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Il ne faut pas confondre : Grisaille et grise mine ... (Part 4 suite et fin !!)

Publié le 15 décembre 2008 par Proctor
Si vous avez manqué le début:Episode 1Episode 2 Episode 3
Quelques soupirs pâteux et quelques bouchées épaisses de poisson tiède sauce crustacé de la Seine, plus tard, c'est en pleine phase digestive que mon Raoul et moi même regagnons péniblement l' amphithéâtre qui nous est dévolue pour une après midi qui promet d'être aussi palpitante qu'une partie de curling sur moquette. Nous écrasons nos séants et notre insouciance sur quelques strapontins mous et une demie journée déjà perdue. Jean-Jean a été rejoins par un de ces collègues à la peau plissée et à la toison clairsemée, enveloppé dans une écharpe de laine et dans des convictions qui lui paraissent inébranlables. Ce dernier interpelle l'assemblée végétative que nous sommes, en nous demandant d'un regard confiant, ce qu'est selon nous "l'analyse de pratique". C'est d'un léger rictus prémonitoire,que Raoul accompagne mon bras tendu bien haut ( et bien non, bande de pervers, vous vous disiez bien qu'avec les termes "tendu bien haut", vous alliez savourer une métaphore salace et bien que nenni..) comme le chibre d'un missionnaire lors de la répétition de la choral des enfants de choeur. (bah oui je sais ... finalement j'ai pas pu ... vilain Proctor!!). Je prends alors une bonne inspiration puis , la parole: " A mon humble avis, l'analyse de pratique est, en plus d'une vaste supercherie, une formule mal déguisée d'une réunion des alcooliques peu anonymes, où chacun vient s'épancher gentillement de ses névroses et vomir son malaise légitime de prof pré-pubère et attendant l'absolution d' un formateur qui a suivi des études de psycho en faisant deux tests dans BIBA et en regardant une émission de Jean Luc Delarue d'un oeil distrait par l'autosatisfaction que ce dernier retire de pouvoir aller aux formations qu'il organise avec en tout et pour tout son air convaincu (à vous de voir si vous voulez l'écrire en deux mots..) et un bloc vierge de papier machine!"

Je me rassois satisfait, empli du sentiment du devoir accompli, tandis que notre formateur senior, balbutie quelques semblant de phrases, enchaînant le plus rapidement possible, comme on abandonne sa belle mère sur une aire d'autoroute. Confiant dans la suite de son programme, il s'en va nous présenter un film qu'il a lui même tourné en amateur (tout comme vous, Raoul et moi même ne pouvons nous empêcher de nous évader quelques secondes dans des élucubrations graveleuses le représentant alternativement avec madame et un dog allemand ou avec une boule en caoutchoucs dans la bouche mais bien évidement, il n'en est rien). Il s'agit d'un film qui selon lui sera l'élément moteur autour duquel gravitera le débat abyssal qui nous attends après sa diffusion. Les précautions sont massives avant la projection, Il nous met en garde que sur l'heure de cours qu'il a filmé, il n'a retenu que les 20 minutes ou la situation était proche du putsch de l'autorité, de l'attentat professoral ou les élèves se livrent tels des bêtes sauvages lors d'une curée sanglante, c'est limite si il ne nous distribue pas des sacs à vomi préventif. Moi j'en aurais au moins pris deux connaissant l'émotivité de mon Raoul... Bref après une âpre bataille entre l'homme et la machine, entre le pédagogue et le vidéo projecteur, entre le presse légumes et le Minitel, la séance peut enfin commencée, et c'est avide de sensations fortes et attisés par la violence promise, que nous tendons un regard avide et un brin d'intérêt en direction de l'écran. En lieu et place de sauvages créatures assoiffées de désinvolture et d'insolentes irrévérences, nous regardons pendant plus d'une demi heure, paître des élèves bovins, dont les seuls grieffes sont, une casquette ou deux oubliées sur quelques visages avachis, une conversation clandestine mais qui portait sur le cours et enfin clou du spectacle, une demie tâche de Seven UP renversé par inadvertance sur un sweat Adadas jusqu'alors immaculé...

Avec la lumière, c'est toute la virulence et la déconcertion de l'auditoire qui s'embrase. Notre formateur senior, tentera bien fébrilement un repli derrière des intentions louables et derrière un Jean-Jean sidéré d'une telle déconvenue dans une formation qu'il pensait infaillible. Les deux ont des allures de représentants du protestantisme le jour de la st Barthélémy, et je peux vous assurer que ça a été leur fête. Le cours auquel nous venions d'assister par écran interposé, loin d'être un cours saboter par une jeunesse désabusée et revancharde, était le climat auquel nous aspirions tous. Les beaux préceptes que les formateurs voulaient nous faire passer comme une pilule amère, avaient un arrière goût de naphtaline, tant ils ne semblaient pas réaliser la situation actuelle dans laquelle nous tentons humblement de faire court (et ce n'est pas une faute d'orthographe!), comme si, tel un Ayrton Senna, ils n'avaient pas vu le brusque virage que les élèves de lycées pro avaient laissé dans leur sillage de désillusion face à une société ne leur proposant pas d'alternatives il y a déjà quelques temps. Les esprits finiront par s'apaiser lorsque comme tous les bons mauvais élèves que nous avons tous été un jour, nous nous jetâmes sur les portes de sortie au premier décibel d'un sonnerie de fin journée salutaire. Ainsi, c'est sous un ciel aussi bas que notre confiance en d'autres jours de formation immanquablement à venir, que Raoul et moi nous quittèrent.

Questionnaire bilan de la journée de formation: à la question "que vous a apporté cette journée?": La conviction qu'une refonte , et non pas la suppression, de l'IUFM est plus qu'indispensable. Quel gâchi de temps et d'argent!!

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