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Interview de Samuel Moulin

Publié le 09 février 2009 par Quiver

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Pour cet article, la France est mise à l’honneur avec un jeune et talen­tueux pho­to­graphe de sa génération, j’ai nommé Samuel Mou­lin, connu aussi sous le pseu­do­nyme Sia­me­se­sam, sur devian­tART. C’est avec enthou­siasme qu’il a accepté de répondre à quelques-​unes de mes ques­tions.

Bonjour ! Je suis très contente que tu aies répondu posi­ti­ve­ment à ma demande. Au nom de toute l’équipe, nous te remer­cions.

- Pour com­men­cer, pourrais-​tu nous expliquer la signi­fi­ca­tion de ton pseudo ?

Siame­se­sam est un mélange de l’album Sia­mese Dream des Sma­shing Pump­kins, dont je ne par­viens toujours pas à me las­ser, et de mon prénom.

- Pourrais-​tu te décrire en quelques mots?

J’ai 28 ans. Je suis né le 11 décembre 1980, à Anno­nay, en Ardèche. Je n’ai jamais quitté long­temps la région, et j’y vis encore actuel­le­ment, par sou­hait et non pas par obli­ga­tion : je trouve que c’est fan­tas­tique de pou­voir se perdre au milieu de nulle part dès qu’on passe la porte de sa mai­son !

- Exerces-​tu ton activité de pho­to­gra­phie en tant qu’amateur ou en tant que pro­fes­sion­nel?

Disons que j’exerce en tant qu’amateur passionné et très motivé, et que j’attends l’opportunité qui me per­met­tra de bas­cu­ler en tant que pro­fes­sion­nel. J’ai plu­sieurs pers­pec­tives pro­fes­sion­nelles entre lesquelles je suis encore partagé : je suis sur­veillant dans un lycée, et je conti­nue parallèlement mes études. Je prépare un Mas­ter 2 de phi­lo­so­phie (ex DEA), et j’envisage de pas­ser ensuite un Doc­to­rat.

- Quand as-​tu commencé la photo et pourquoi?

J’ai pra­tique­ment toujours fait des pho­tos. Je pense que cela vient du fait que j’ai une acuité visuelle de plus de 12/10, j’ai toujours été très atten­tif aux sen­sa­tions visuelles. Mais c’est peut-être aussi pour cela que j’ai long­temps été déçu par les pho­tos que je pre­nais, qui ne retrans­cri­vaient pas ce que je res­sen­tais vrai­ment. J’ai utilisé beau­coup d’appareils jetables avant de récupérer le vieux Miranda cabossé de mes parents, mais à cette époque je pre­nais des pho­tos pour me sou­ve­nir des lieux où j’allais. Je ne pen­sais pas à les tra­vailler ni à soi­gner la prise de vue, en fait une fois que j’avais vu mes tirages, je m’en désintéressais aussitôt. J’ai dans mon sous-​sol des car­tons rem­plis de négatifs…  Je me suis vrai­ment mis à faire de la photo quand j’ai eu mon pre­mier bridge numérique, c’était en 2003 : c’est à par­tir de là que j’ai pu com­men­cer à tra­vailler mes images. Je n’avais pas accès à un labo aussi faci­le­ment qu’à un ordinateur…  Une fois que je me suis vrai­ment senti à l’aise en numérique, j’ai cepen­dant décidé d’apprendre à tra­vailler en argen­tique sérieusement, c’est-à-dire à développer et à tirer mes films chez moi.

- Quel matériel/logiciel utilises-​tu actuellement?

J’ai plu­sieurs appa­reils photo : ça com­mence par un pin­hole fabriqué avec une boîte d’allumettes, un objet que j’adore, vrai­ment. Je me suis procuré un Holga l’année dernière, le « toy camera » par excel­lence. Niveau boîtier numérique, j’ai réussi à tirer un bon prix de mon Canon 30D pour inves­tir dans un 5D, dont je suis très content pour le moment. Je tra­vaille sous Mac, avec Pho­to­shop essentiellement…

- Tes pho­tos sont-​elles prin­ci­pa­le­ment des mises en scène ou sont-​elles spontanées?

- Il y a un petit peu des deux, à vrai dire. Je fonc­tionne autant au projet qu’à l’impulsion, et mes projets naissent bien sou­vent d’impulsions…  Un jour je vois qu’il fait bon et qu’il y a du soleil, et je me dis « tiens, je pour­rais aller prendre mon fau­teuil en photo dans les bois », et paf, cinq minutes après je suis en route avec le fau­teuil dans le coffre de la voi­ture. Je com­pose par­fois lon­gue­ment cer­taines images dans ma tête avant d’aller les réaliser, et d’autres fois les idées me viennent tout d’un coup. En général j’ai plus d’imagination que de temps pour la concrétiser. Je tra­vaille actuel­le­ment sur quelques projets de longue haleine, qui voient le jour petit à petit.

- Y a-t-il un thème par­ti­cu­lier qui revient régulièrement dans tes pho­tos? Lequel?

