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Notes sous la neige

Publié le 18 décembre 2008 par Jlk
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A La Désirade, ce jeudi 18 décembre. – La montagne était ce matin sous la neige, la montagne et le lac et ses lointains. Puis un ciel noir s’est levé sur l’immensité blanche, avec une sorte de gravité mystérieuse qui m’a rappelé le sombre et lancinant hiver 1956, à l’arrivée des réfugiés hongrois dans nos classes résonnant de socques et fumant de mitaines alignées sur les radiateurs bouillants.
Or je retrouve ce matin mon cher vieux Thibon, dans L’Echelle de Jacob, comme un compagnon de route avec lequel j’aime être autant en accord qu’en désaccord, mon paléochristianisme se distinguant à bien des égards de son catholicisme pur et doux.
A la question de savoir pourquoi il est chrétien, Gustave Thibon, au répond : « Parce que j’ai soif d’un Dieu qui ne soit ni ténèbre pure ni moi-même – d’un être qui, tout en me ressemblant jusqu’au centre, soit aussi tout ce qui me manque. Parce qu’en ce monde, je veux tout bénir et ne rien diviniser. Parce que je veux garder simultanément le regard clair et le cœur brûlant. Parce que je sens que l’aventure humaine débouche sur autre chose qu’un creux désespoir, une creuse interrogation ou une creuse insouciance. Pour concilier mon immense amour et mon immense dégoût de l’homme. Parce que j’ai besoin de lumière dans le mystère et de mystère dans la lumière. Parce que je veux avoir la force de bâtir et de vivre, et celle, plus grande encore, d’espérer dans l’éboulement et dans la mort.
Parce que je suis, à la fois et indissolublement, réaliste et excessif. Parce que je veux m’abreuver d’excès sans renier l’ordre dans l’excès. Parce que le christianisme seul nous ouvre une région supérieure où tout ce qui, sur la terre, est considéré à juste titre comme scandaleux, insensé et destructeur (l’espérance aveugle, l’amour sans frein, la confiance dans la fécondité du mal unie au refus absolu du mal…) devient sagesse et vérité ; parce qu’il verse en nous un sang nouveau et si pur que sa température peut monter indéfiniment sans qu’il y ait fièvre. »
A tout cela j’adhère, à cela près que mon paléochristianisme est moins exclusif que le catholicisme de tradition du cher Thibon, et de moins en moins. Je reconnais évidemment l’originalité absolue du christianisme, qui me fait ressentir le monde avec cet « amour sans frein » dont parle Thibon, et, plus profonde, cette « confiance dans la fécondité du mal unie au refus absolu du mal », mais pourquoi me fermerais-je pour autant aux autres traditions spirituelles ou aux remises en question les plus radicales ?
Gustave Thibon, proche de Simone Weil, n’y est d’ailleurs pas fermé, qui écrit encore : « Si Dieu existait, de telles horreurs m’existeraient pas, m’a crié cet homme. – Mais si Dieu n’existait pas, si un ordre spirituel n’était pas immanent au monde, si le chaos régnait partout, il régnerait aussi dans ton âme, et tu ne t’indignerais pas. Ton scandale et ton angoisse en face de l’ordre violé rendent témoignage au créateur de cet ordre. Cette indignation qui te fait nier Dieu, elle est la voix même de Dieu en toi, la voix d’un Dieu trouble encore, impuissant et pressé. »
On est loin, alors, du Dieu des certitudes, autant que des certitudes athées: « Différence entre un impie profond et un chrétien « ordinaire » : le premier ignore Dieu personnellement, le second connaît Dieu de nom »…

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