Magazine Journal intime

Utopies d’aujourd’hui

Publié le 14 novembre 2008 par Alainlecomte

Tant de nuages sombres s'accumulent dans notre vision de l'avenir, autant sur les perspectives climatiques que sur les prévisions économiques, si l'on en croit notamment les avis les plus autorisés, comme ceux d'Albert Jacquard, de Jean-Pierre Dupuy, ou d'Edgar Morin ou d'autres encore (comme Claude Lorius, le savant glaciologue récemment décoré d'une médaille - Blue Planet - qui disait récemment - Le Monde, 12 novembre - " Avant, j'étais alarmé, mais j'étais optimiste, actif, positiviste. Je pensais que les économistes, les politiques, les citoyens pouvaient changer les choses. J'étais confiant dans notre capacité à trouver une solution. Aujourd'hui, je ne le suis plus... sauf à espérer un sursaut inattendu de l'homme "), qu'il nous faut plus que jamais, si nous avons ne serait-ce qu'un soupçon de goût pour la vie, nous tourner vers les Utopies. Car ce n'est guère que d'elles que pourrait provenir le salut. C'est bien comme cela que l'entendait Edgar Morin lors de la séance de clôture des débats de " Libération " tenus en septembre à Grenoble, au cours de laquelle, souhaitant éviter le mot selon lui trop usé de " révolution ", il en appelait à une " métamorphose " de l'Homme et de la Société.

Utopies d’aujourd’huiUtopies d’aujourd’hui

Utopie doit son nom à Thomas More, homme politique (ministre de Henri VIII) et essayiste du XVIème siècle. Littéralement : nulle part. Autrement dit, dès le début, c'est mal parti. Pourtant, à fureter de ci de là, on rencontre des lieux de l'utopie. Lieux de nulle part. Libertalia, Auroville, Uzupis... on en trouvera une liste sur ce blog , établie par quelqu'un qui est parti à leur recherche. Mais s'agit-il de ce que nous souhaitons vraiment ? ou bien de sociétés fermées cherchant à vivre à l'abri de la rumeur du monde ?

Utopies d’aujourd’hui
vue aérienne d'Auroville (Inde, état de Pondichéry)

Utopie telle que nous l'entendons, elle est pour tous, ou bien pour personne.

Si elle s'impose, c'est pour éviter une catastrophe, pas pour suivre une Loi.

Utopies d’aujourd’huiEn feuilletant des livres, récemment, dans une librairie de ma ville, je tombe sur un titre : " mais alors, dit Alice, si le monde n'a aucun sens, qui nous empêche d'en inventer un ? " surmonté, en guise de nom d'auteur, par " Manifeste Utopia ". Avant-propos d' André Gorz. Utopia, je connaissais par son réseau de salles de cinéma dans quelques villes (dont Bordeaux). Là, je m'aperçois que c'est un vrai mouvement et d'ailleurs..., " ils " sont les auteurs d'une motion au sein du PS ( !)(et présents aussi paraît-il au sein des Verts). Qui a dû avoir dans les 2%. Pas si mal après tout. On ne s'attend pas à ce que des idées se présentant comme " utopiques " fassent un score bien supérieur. Car le propre de l'utopie, c'est cela : au début n'exister comme idée que dans la tête d'un nombre minuscule de gens, pour un beau jour éclore comme une évidence. La fin de l'esclavage, l'égalité des groupes ethniques, la fin des apartheids, la reconnaissance du droit au choix de l'orientation sexuelle, la parité hommes-femmes, toutes idées presque universellement reconnues, même si elles sont loin d'être partout ou intégralement réalisées, ont commencé comme des utopies, c'est-à-dire partagées par bien peu.

Utopia part donc en guerre contre trois dogmes : " la croissance, comme solution à nos maux économiques, la consommation comme seul critère d'épanouissement individuel, la valeur travail comme seule organisation de la vie sociale ". Ce que j'apprécie d'emblée, c'est la volonté affichée de sortir des schémas économistes. Car ces schémas nous enferment. On continue à faire comme si " la propriété collective des moyens de production " allait changer quelque chose à la condition des travailleurs. Comme si le travail (salarié), donc, était la panacée, " comme si, dit le texte d'Utopia, ce qui fonde notre pacte social et notre " vivre-ensemble " devait se réduire à une activité productive rémunérée ". [La gauche qui se réclame de cette conception] " revendique un héritage où le sens de l'histoire de l'homme serait d'humaniser le naturel, de le modeler, de repousser l'animalité du monde."Utopies d’aujourd’hui

" L'animalité du monde "... comme ils y vont ! Je comprends que, hélas, cette motion n'ait pas " percuté " le cerveau des éléphants du PS !

Voilà qui rejoint le bel article de Michel Onfray, dans Siné-Hebdo de cette semaine (eh oui, depuis que j'ai fait mon coming out , je le cite régulièrement !), celui où il dit :

(Vive les pilotes d'Air France, les premiers à se mettre en grève contre la retraite à 70 ans !)

" Un test permet de départager droite et gauche : la droite aime le travail et, selon ses slogans (" le travail rend libre " à Auschwitz, version hard allemande, " travail, famille, patrie, version hard française, " travailler plus pour gagner plus ", version allégée de la précédente), considère que le travail est unevertu.Pour sa part, et dès le XIXème siècle, la gauche milite pour une réduction du temps de travail [...]. Dès lors, quand on entend parler de retraite à 70 ans sous prétexte (argument de crétin, vraiment) que nous vivons plus longtemps, il faut entendre dans la bouche de ces gens-là : " puisque le vieillissement de la population se confirme, que la punition qu'est le travail soit encore augmentée ! ".

PS: "le Monde" du 13 novembre annonce une bonne nouvelle: selon le Forum économique mondial, les disparités entre hommes et femmes s'atténuent (une "utopie" se réaliserait-elle donc?). On sait que cela signifie une convergence des modèles de société, à l'encontre de la trop fameuse thèse du "choc des civilisations", et on ne peut que s'en réjouir (cf. le livre de Courbage et Todd). Et "notre-beau-pays" dans tout ça? Quinzième au classement général seulement (derrière la Suisse et le Sri Lanka) et en matière d'équité salariale.... 116ème!!! Bravo, la France!

Evidemment, Utopia est pour une réduction massive du temps de travail. (à suivre...)

Utopies d’aujourd’hui

À propos de alainlecomte

<h3>Vous en une ligne</h3><p> Universitaire vivant à Grenoble mais travaillant à Paris, je m'intéresse particulièrement au langage et à son fonctionnement. Je m'intéresse également aux questions philosophiques, à l'art et à la littérature. J'aime le voyage, la montagne, l'Inde, le Jura suisse, Kenzaburo Ôé, Robert Walser, les vaches, particulièrement celles de la race d'Hérens, Filippo Lippi, Peter Handke, Marguerite Duras, Pippiloti Rist, mes collègues de l'Université Paris 8, les vallées du Ladakh, les glaces Gonzales qui sont en vente rue Servan à Grenoble etc. etc..</p>


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