Magazine Journal intime

Papa, Maman & Le Docteur.

Publié le 30 janvier 2009 par Mélina Loupia
Pour changer, je suis malade.

Si j'étais scolarisée, je pense qu'on aurait déjà envoyé mes parents au banc des accusés pour non présentation d'enfant à l'école ou pire, maltraitance.
Et que dire si j'avais un patron tyrannique, incompéhensif et de la vieille école, enfin, un patron quoi, il m'aurait licenciée pour faute grave.

Oui, en gros, ça fait un bon mois, voire un peu plus que je suis environs à vingt pour cents (oui, y a rien derrière le cent), de ma présence optimale sur la Planète. Et encore, quand je suis en phase de réveil, c'est pour effectuer la vidange obligatoire, le plein vital et un passage par ici pour rendre compte de ma triste vie à des gens que je ne connais pour la plupart ni des lèvres, ni des dents, dont deux plus particulièrement, qui, hasard, n'ont pas de blog, quel dommage, je me serais fait un malin plaisir à aller les saluer avec autant de hauteur que leur petit bonjour chez moi.
Donc allemand et Bab, ouvrez-vite un blog, je vous en conjure, qu'on se marre cinq petites minutes, enfin au moins moi.
J'ai hâte que vous y parliez de chasse, et autres loisirs.

Donc je vais mieux.

Mais pas trop.

Enfin, je voudrais pas que ça se sache.
Surtout à la maison.
Au boulot, ayé, c'est bon, c'est réglé, qu'il pleuve, qu'il neige, qu'il vente ou qu'il frissonne, je suis sur le pont.

Mais à la maison, depuis cinq jours, c'est le pied intégral.

Non pas que je triche, ah ça non.
Enfin si un peu.

Jusqu'à hier, j'ai fait comme de si je pétais la forme.
J'ai même été jusqu'à entamer le grand ménage, de ceux que tu prends la maison, tu la retournes et tu la cures par tous ses pores.
J'ai poussé la comédie dans ses retranchement en allant chercher le courrier en chaussettes, comme quand je vais bien, sous la pluie, toujours persuadée que y a bien quelques caillasses aquaphobes qui restent toujours sèches ou que mes chaussettes, elles sont étanches à trois mètres.
Pire, j'ai fait mieux qu'en vrai, j'ai carressé la chatte alors qu'elle venait de dégobiller ses croquettes de l'avant-veille par terre, alors que le nettoyeur-vapeur venait tout juste de lustrer le carrelage.

Mais là où tout a basculé, c'est quand y a eu comme un trou noir dans ma vie.
Pareil qu'un lendemain de passable "Juste un petit verre et après je rentre" qui s'est répété de façon trop récurrente en deux heures de temps.

C'est à dire que je me souviens d'être rentrée chez moi, escortée par ma mère, qui a dit à son gendre dont je suis la légitime, que je m'étais endormie dans la voiture pendant qu'elle faisait trois courses, sans lui révéler pour autant qu'elle m'a probablement trouvée la tête renversée en arrière, le claquos béant et un léger râle du rhume qui s'installe.
Je me rappelle distinctement qu'il lui a répondu que j'étais aussi utile dans cet état que lorsqu'on me met une perceuse à percussion dans les mains et que j'ai même pas levé la paupière pour lui signifier tout le bien que je pensais de sa virilité.
Je vois assez clairement le moment où j'ai glissé sur le canapé, en disant " Le temps que tu fasses bouillir l'eau des nouilles, et je me lève."

Et puis soudain, je me réveille et devant moi, une grande main familière avec entre le pouce et l'index, un Doliprane 1000, plus gros qu'un suppositoire à la glycérine et aussi enrobé qu'une langue de chatte.

"Tiens, prends ça.
-Non mais sans déconner, t'es tellement en manque de sexe que tu me colles une aspirine presque de force, en profitant de ma légère fatigue passagère? T'es qu'un gros mufle doublé d'un porc pervers et insensible.
-Alors ça, ta mère m'a dit que ce serait probablement la fièvre qui te ferait dire des conneries. Avale et couche-toi.
-Tu vois, salaud, ingrat, immonde, puisque c'est ça, je reste dormir sur le canapé.
-Tu es dans le lit là.
-Alors puisque c'est ça, TU vas sur le canapé.
-En fait, vu le boucan que tu fais avec ta bouche, qu'on dirait que vous êtes plusieurs à parler avec la même, j'en ai bien l'intention. Et je veux pas forcément chopper tes miasmes."

J'ai fait un gros rototo, me suis retournée et ai continué ainsi de ronfler jusqu'à ce matin.
Deux jours durant, au loin, par bribes, je tentais de reconstituer, épisode après épisodes, ce que serait leur vie sans moi.

Putain.

Rien qu'à les entendre, c'est la fête à la maison.

Comme la maison est encore plus ou moins présentable, et que les courses sont faites de pas longtemps, aucun manque de quoi que ce soit ou de laxisme à se dire " Bon, toute façon, le sol est déjà pourri, c'est pas parce que je renverse le bol de chocolat par terre qu'elle va hurler, puis comme elle est malade, je te nettoie ça au sopalin, les chats lécheront le reste et hop."

En gros, mes gars, ils se la donnent grave, à croire qu'ils sont au Club Med en pension complète, les touristes de la famille.

J'entends rire gras.
J'ouïs parler tous à la fois et se comprendre.
Je devine que ça cause école, de temps en temps.
Je suppute que ça obéit aux ordres paternels sans tenter la négociation.
Je perçois que ça se dispute peu ou prou.
Je réalise que ça s'organise.

SANS MOI.

Mais quand je dis sans moi, c'est le style à même pas demander de mes nouvelles, si au moins on a pensé à me changer mon eau ou retirer les crottes sèches de la surface de la litière.

"Hein? Ah oui, je vais lui porter son aspirine. Mais elle doit dormir.
-Alors tu la lui porteras demain, on fait une instance vite fait?
-Bon ok, je bois mon café, je fume une clope et je viens.
-Papa, faut que tu me signes mon mot de hier que c'était la grève.
-Ah et moi, j'ai besoin de mon maillot et de ma serviette.
-Oui, c'est dans le sèche-linge, j'ai fait une lessive hier.
-Ton poulet au curry il était super bon papa."

Et puis dispersion et silence radio.

En vingt minutes, tout le monde dormait du sommeil du juste, lavé, séché, pyjamaté, rassasié, paternisé.

Je suis verte.

Depuis ce soir, je sais qu'un homme peut faire comme sa femme.

Jouer au papa, à la maman et au docteur.

Quand il est tout de même venu, alors que d'un filet de voix aussi cristallin que le timbre de Joey Starr, je le suppliais de me porter cette putain d'aspirine de sa mémé avant que je fasse péter le thermomètre, je lui ai dit:

"Bordel ébé tu vois, quand tu veux!"

Ce soir encore, il a choisi le canapé.

C'est con, j'ai plus de fièvre, il pourrait faire un effort.

J'espère qu'il est pas vexé.
Faudrait pas qu'il prenne son rôle de mère par intérim trop à coeur.


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