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B. s’impatientait

Publié le 03 février 2009 par Unepageparjour

Début de Kira B. Wassa

B.

B. s’impatientait devant sa coupe de mauvais champagne.

A sa descente d’avion, Sergueï Iakoulenko l’avait accueilli d’un air pressé et l’avait conduit, taciturne, à travers Kiev, au volant d’une vieille berline grisâtre, lui montrant au passage quelques monuments d’un style morne, sans beauté, et, traversant des ponts interminables sur le Dniepr, l’avait amené dans son hôtel cinq étoiles. Le groom, avec un sans gêne mal placé dont il avait peu l’habitude, lui avait soutiré quelques hryvnias pour monter sa valise jusqu’à sa chambre. Iakoulenko l’attendait à la réception pendant qu’il se changeait, avant de l’emmener au Lune Bleu, un bar sélect du quartier chic, dans lequel l’attendait sa future épouse.

B. regardait de nouveau sa montre. Que pouvait bien faire ce Iakoulenko ? Plus de neuf heures du soir, et depuis qu’ils s’étaient séparés au fond de cette salle aux rouges clinquants et aux volutes dorées, d’assez mauvais goût, une heure avait pu s’écouler. Une fille maquillée d’un violet lourd, à la poitrine presque dénudée, s’égosillait sur des bluettes sirupeuses, dans l’indifférence générale. B. notait un groupe d’hommes massifs, dans le coin opposé de la sale, en complets sombres, qui semblaient discuter âprement. Parfois, ils appelaient le serveur, et commandaient quelques verres, qu’ils entrechoquaient avec fracas, riaient un peu, avant de reprendre leur débat. Deux ou trois couples, assez jeunes, se tenaient la main, les regards noyés. Sans doute des amoureux qui fêtaient un anniversaire, ou quelque chose dans ce goût là, songeait-il. L’ensemble de la scène paraissait assez misérable, finalement. Un doute lui venait. Ne s’égarait-il pas ?

Enfin, Iakoulenko revenait. Un rictus gêné flottait sur ses lèvres. Il s’assit à la table de B., flanqué de deux filles malingres, au regard soumis et passif.

Voici Iulia et Olga, présentait l’Ukrainien. Je leur ai parlé de vous, et elles seraient ravies de connaître votre pays.

B. ne comprenait pas. Où était Kira ? Il fronça les sourcils et fixa Iakoulenko dans les yeux. Il comprit, et d’un signe, demanda aux filles de s’éloigner. Elles s’assirent un peu plus loin, en haussant les épaules, d’un air assez las.

Kira viendra un peu plus tard, expliquait-il. Il s’agit d’une jeune femme très occupée, ici à Kiev, et …

Ne m’embrouillez-pas ! le coupa sèchement B. C’est elle ou personne d’autre. Je veux bien encore attendre, mais ne me prenez pas pour un imbécile.

Iakoulenko appela le serveur et lui marmonna quelques mots. Il revint aussitôt avec une bouteille de Dom Pérignon millésimé et du caviar, savamment présenté dans un service en argent. B. apprécia et se détendit.

Toujours intrigué par le groupe d’hommes qui s’agitaient encore à l’autre bout de la salle, il interrogea Iakoulenko à leur sujet.

Oh, des russes et des gars du gaz, répondit-il évasivement. Puis, sur le ton de la confidence, la main posée sur le poignet de B., il précisa : je ne les apprécie pas. B. ne comprit pas, des russes ou des gars du gaz, quels étaient ceux qu’il n’aimait guère. Mais finalement, cela lui importait peu.


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