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Turquie, marché crédible ?

Publié le 31 janvier 2009 par Gezajans

Avoir des projets, des ambitions en Turquie, est-ce une idée crédible ?

La Vache qui rit sous-titrée, une pièce de collection

Des entreprises comme Renault (qui produit en Turquie), Carrefour, Sodexho, Alstom Hydro, Total, ne se posent évidemment plus cette question depuis longtemps. Elles sont leaders de marché, ou proches de l’être.

Que ce soit grâce à la création de filiales ou la création de joint ventures, de nombreuses marques européennes se sont construites une belle visibilité dans le marché.

En alimentation, les grands groupes comme Nestlé ou Unilever ont bien entendu des facings proportionnels à leurs parts de marché. Mais le facing des marques italiennes, avec Nutella, Gallo, De Cecco, Barilla, San Pellegrino en tête, en dit long sur leurs ambitions. Les belges se faufilent assez habilement dans les rayons avec les chocolats Guylian, les biscuits Jules Destrooper et depuis peu, les délicieux speculoos Lotus.

Je trouve les marques françaises un peu timides, discrètes. Trois exceptions: Danone, bien sûr avec une stratégie très offensive, La Vache qui rit avec une bonne communication dans les médias réalise une forte progression dans tous les types de commerce. La troisième exception vient des confitures st Dalfour qui, depuis des années, valorisent très bien leur présence dans les points de vente et ont surtout pu mettre en évidence leur différence, tant sur le plan diététique que gustatif.

Mais plusieurs marques comme Elle & Vire, Perrier, Contrex, Evian, Amora, semblent se contenter d’être là et ne manifestent pas beaucoup d’ambitions.

J’ai toutefois poussé récemment un grand soupir de satisfaction en voyant débarquer dans les supermarchés des roues de brie à la marque Président et des camemberts Coeur de Lion…

Dans un tout autre secteur, la société belge Deceuninck, spécialisée dans les chassis pvc, a rencontré un beau succès commercial en s’associant avec Ege Pen, une entreprise locale. La seule vraie difficulté qu’ils semblent avoir rencontrée est la prononciation en turc du nom typiquement flamand Deceuninck dans leurs spots télévisés.

La société de matériel électrique Legrand se développe rapidement grâce à une politique d’acquisitions. A chacun sa stratégie.

Piaggio avait commencé avec une filiale. Elle a ensuite opté pour une joint venture avec un grand groupe. Détail intéressant: on peut depuis s’éduquer à la conduite tout en s’amusant, sur la piste d’essai que Vespa a ouvert non loin du Bosphore.

On peut citer des exemples comme cela, peut être pas à l’infini, mais en tout cas nombreux.

Je ne voudrais évidemment pas vous laisser croire que c’est facile. Des entreprises leaders de marché comme Koç, Sabanci, Eczacibasi, Efes Pilsen, Ülker ( propriétaire des chocolats Godiva), Pinar, pour n’en citer que quelques une, sont très professionnelles, successfull, et n’entendent pas se laisser chatouiller par des concurrents d’où qu’ils viennent…

Mais l’évolution la plus étonnante, selon moi, est venue de la distribution.

Les differérents secteurs et acteurs de la distribution ont ici un point commun: leur développement se fait sans aucune limitation de vitesse.
La Turquie comble il est vrai un certain retard en matière de distribution.

Voici un aperçu de ce qui se passe dans quelques secteurs:

L’enseigne Migros a démaré avec des camions qui vendaient les produits dans les rues d’Istanbul.

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1954, le pont Galata voit passer les camions de Migros

Il y a aujourd’hui 237 magasins dans le pays.

Le groupe Migros, qui a changé de mains début 2008, possède également les enseignes Tansas (272 magasins), Sok (654 magasins) et Macro Center (8 magasins haut de gamme).

Lorsqu’on parle ici de Macro Center, on évoque souvent Fauchon ou La Grande Epicerie à Paris.

Carrefour, en partenariat avec le groupe Sabanci, est en plein développement: hypers, supermarchés et Carrefour Express ouvrent sur un rythme soutenu.

Tesco, avec son enseigne Kipa, manifeste de très sérieuses ambitions. L’enseigne est présente dans 18 grandes villes et par exemple dans son fief d’Izmir, elle a 6 implantations.

Les discounters Sok, Bim, Real, Dia (groupe Sabanci) se livrent une bagarre féroce dans les premiers prix.

Dans le haut de gamme, de plus petites enseignes comme Okko ou Sutte font une concurence très qualitative aux supermarchés Macro.

Les petits magasins indépendants, appellés ‘’Bakkal”, tentent tant bien que mal (plûtot mal) à résister à ce rouleau compresseur de la modernité.

Dans les villages, ces bakkals gardent toutefois une spécifité et un rôle considérable : en plus d’un assortiment large et d’heures d’ouvertures extensives, ils font crédit. Personne ne paye, tout s’inscrit dans un gros carnet ! On paye quand on peut.

La distribution des produits cosmétiques a connut la même révolution que la grande distribution.

