Magazine Journal intime

Réminiscences de la Commune en “Ultima Esperanza”

Publié le 05 février 2009 par Alainlecomte

Puerto Natales, petit port de pêche chilien au bord du Pacifique, maisons de bois et de tôles peintes en rouge, bleu, vert, violet sous les ciels nuageux changeants et les vents hurlants.

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Ce port du bout du monde a une riche histoire de luttes et de révoltes. Je l’ai apprise en essayant de lire (malgré mon peu d’espagnol) un livre que j’ai trouvé sur le comptoir d’un restaurant de cette petite ville. « Los Pioneros ». Juste sur le quai, à gauche de la grande masure jaune dont le toit est parti sûrement par un jour de grand vent. Je guignais vers ce livre exposé, enfermé sous sa cellophane, « Historia del Movimiento Obrero en Ultima Esperanza (1911 – 1973) ». Il s’est avéré que l’auteur, Pedro Cid Santos, professeur d’histoire à l’université de Punta Arenas, était le fils de la patronne. La mère était fière de me vendre l’ouvrage du fils, et le vieil employé du restau, sourcils blancs en bataille et pommettes burinées de qui vit à longueur d’année dans les bourrasques, content de me dire qu’en tant qu’acheteur de ce livre, je succédais à une célébrité qui n’était autre que Lula.

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enfants de Puerto Natales

Tout démarra des entrepôts frigorifiques (les « Frigorificos Bories ») où venaient s’embaucher des errants venus de tous les coins du monde, Polonais, Russes, Italiens ou Français, ouvriers parfois anarchistes à la dérive qui venaient trouver refuge en des lieux où ils se pensaient à l’abri des polices.  La Commune (celle de Paris) eut une forte influence :

« Los trabajadores de Puerto Natales, en 1919, sin ser dirigidos por partidos politicos, lograron controlar el poder mediante une organizacion libertaria, hecho inédito hasta entonces y que solo fue alcanzado por Cuba en la década del 60 : hasta entonces, conquisas unicamente comparables al capitulo de los comuneros de Paris »

Ce livre est le récit d’une suite continuelle de luttes qui conduisirent à la constitution d’une « Fédération Ouvrière Magellane », demeurée fidèle à l’esprit anarcho-syndicaliste et revendiquant liberté et autonomie au moins jusqu’aux années soixante-dix, sous le gouvernement Alessandri, où le mouvement syndical fut « officialisé ». Bien avant d’autres endroits du monde et le reste de l’Amérique du Sud en particulier, ces confins du monde auxquels le Chili a donné le nom charmant mais inquiétant de « Ultima Espéranza » - la Dernière Chance ! – ont connu, dès 1933, et grâce à ces luttes, la journée de travail de huit heures, l’enseignement obligatoire et des services de santé accessibles. Durant la courte période Allende, ces terres furent celles où se développa le plus le mouvement coopératif sur le sol des vieilles estancias, aujourd’hui retournées à leurs propriétaires latifundiaires.

En ces temps difficiles en France, où l’affrontement de classe se dessine avec chaque jour un peu plus de précision, il est réconfortant de trouver à l’autre bout du monde des réminiscences d’un passé révolutionnaire qui fait encore chaud au cœur.

C’est peu ?

Eh bien, nous nous contenterons de peu…(« l’on pleure et l’on rit comme on peut / dans cet univers de tisanes »).

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pêcheurs débarquant les “centollas”
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maisons de pêcheurs


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