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Ma Maison

Publié le 10 janvier 2009 par Jlk

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 Feuilleton populiste à la manière suisse

 I. Après la dernière avancée du parti populiste UDC, 2001.

  


- A présent, pas d’histoires, vous sortez d’ici : c’est Ma Maison. Raus !
Voilà ce que nous avait assené, ce soir-là, le patron de La Bonne Auberge, au cœur de la ville fédérale de Berne, à mon ami le Gitan et à moi.
Nous avions déjà été avertis deux fois : mon ami le Gitan parlait trop fort.
« Ce n’est pas comme ça qu’on fait chez nous», avait expliqué, une première fois, le patron de La Bonne Auberge à mon ami le Gitan, dont la dégaine de loup détonait déjà en ces lieux , et à moi qui n’ai l’air que d’une sorte de Welche probablement secundo d’Italien ou d’Espagnol, au pire de Juif sépharade : «c’est bien clair ? »
C’était en effet clair et net : le Gitan avait parlé trop fort à La Bonne Auberge, où nous nous étions réfugiés sous la pluie battante qui nous avait surpris à la sortie du consulat de Roumanie où mon ami était allé faire renouveler son passeport.
Ce n’était pas que le Gitan dérangeât les clients de La Bonne Auberge. Des autres tables fusaient à tout moment des éclats de voix typiquement bernois, mais les habitués de La Bonne Auberge ne gesticulaient pas à la manière du Gitan, et la faconde à l'évidence gitane de celui-ci, son plaisir trop voyant de bien manger et de bien boire en croyant faire honneur à La Bonne Auberge, désignaient par trop le caractère gitan du Gitan, autant dire l’étranger, sinon l’indésirable, le criminel en puissance.
Avons-nous fait scandale à La Bonne Auberge ? Nullement. J’eus beau faire valoir au patron qu’il faisait mentir l’enseigne de sa maison et que j’avais honte pour lui et pour notre pays dont tant de ressortissants avaient survécu en s’expatriant, à commencer par mes propres aïeux employés d’hôtellerie aux quatre coins de l’Europe et jusqu’en Egypte ; j’eus beau lui rappeler la haute tradition de refuge et d’accueil de notre pays: rien n’y fit. Sa Maison était sa Maison, nous devions partir, Punkt Schluss.
Sept ans plus tard, lorsque j’ai découvert l’expression «Ma Maison » sur l’affiche de la campagne électorale du parti populiste UDC, représentant un troupeau de moutons blancs dont l’un, d'un sale coup de patte, boutait, hors du pâturage, l’unique mouton noir assimilé à l’étranger criminel, comme un goût amer et comme une tristesse, comme une honte m’ont submergé, relancés hier à l’annonce de la nouvelle avancée du parti populiste UDC aux élections de ce dimanche.
Je ne dirai pour ma part que ceci : ce goût amer, cette tristesse et cette honte.

II. Avant la votation sur la libre circulation des personnes du 8 février 2009.

Pour sa nouvelle campagne contre la reconduction de l’accord sur la libre circulation des personnes avec l’Union européenne et son extension à la Roumanie et à la Bulgarie, l’Union démocratique du centre (UDC) a cette fois décidé d’exhiber de vilains corbeaux menaçant la si douce Suisse. Après des mains d’étrangers tentant d’agripper des passeports suisses et la fameuse affiche des moutons blancs repoussant un mouton noir de notre pays immaculé, l’UDC a choisi d'affreux pour soutenir ses thèses anti-européennes et xénophobes. Que l’ont soit pour ou contre la libre circulation, le procédé d’amalgame (jouant notamment sur la peur des roms chapardeurs), choque au sein des communautés visées. «Nous avons trouvé la campagne d’affichage tendancieuse et raciste. Elle s’attaque à deux pays qui viennent d’entrer dans l’Union européenne comme s’ils étaient des Etats voyous. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés», réagit Adrian Rachieru, le président de l’Association roumaine de Lausanne. L’écrivain Marius Daniel Popescu s’est associé à ce mouvement de protestation, qui appelle à signer, sur internet, une lettre ouverte adressée au Conseil fédéral, aux habitants et à aux partis politiques. «Nous considérons que cette campagne propage la haine et stigmatise d’une manière diffamatoire deux peuples membres de l’Union européenne», dénonce ce texte en demandant l’interdiction de la campagne.

Ainsi que le détaille notre consoeur Laure Pingoud, dans l’édition de 24 Heures du 9 janvier 2009, la démarche a rapidement trouvé écho au sein de la communauté roumaine de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Arrivée en 2004 après des études en Roumanie, la doctorante Diana Ciressan a ainsi signé et fait circuler le manifeste, choquée par l’affiche qu’elle ressent comme une attaque. «Il faut protester! Bien sûr que la Roumanie est un pays en développement, avec des gens qui vont chercher du travail ailleurs. Mais on a vraiment quelque chose à donner à la Suisse et à l’Europe.» Son collègue Mihai Gurban, sur le point d’obtenir sa thèse, renchérit: «Nous ne sommes pas là pour voler ou créer des problèmes. Il y a beaucoup de Roumains à l’EPFL qui contribuent à la recherche suisse. Nous ne sommes pas des corbeaux. Je sais qu’il y a peu de chance que la campagne soit touchée par notre action et je comprends que chacun exprime ses opinions, mais je veux montrer qu’une telle image n’est pas sans effet.»

 

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