« Un thème par­ti­cu­lier qui revient régulièrement » ? Moi-même ! Je me mets très sou­vent en scène dans mes pho­tos, non par nar­cis­sisme, mais parce que je m’interroge beau­coup sur l’individu, sa construc­tion, sa genèse. J’essaie de tra­vailler sur celui que j’ai toujours sous la main, et que je connais bien (ou que je crois connaître !). J’ai une posi­tion très cri­tique sur la phi­lo­so­phie de notre époque et de notre société, qui condamne ouver­te­ment l’individualisme alors qu’elle me semble inca­pable, jus­te­ment, de pro­duire des indi­vi­dus. Dans l’autoportrait, on est des deux côtés de l’objectif à la fois. En se considérant comme une chose, on prend une cer­taine dis­tance par rap­port à soi-même, et on apprend beau­coup de choses…  On se contrôle comme une marion­nette, on voit com­ment ça marche, un humain.

- Essaies-​tu de trans­mettre un mes­sage par­ti­cu­lier via tes photographies ?

Je n’aime pas trop l’évidence que, bien sou­vent, la pho­to­gra­phie implique : ce n’est pas la peine de cher­cher à « cap­tu­rer le réel », rien ne rem­place pour moi le fait d’être ici, main­te­nant. La ten­ta­tive de copier la réalité ne m’intéresse pas. Je préfère quand la pho­to­gra­phie me ren­seigne sur le pho­to­graphe, plutôt que sur la topo­gra­phie du pay­sage. De la même manière, j’essaie de glis­ser dans mes images mes sen­ti­ments et mes idées du moment. Les sujets sur lesquels je tra­vaille en phi­lo­so­phie, mes grandes inter­ro­ga­tions, sont la nour­ri­ture prin­ci­pale de mon tra­vail pho­to­gra­phique : réflexion sur l’individu, la société, et sur l’état du monde, qui me semble fatigué, épuisé…  Je tra­vaille beau­coup sur la tex­ture, qui aide à don­ner ce côté vieilli aux images, et à reti­rer l’évidence. Je cherche aussi à ce que l’image ne soit pas seule­ment visuelle, mais pro­duise aussi une sorte de contact, de frot­te­ment avec l’œil : du coup on n’y entre pas comme ça, elle ne se livre pas tout d’un coup, elle est pleine de matière, et il faut la tra­ver­ser, s’engager, pour ren­trer dans l’image. Voilà ce que j’essaie de faire pas­ser, mais ça ne veut pas dire que j’y arrive…

- As-​tu une source d’inspiration particulière pour tes créations?

J’écoute beau­coup de musique, je lis beau­coup, je vois beau­coup de films, j’essaie d’approfondir mes connais­sances en his­toire de l’art, je pense que je puise dans tout ça…

- Com­ment perçois-tu ton ave­nir dans le monde de la pho­to­gra­phie? As-​tu des projets dans ce domaine?

C’est pas demain la veille que je vais ran­ger mes appa­reils photo au pla­card ! Bien entendu, c’est pour mon plai­sir per­son­nel que je fais de la photo, et je sou­haite conti­nuer à expérimenter des trucs avec mes appa­reils arti­sa­naux, et à développer ma pra­tique. J’essaie de m’investir plei­ne­ment dans des projets asso­cia­tifs divers, afin de per­mettre aux passionnés de photo de par­ta­ger sur ce thème. J’ai mal­heu­reu­se­ment trop peu de temps libre en ce moment, et je préfère consa­crer ce temps à mes créations per­son­nelles en attente (il y en a beau­coup !)…

- Es-​tu intéressé par d’autres formes d’art que la photographie?

Quand j’aurai le temps, je réfléchirai peut-être à écrire un livre… (rires). Non, sans blague, je suis très intéressé par l’écriture, mais je tra­vaille peu. Or, l’écriture demande une cer­taine pra­tique, et on se rouille quand on ne s’exerce pas assez…

- As-​tu autre chose à ajou­ter, un élément par­ti­cu­lier à révéler?

Oui, je vou­drais relayer quelques infos au sujet du Prin­temps de l’Image et de la Pho­to­gra­phie, une asso­cia­tion que je suis content d’avoir rejoint pour l’édition 2009. C’est une mani­fes­ta­tion dont l’état d’esprit est très ouvert. Je vou­drais signa­ler aux pho­to­graphes ama­teurs ou pro­fes­sion­nels qui peuvent se rendre sur les lieux qu’il y aura une grande expo­si­tion photo tous niveaux confon­dus, et que les formalités pour expo­ser sont on ne peut plus simples. Tout est expliqué sur mon site Inter­net ou sur le site offi­ciel du PIP. J’espère moi-même sai­sir l’occasion pour per­mettre à des pho­to­graphes qui se connaissent par Inter­net de se ren­con­trer enfin pour de vrai.

Merci pour le temps que tu nous as consacré. Ce fut un plai­sir de mieux te connaître, toi et ta passion.

Illus­trons à présent l’excellent tra­vail de ce pho­to­graphe. La retouche qu’il apporte à ses pho­tos per­met aussi de le pla­cer dans la catégorie “photomanipulation”.

assemblage


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