Magazine Journal intime

J'ai testé « l'homme qui connaissait les méthodes pour pécho une meuf » (ou « l'expert en séduction »).

Publié le 12 décembre 2008 par Anaïs Valente

Août 2008.

Je discute épisodiquement avec lui, sur MSN, lorsqu'il m'annonce, un soir, très sûr de lui « demain, je teste ma nouvelle méthode d'approche, je fais partie d'un club de séduction ».

Immédiatement, cela m'interpelle, et je propose d'y assister, afin de voir un séducteur en plein travail et d'écrire un article.  La journée promet d'être captivante.  Mister Séduction, appelons-le ainsi, accepte, me suggérant de me lancer dans l'art de la séduction, moi aussi, ce que je refuse illico.

Je prépare dès lors mon matos, imaginant la scène : moi, au bout d'un banc, lunettes de soleil sur le nez, magazine en mains pour me donner bonne contenance, de quoi noter, l'air captivé par ma lecture ; lui, à l'autre bout du même banc, tentant de séduire les femmes par des tas de méthodes mystérieuses dont il va m'exposer le b.a.-ba.

Malheureusement, le soleil n'est pas au rendez-vous et la foule presse le pas pour aller d'un magasin à un autre.  Nous allons donc prendre un verre en terrasse, sous des nuages menaçants.  Durant les premières minutes, il ne cesse de me répéter « je ne le fais que si je le sens, je dois me roder, ne me force pas ».  Ben non, panique pas voyons, je ne force pas, j'assiste juste.  La terrasse est déserte, il m'explique donc comment il va s'y prendre pour séduire.

Séduire, un joli mot qui cache une tout autre réalité, que je détecte immédiatement, du moins lorsqu'il m'annonce, vraiment très sûr de lui, que son club de séduction (mon dieu, que c'est peu modeste de se définir comme un séducteur), disponible sur le net (et vous les hommes, lisez l'article jusqu'au bout, ne foncez pas sur le web pour tenter de trouver ce site), est un site donnant des conseils d'une banalité déconcertante pour parvenir à ses fins : tout d'abord le « kissclose », savoir parvenir à obtenir un baiser, mais surtout le « fuckclose », terme très élégant, on est d'accord, signifiant, vous l'aurez compris, parvenir à, excusez les termes, baiser, niquer, tirer son coup et j'en passe.  Seul but du club.  Seul but de la démarche de ce jour.  Point de romance ou d'amour ici, juste du cul.  Première tactique d'approche, selon lui : provoquer un contact physique, genre sur le bras ou l'épaule, pour induire une complicité.  Je frémis.  Il y a quelques instants, en rue, il a posé sa main sur mon épaule, je n'ai pas rêvé.  Nan, je n'ai pas rêvé.

Arrivent deux jeunes et jolies femmes, qui s'installent près de nous.  J'ai proposé à mon compagnon de quelques heures de prétendre être sa sœur, puisque nous partageons la même table, situation peu favorable à la drague, j'en suis consciente.  Il acquiesce et, après s'être donné du courage du courage du courage (la Grande Sophie) en ingurgitant un verre de bière, il attaque en tentant de susciter une discussion avec les demoiselles.  Flop.  Aucune réceptivité. 

Nous continuons notre dialogue, somme toute passionnant, en observant les femmes (et accessoirement les hommes) qui passent et repassent.  J'adore ça, je l'avoue.  Mister Seduction m'explique comment il repère les femmes intelligentes, celles qui ont ou pas la classe, qui sont ou pas bien habillées.  Au feeling ma bonne dame, au feeling.  Il m'interroge ensuite sur sa propre tenue vestimentaire, qu'il juge très classe et tout et tout.  Moi je la trouve normale sa tenue, voire banale, et je le lui dis.  Clair qu'il a une très haute opinion de lui-même et ça ne pourra que l'aider pour tomber les filles, je n'en doute pas un seul instant.  Je ferais bien d'en prendre de la graine. 

Il pleut.  De plus en plus.  Une jeune étudiante ramasse les coussins afin de les sauver du déluge.  J'explique alors à Mister Seduction qu'un vrai séducteur aurait de suite saisi cette opportunité pour l'aider et faire connaissance.  Il obtempère finalement, tutoyant au passage la jeune fille.  Je n'aime pas ça, ce tutoiement d'emblée.  Je tutoie rapidement, sur le net.  Mais dans la vraie vie, avec des personnes totalement inconnues, cela m'apparaît comme un manque total de respect.  Mais peut-être est-ce cela, le véritable art de la séduction...

