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La veste éternelle

Publié le 18 janvier 2009 par Michelgutsatz

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Sous ce titre générique d’esthétique de marque, mon intention est de réfléchir avec vous sur le monde des marques, au travers du filtre de leur esthétique. J’utilise ce terme ici, non dans le sens philosophique ayant rapport à la beauté, mais au sens sémiotique. L’esthétique des marques sera leur approche du sensible, les traitements esthétiques, polysensoriels appliquées à toutes leurs manifestations.

Cette première réflexion s’attache au vêtement masculin.

L’élément le plus important de la garde-robe masculine reste, aujourd’hui plus que jamais, la veste. Un petit exercice statistique sur le numéro de novembre de Gentleman, démontre que 48 photographies présentent des hommes portant la veste contre 19 looks informels. Il est vrai que la période des fêtes est propice au formalisme vestimentaire, pourtant l’attention et la frénésie créatrice qui se sont emparées de la veste ne lasse pas de surprendre.  Les vestes de Prada sont si courtes que l’on peut mettre les mains dans les poches du pantalon sans faire un pli ; le costume croisé revient en force ; H&M propose des tuxedo; Carlo Brandelli à Londres reprend l’idée originale d’Armani de la veste déstructurée et la baptise la “Kilgour skeleton”, tandis que Paul Smith présente une veste en tartan à 5 boutons, etc.

Veste incombustible, toujours réinventée et qui reste, à l’aube du 21ème siècle la pièce la plus significative de l’habillement masculin.  Malgré les tendances postmodernes iconoclastes et destructrices de tout formalisme, malgré l’avènement de la civilisation des loisirs propice à l’informel, la veste – élément de costume, sportive, avec des jeans ou des baskets- reste l’élément vestimentaire qui définit le mieux l’individu qui le porte.

Les considérations sont nombreuses et complexes dans le rapport qui s’établit entre un produit de consommation et un individu avant d’en arriver éventuellement à un acte d’achat. Quels sont les bénéfices que je tire de cet objet?

La coupe impeccable, …. La légèreté et souplesse du tissus, … le toucher suave du cashmere, … la couleur qui va avec celle de mes yeux, … le style anglo-saxon de la coupe, … elle me donne confiance en moi, … comme ça on voit que je suis dans le coup, …. C’est le costume croisé d’un leader.

Les discours sont d’autant plus complexes que l’identité de la marque vient s’y superposer. L’achat va se faire parce qu’il engendre de la satisfaction qui provient à la fois des attributs intrinsèques du produit et des valeurs qui sont activées par notre vivre en société. Regardons ces deux dimensions.

Le style de la veste est probablement l’attribut intrinsèque primordial. Le style pour une marque ou un designer, est constitué principalement par les constantes du traitement esthétique du produit (coupe, tissus, couleurs, boutons, doublures, construction, …).  C’est normalement ce qui fait que l’on puisse reconnaitre une veste comme ayant été créée par une marque spécifique. Exercice d’autant plus difficile que, s’il est relativement facile d’être original sur une saison et de communiquer à outrance sur un produit, il est plus difficile de faire percevoir un point de vue esthétique dans la durée sur un produit comme la veste. Celle d’Armani est probablement la seule que l’on puisse reconnaitre depuis le trottoir d’en face.

Charles Lalo (philosophe français du début du XXème siècle) disait que la nature sans style est anesthétique . Que penser alors des biens de consommation sans style…

Le 2ème attribut de la veste qui soit pertinent aujourd’hui est son contenu mode. Il permet au gérant de la marque de segmenter le marché du plus conservateur au plus branché.

On peut alors positionner quelques marques connues dans l’habillement masculin sur un diagramme qui peut aider à la décision d’achat ou, pour le gérant de marque de se situer par rapport à la concurrence

Graphique veste1

La dimension sociale, quant à elle, est quasiment toujours présente dans la décision d’achat. La veste peut servir aussi bien de cuirasse protective ou d’élément d’expression de la propre identité. Eric Landowski, sémiologue français, propose un diagramme très utile pour définir 4 grandes typologies di consommateurs, selon l’importance attachée soit à la nécessité d’être en symbiose avec le socialement correct, soit au besoin d’exprimer sa propre individualité.

Graphique veste2

Sur la partie droite du diagramme apparaissent les consommateurs qui tiennent en grande considération le qu’en dira-t-on:

  • Le Caméléon cherche dans la veste un refuge. Il y trouvera la tranquillité d’être comme il faut, selon les normes sociales qui l’environnent.
  • Le Snob est toujours à la recherche de la nouveauté, celle qui sera à la mode demain. Motivation essentiellement sociale, il veut être le « trend setter »

Sur le côté gauche, nous trouvons les consommateurs qui ne s’inquiètent pas de l’avis des autres:

  • L’Ours reste indifférent à l’opinion des autres et n’a aucune velléité à exprimer sa personnalité par son mode vestimentaire.
  • Tandis que le Dandy trouve dans l’habillement une occasion créative.

Ce diagramme versatile s’applique aussi bien à des marques, des magazines, des produits,  que des acteurs mythiques comme Steve McQueen ou Pierce Brosnan qui sont des références fondamentales dans l’habillement masculin.
Dans ces rôles multiples, la veste devrait nous aider à  passer au travers de la crise actuelle dans de meilleures conditions, … au moins psychologiques.


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