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Horreur sanglante, Horreur familière

Publié le 29 juillet 2007 par Laura Dove

Evidemment, je finis par capituler. La victime d'Antoine n'avait pas succombé que je m'abattais sur la mienne avec un gémissement. Je me délectai du nectar de sa vie, soupçonnant que m'abandonner à mes sensations m'aiderait à résister, les nuits suivantes, à la tentation. En quelque sorte, le prix à payer pour limiter mes meurtres au strict nécessaire et ne jamais attaquer d'innocents. Quoique ce ne fût que ma première nuit en tant que vampire, je réfléchissais déjà aux solutions pour interagir paisiblement avec les mortels -- à l'exception de ceux que je condamnerais à mort, naturellement. Protecteur de l'humanité et monstre implacable tout à la fois, telle est mon antinomie.

Je savourai le sang du malandrin le plus lentement possible, en dégustant chaque gorgée. Celui-là aussi, je le broyai contre moi lors de l'apothéose finale, comme bien d'autres encore avant que j'apprisse enfin à contenir ma force même sous le coup d'une émotion extrême. Quand je me redressai, assouvi mais brusquement dégoûté de ce cadavre mutilé dans mes bras, mon précepteur achevait le dernier homme, celui dont mon inhabileté à l'hypnose avait anéanti l'esprit.

Quelques instants plus tard, il laissa choir le corps inerte, essuya ses lèvres maculés de rubis et reporta son attention sur moi. Je compris au mouvement de ses yeux qu'il regardait le mort que j'avais abandonné. Que pensa-t-il en cet instant? S'était-il attendu à autre chose? Peut-être constatait-il seulement que je m'étais nourri moi aussi, sans en éprouver d'émotion particulière. Toujours est-il que ce fut pour aborder un autre sujet qu'il s'adressa à moi sur le ton de la conversation, comme si nous ne venions pas juste de dévorer la vie de trois êtres humains:

« Si tu comptes continuer à interagir avec la société humaine, tu voudras sans doute voler tes victimes pour te constituer un pécule. »

Joignant le geste à la parole, il passa la pièce en revue pour s'emparer des maigres richesses des brigands. Je l'imitai, un peu à contrecœur, mais il avait raison. Il me faudrait bien financer d'une manière ou d'une autre l'achat des innombrables manuscrits dont je rêvais, alors, autant dépouiller des criminels défunts. Dès que nous eûmes terminé notre besogne peut-être plus sinistre encore que la précédente, nous repartîmes.

Sur le pas de la porte, je lançai un dernier regard à l'intérieur et quittai les lieux sans me faire prier. J'avais tout sauf envie de m'attarder dans ce bouge sordide.


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