Il pleut à torrents, et je propose d'aller à l'Inno, histoire de tester ses capacités dans les rayons.  En chemin, nous croisons un « brûlage de culottes féminin », et Mister Séduction en profite pour draguer à tout va.  Il n'est pas le seul, puisque je surprends un « je peux vous inviter à prendre un verre », lancé comme une bouée de sauvetage (vu le temps, c'est de circonstance) par un jeune homme timide à une participante jolie comme un cœur.  Refus sec.

Je traîne Mister Séduction, qui serait bien resté en cette féminine mais pluvieuse compagnie, dans le grand magasin, et nous nous dirigeons vers le rayon féminin, où je l'abandonne, histoire de le laisser pêcher tranquille, tout en l'observant de loin.  Petit tour des rayons, je repère une blouse.  Je retrouve mon séducteur en compagnie... d'un homme âgé, avec qui il tient une vive conversation.  Oups, aurais-je mal compris ses préférences ?  Second tour des rayons, pour le retrouver en train de tenter d'obtenir l'adresse mail d'une jolie brune sympathique.  Je m'approche à pas de loup.  Je me cache derrière un rayon plein de pulls au rabais et j'écoute.  Elle refuse, son petit ami se trouvant à l'étage supérieur.  Flop.  Râteau.  Et moi je commence à adorer ma mission secrète.

Encore un circuit dans les rayons, que je connais par cœur.  A force, je vais finir par me faire repérer par la sécurité.  Et j'ai le tournis.  Trop chaud.  Trop lumineux.  J'en peux plus.  Je me réfugie dans une cabine, pour essayer la blouse.  Essayée, adorée, achetée, payée.  J'apprends ensuite que Mister Séduction a carrément quitté les lieux sans m'avertir.  Goujat, ça se confirme. 

La pluie est toujours présente, mais nous nous promenons cependant dans le piétonnier, en discutant à bâtons rompus.  Soudain, il s'interrompt.  Il a repéré une grande brune (encore une, à croire qu'il n'apprécie que les grandes brunes à longs cheveux), et s'approche d'elle, me laissant deux mètres derrière.  Ils discutent.  Je contemple attentivement une vitrine, laquelle me permet de les voir dans le reflet, et de les entendre.  La discussion s'éternise.  J'ai froid.  Il parvient à lui extorquer son adresse mail. Victoire.  Poisson ferré.  Mission accomplie. 

Elle s'éloigne et je le rejoins.  Il est fier comme un paon.  Heureux comme pas deux.  Mais angoissé à l'idée qu'elle pourrait revenir sur ses pas, et le découvrir en ma compagnie.  Il préfère rebrousser chemin et quitter le centre-ville.  Cela m'arrange, je n'en peux plus.  De cette pluie.  De cette drague qui ne colle pas avec l'idée que je me fais d'une rencontre.  D'une rencontre amoureuse, j'entends.  Car il est clair que là, le but est uniquement de parvenir à ses fins, savoir la baise à l'état pur. 

J'en ai encore confirmation sur le chemin du retour, lorsque nous croisons une dernière brune et qu'il envisage de tester à nouveau son pouvoir de séduction, ayant totalement oublié celle qui le rendait si joyeux il y a quelques instants à peine.  Elle enfonce cependant des écouteurs dans ses oreilles, sourde à toute approche.

Je rentre chez moi.  Lui chez lui.  Il a une soirée séduction dans quelques heures, la préparation est de rigueur.

A mon retour, je fonce visiter ce club de séduction sur internet et je découvre, outre les conseils pour draguer, séduire et tirer son coup, un forum digne d'un cursus universitaire mais d'un niveau intellectuel rare, et des guides pour se caser en une semaine, qu'il est conseillé d'acheter dès son arrivée sur le site, pour optimaliser les résultats.  Ben voyons.  Un véritable séducteur a-t-il vraiment besoin de trouver des conseils sur un site web ?  La séduction n'est-elle pas innée et spontanée ? 

Je resterai dubitative une bonne partie de la soirée, un tantinet dégoûtée par ce que j'a vu et entendu, tournant et retournant dans ma tête le fait qu'à l'origine, j'ai commencé à parler à ce séducteur en herbe dans le but d'un rendez-vous ultérieur, qui n'a finalement pas eu lieu.  Alléluia.  J'ai échappé au pire !  Mais j'y ai gagné une jolie blouse et la conviction définitive que les séducteurs, très peu pour moi.

Illu de Flo

draguept



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