Magazine Nouvelles

Il hésitait encore

Publié le 27 janvier 2009 par Unepageparjour

Début de Kira B. Wassa

Il hésitait encore, entre Kira la blonde et Katerina la brune. Le site proposait un grand choix de jeunes femmes, belles et prêtes à marier, pour la plupart ukrainiennes. Les photographes du site avaient pris soin de leur maquillage, léger, à peine visible, transfigurant chaque visage en figure de porcelaine éthérée, au regard clair, aux lèvres satinées, aux chevelures soyeuses et brillantes. L’éclairage tamisé, d’une finesse de sable, ombrait leur peau délicate d’une poudre dorée, gommant les mauvais reliefs, affinant les défauts. Elles ressemblaient à des fées, auréolées d’un fin voile de lumière, et prenaient des poses suggestives, mêlant leur féminité à une ingénuité presque enfantine. Elles marchaient dans la neige, emmitouflées dans des fourrures argentées, et seul l’éclat de leur regard filtrait à travers les écharpes et les toques. Ou elles entamaient une course aérienne sur les larges rives d’un fleuve gelée, les cheveux déliés, dansant dans le vent, éclatantes de rire, et battant les mains, joyeuses, devant l’envol des oies sauvages. Puis, accoudées sur la rambarde d’un vieux pont de bois, on les devinait pensives, un peu tristes, presque orphelines. Alors, elles allaient lentement, sur un chemin nu, au gré du hasard, sous les vastes ciels d’une steppe battue par les tempêtes. On les retrouvait plus loin, dans l’ambiance triste des villages perdus, sur des fonds de centrales nucléaires, qui crachaient dans des atmosphères sans âmes des cordons de fumées pâles. Rentrées chez elles, dans la chaleur intime d’un petit appartement décoré avec soin, aux couleurs vives, on les surprenait, presque gênées, dans des déshabillées blancs, qui laissaient deviner leur forme généreuse. On les épiait, dans leur cuisine, ou au salon, les yeux clos, emportées par des musiques douces, vers des rêves que l’on aurait aimés parcourir. Puis, le soir venu, étendues sur leur lit, elles s’endormaient avec bonheur.  Parfois, un jeune chat au regard bleu s’invitait sur leur lit, pour tromper leur solitude.

Depuis qu’il connaissait ce site, B. en consultait les pages avec ravissement, et chaque fois, un sentiment d’allégresse le submergeait, identique à cette envie joyeuse qu’il avait connu quelques mois plus tôt, quand il feuilletait les catalogues Roche Bobois, au moment de meubler son salon.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Unepageparjour Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog

Magazines