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Mon Goncourt annoncé

Publié le 08 novembre 2008 par Jlk

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Lundi 10 novembre 2008, Atiq Rahimi recevra la le Prix de La Désirade, dit aussi le Goncourt Suisse des Préalpes du Sud-Est, pour Syngué sabour ; pierre de patience, paru aux éditions P.O.L. et désigné à notre unanimité.
C’est au premier livre composé en français du jeune écrivain Atiq Rahimi, finaliste du prix Goncourt 2008, que sera décerné, avant celui-ci, et pour le seul émerveillement des chevreuils d’alentour, le premier Prix de La Désirade, pour un bref ouvrage limpide et très dense comptant au nombre des rares merveilles de cet automne littéraire français, paru chez P.O.L. sous le titre de Syngué sabour – pierre de patience. Son auteur, l’écrivain et cinéaste afghan Atiq Rahimi, s’est déjà fait connaître pour trois premiers livres parus chez le même éditeur, dont le mémorable Terre et cendres (2000), mais Syngué sabour (en persan : pierre patiente) a cela de particulier qu’il a été composé en français, dans une langue à la fois sobre, lumineuse et puissamment évocatrice.
Syngué sabour met en séquences brèves, dans un pays en guerre qui pourrait être de partout où il y a aujourd’hui des guerres et des femmes blessées, l’une de celles-ci qui se tient au chevet de son mari paralysé et inconscient depuis qu’il a pris une balle dans la nuque à la suite d’un règlement de comptes entre combattants du même camp – il a répondu à une insulte et mal lui en a pris, après avoir risqué maintes fois sa vie au nom du Djihad.
Dans une atmosphère immédiatement dense et tendue, la femme, veillant et priant avec autant de rage que d’espérance que son imbécile s’en sorte, tiraillée entre ses petites filles qui réclament leur père, un « crétin de mollah » qui la surveille plus ou moins, et sa conscience de femme aimante «malgré tout», le livre se construit au fil d’une suite de plans narratifs admirablement agencés dans l’espace physique de l’action, alternant cadrages précis et dialogues de plus en plus animés, voire violents, entre autres échappées lyriques. C’est, de fait, un livre doux et violent que Syngué sabour, tendre et révolté tout à la fois. A ceux qui se figurent l’épouse musulmane réduite à une petite chose primitive ou soumise sous sa « burka », le roman oppose le portrait en mouvement crescendo d’une femme qui laisse peu à peu affleurer et se répandre tout ce qu’elle et ses semblables ont ravalé jusque-là, et ce n’est pas que du non-dit musulman qu’il s’agit là, cela va sans dire...
Rien cependant d’un pamphlet féministe au premier degré dans ce roman-poème reliant à tout moment le détail et l’ensemble, ainsi que le figurent ces fourmis emportant un cadavre de mouche avant qu’une araignée ne s’en mêle – sur arrière-fond de guerre humaine.
Le Goncourt avait pour vocation initiale de révéler un jeune écrivain pour une œuvre originale. A cet égard, Atiq Rahimi ajouterait cette particularité de plus en plus répandue, après Cioran et Milan Kundera ou Andréi Makine, d’un auteur «étranger » qui honore la langue française. En tout état de cause, avant le verdict de l’Académie qu’il faut déjà féliciter d’avoir retenu Syngué sabour jusqu’au dernier tour, notre jury unanime aura gratifié le romancier du droit de séjour perpétuel au lieudit La Désirade, table et musiques à discrétion.
Rahimi3.jpgAtiq Rahimi. Syngué sabour – Pierre de patience. P.O.L., 154p.

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LES COMMENTAIRES (1)

Par Hugues vessemont
posté le 10 novembre à 20:51
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Après le testament français et les bienveillantes, un carton plein de gens venus d’ailleurs… et pourquoi ne pas se poser la question de tous ces talent qui veulent venir en France que nous laissons à la porte par une législation doucereusement xénophobe.

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