Sephora est là. Douglas aussi. Yves Rocher a ses propres magasins. L’Occitane aussi. Tekin Acar est la chaîne locale de référence et elle est en grande expansion. Sevil a autant d’ambitions, c’est son concurrent direct.

De nombreuses plus petites enseignes possédant deux ou trois magasins moyens de gamme occupent le territoire des quartiers commerçants comme celui de Besiktas à Istanbul.

Tout ce secteur est fortement challengé par les pharmacies qui, vu les marges élevées des produits cosmétiques, se sont transformées rapidement en cosmetico-pharma avec beaucoup d’enthousiasme et beaucoup de bonheur.

La grande distribution a bien entendu une offre bien étoffée et, vu sa montée en puissance, elle restera un interlocuteur incontournable des grandes marques locales et internationales.

Le secteur du bricolage/jardinage est également sens dessus dessous.

L’enseigne Koçtas (prononcez kotchtach) a ouvert le feu. Elle possède maintenant 22 magasins. Praktiker est son challenger avec 10 magasins.

Ce sont deux vrais “category killers'’.

Vu la politique de prix pratiquée par ces géants, je souhaite bonne chance et longue vie à la multitude de petits indépendants dans ces secteurs.

L’arrivée d’Ikea a évidemment, comme partout, chamboulé le marché du meuble et des accessoires de maison. Ikea a rencontré un succès étonnant. A la fois sur le plan du trafic et du chiffre d’affaires. La modernité du concept a séduit le marché.

2 magasins se sont ouverts à Istanbul, un à Izmir et un autre à Bursa. Je ne serai pas étonné d’apprendre bientôt l’ouverture d’un cinquième magasin.

La distribution des produits technologiques est évidemment en ébullition, vu la muplicité de nouveaux produits et la concurrence effrénée que se livrent les enseignes Teknosa (88 magasins), Vatan (12 magasins), Bimeks (28 magasins) et le nouveau venu Darty (10 magasins).

Textile: c’est évidemment le secteur de prédilection des marques turques.

Beymen, Zeki Triko, Yargici, Ipekyol, Sarar, Network, Mudo Collection, Mavi Jeans, Vakko sont ici des stars confirmées.

Vakko Wedding accueille ici avec grâce les futurs mariés

Mais cela n’a pas empêché Zara, Lacoste, Cacharel, Max Mara, Mango, Guess, Ermenegildo Zegna, Façonnable, Stefanel, Armani, Escada, Gant, Dolce & Gabbana, Diesel, Ralph Lauren et bien d’autres à s’offrir une place au soleil et de démultiplier les points de ventes.

Le secteur du luxe étonne.

Chanel, Cartier, Louis Vuitton, Gucci, Harvey Nichols, Ferrari, Rolex, Luxuria qui présente Hermès, les ouvertures se succèdent.

Celui des outlets étonne tout autant. Des centres gigantesques se sont ouverts le long des routes dans tout le pays. Ils ne désemplissent pas.

Cafés: des marques internationales comme Starbucks, Gloria Jeans et Caffe Nero, une marque locale comme Kahve Dunyasi ont ouverts des points de vente superbes dans les meilleurs quartiers en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire.

Restauration: des chaînes turques comme Kitchenette (style brasserie branchée), Tike ou encore Kösebasi (restaurants kebabs stylés) ont obtenus des succès spectaculaires et ont ouverts désormais des restaurants à l’étranger.

Restauration rapide: tout le monde est là. Il manque hélas, selon moi, quelques français et des vrais tappas espagnols.

La marque belge Le Pain Quotidien a installé avec bonheur son concept nature/chic.

On ne peut terminer ce survol de la distribution en Turquie sans parler du phénomène des centres commerciaux, les malls comme on les appellent ici.

 

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Kanyon à Istanbul, probablement un des plus étonnants centres commerciaux au monde

Akmerkez, Istinye Park, Cevahir (le plus grand d’Europe), Astoria et Kanyon rivalisent au plus haut niveau à Istanbul. C’est le fin du fin.

Forum Bornova à Izmir et Ankmall à Ankara sont du même niveau qualitatif.

Un tel niveau de luxe, de confort, d’agrément n’existe ni à Paris, ni à Londres, ni à Milan.

Suivent toute une série d’autres centres à Istanbul comme Metrocity, Galleria, City’s, Capitol, Carousel, Atrium, Mayadrom, Olivium, Profilo, Tepe Nautilus…

Mais il faudra désormais prendre également en compte les centres commerciaux Forum à Mersin, Denizli, Antalya, en fait dans chaque grande ville.

La liste est donc longue et va encore s’allonger : de nombreux projets sont en chantier.

Il est vrai que la population d’Istanbul dépasse sans doute largement les 12 000 000 d’habitants officiellement répertoriés, mais une telle prolifération de malls pousse à se poser des questions à propos du seuil de saturation.

En tout cas, il faut les voir pour le croire.

Et surtout pour comprendre à quelle vitesse la Turquie avance.


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