulement ».  Je fais de rapides calculs : peut-on caser un corps dans un seul mètre carré, en le pliant en deux ?  Ou faut-il en louer minimum deux ?

Le soleil embellit tout.  Tout sauf ces hollandais qui rient et crient, en mimant des gestes obscènes.  Décidément, ils ne respectent rien.

Je déambule à la recherche d'un endroit calme.  Tiens, un rond-point.  Décidément, les français en mettent partout.

Je m'assois sur un banc et j'observe.  J'imagine toutes ces vies enterrées ici.  Toutes ces vies qui défilent devant moi.  Ont-ils aimé ?  Ont-ils souffert ?  Ont-ils créé ?  Il fait calme, malgré la circulation au loin et les hordes de touristes.  J'entends même des petits zoiziaux.  Derrière moi, une famille de marrons prend un bain de soleil.  Je les immortalise.  Les feuilles de marronniers tombent sans cesse à mes pieds, me rappelant que c'est l'automne, malgré la chaleur.

Je me vois.  Là.  Sur ce banc.  Dans un cimetière.  Des tombes à gauche, à droite, devant et derrière.  Et je revis cette scène fabuleuse de Manon des Sources, où Yves Montant apprend qu'il a eu un fils... bossu.  Une scène qui m'arrache toujours un torrent de larmes.  Est-ce sa présence, là-haut, où j'ai décidé de ne pas aller pour éviter une demande de divorce de mes panards, qui m'a remis cette scène en tête ?

Il est midi.  Je file au Mac Do (encoooooore), et je lis en dévorant un Happy Meal.  A 14 heures, je rejoins mes comparses à la Mairie du XIe.  Nous avons quitté l'austère salle du deuxième étage pour le hall, histoire d'être plus proche de la foule en délire.  Et plus proches les uns des autres, puisque nous sommes maintenant deux par table.  Me voilà « coincée » entre Muriel et Nicole.  Que du bonheur.  Sans oublier les libraires, toutes proches et tellement sympas.  Quelques heures de plaisir en perspective, malgré la fatigue.  Le temps passe vite.

Une fois 18 heures, je rejoins la gare, avec Nicole, qui prend le premier Thalys vers Bruxelles.  J'attends le mien, longtemps.  Très longtemps.  Y'a du retard dans les Thalys.  Problèmes électriques.  La foule est dense dans la gare et je n'en peux plus.  Je veux du calme.  Je veux ma ville et mon chez moi.  Le Thalys arrive enfin et je m'installe.  Enfin je tente, interrompue que je suis par ma voisine de siège qui veut, elle aussi, s'installer.  Immédiatement, nous entamons la conversation.  Démentielle, cette conversation, qui durera plus de deux heures trente, et qui aurait duré toute la nuit si nous avions pu.  Nous parlons sans plus pouvoir nous arrêter : livres, villes, voyages, New-York, famille, Paris, Alzheimer, Annie Girardot et Grevisse.  Ou Goose.  Enfin les deux.  Etrangement, j'ai parlé de Grevisse, ou de Goose, également, avec Nicole, le même matin.

Nous parlons aussi du mot « teaser », issu du verbe « to tease », qui se prononce « tiiiiiser » et non « taïser », qu'on se le dise, de l'orthographe, de la lecture, et puis de nos passions, de nos envies, de nos vies.  Une rencontre comme on en fait rarement.  Voire jamais.  Je ne connais pas son prénom.  Je sais juste qu'elle vit à Liège.  Je ne la reverrai peut-être jamais.  Ou je la reverrai.  Je l'ignore.  Et puis qu'importe.  Remake de Meet Joe Black, sans la mort, et sans Brad Pitt. 

Quoi qu'il en soit, ce fut une jolie rencontre.  Une rencontre parmi toutes celles du WE.

Mon WE à Paris.



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