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Exposition Guy Tillim à la Fondation Henri Cartier-Bresson

Publié le 07 février 2009 par Adelinew

Exposition Guy Tillim à la Fondation Henri Cartier-Bresson, du 13 janvier au 19 avril 2009

www.henricartierbresson.org

www.michaelstevenson.com/contemporary/artists/tillim.htm

La terre où je suis né m’est devenue étrangère à mesure que je la découvrais. Le désir d’y photographier est moins lié à la volonté d’en poser le décor que de m’y situer moi-même. GT

exposition Guy Tillim, Fondation HCB

exposition Guy Tillim, Fondation HCB

Guy Tillim, photographe sud-africain (blanc, né en 1962) présente deux sujets : Jo’burg (appellation locale de Johannesburg) et Avenue Patrice Lumumba.

Pour « Jo’burg » (2004) il a photographié les buildings du centre-ville, symboles de l’ancienne ville blanche de l’apartheid, désormais habités par la population noire. Ils pensaient y trouver le confort et la vie dont ils avaient rêvé, mais sans argent pour entretenir les immeubles, ceux-ci se sont délabrés à toute vitesse et ne sont plus que des taudis dont on les expulse quand même. Guy Tillim photographie l’extérieur (parvis, coursives, halls) et l’intérieur des appartements avec une grande pudeuret sans pathos. Un cadrage privilégiant les espaces vides et un « hors-champ » habité : la présence des hommes, des femmes et des enfants n’est le plus souvent perçue qu’à travers quelques objets de la vie quotidienne dans les appartements désertés (ou dévastés par l’expulsion) ; silhouettes lointaines et solitaires sur les terrasses, toits… et quand ils sont présents c’est dans un lit, sous des couvertures. GT refuse de donner un visage à cette misère, il nous en livre quelques instantanés, à nous d’en tirer les conclusions.

Pour son dernier travail « Avenue Patrice Lumumba », GT a photographié à travers le continent africain différents endroits publics des nombreuses avenues Patrice Lumumba – héros assassiné de l’Afrique noire. Ce fil conducteur relie le Mozambique au Congo, à Madagascar, à l’Angola, dans une sorte de cartographie africaine, avec son iconographie, sa lumière, ses vestiges délabrés du colonialisme, sa bureaucratie. Comme dans les photographies de « Jo’burg », les couleurs sont quasiment brûlées par la lumière trop forte, le béton gris envahi par les flaques noires de l’humidité ; seules survivent quelques touches de bleu « Klein » ou de rouge et le vert oppressant de la végétation. Lors de la rencontre à laquelle il a participé à la Fondation, il dira qu’il aime travailler à midi, sous la lumière blanche et aveuglante, en utilisant un pied-photo pour aller chercher les détails des parties les plus sombres (belle métaphore sensible). Son premier métier de photoreporter privilégiait le travail en noir et blanc, pour la presse en particulier. Ses photos couleur me semblent plus proches d’un noir et blanc coloré que des couleurs saturées de la photographie contemporaine.

Les rencontres de la Fondation HCB sont toujours un moment précieux et j’aime beaucoup y aller. Mais malheureusement je n’ai pas trouvé le modérateur à la hauteur de son invité lors de celle avec Guy Tillim. Le problème de la langue (GT ayant eu la courtoisie d’essayer de parler le plus possible en français) n’a pas aidé mais j’ai été assez déçue par son manque de réactivité sur des points qui débordaient un peu du cadre de l’expo, mais touchait à « l’éthique » du métier aujourd’hui. Evoquant le fait qu’il travaillait désormais moins pour la presse et plus pour sa galerie – ce qui lui donnait une plus grande liberté dans son travail –, GT a voulu nous faire part du malaise qu’il a à vendre très cher des tirages, alors qu’il photographie essentiellement des gens très pauvres. Ce malaise le pousse à éviter de plus en plus d’avoir des passants dans ces images, à attendre le moment où il n’y a plus personne. Ce n’était ni une leçon de morale, ni une certitude de bien faire mais l’envie de partager avec un public quelques interrogations sur le métier de photographe aujourd’hui, la place des galeries d’art dans le financement des photographes et le recul de la presse dans la commande de sujets de fond. Questions un peu rapidement balayées d’un revers de phrase ironique sur la chance de gagner de l’argent dans ce métier. Dommage… en tout cas une belle rencontre avec un homme plein d’humanité, d’humour, et d’amour pour cette Afrique (la sienne aussi) si mal connue par les Européens, ses anciens colonisateurs. 

Adeline W

Tags : exposition, photo

Cette entrée a été publiée le Samedi 7 février2009 à 18:33, et rangée dans photographie. Vous pouvez suivre les réponses à cette entrée via son flux RSS 2.0. Vous pouvez laisser un commentaire, ou faire un rétrolien depuis votre site.


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