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La nuit de noce

Publié le 09 février 2009 par Unepageparjour

Début de Kira B. Wassa

B.

La nuit de noces se déroulait chez eux. Un choix de B. qui jugeait inopportun de migrer dans un hôtel quelconque, ou une résidence de campagne, fade et sans saveur, quand son intérieur soutenait sans rougir la comparaison avec les meilleurs palaces. Le mariage ne dura que le temps d’une formalité administrative, une signature en bas d’un papier cacheté, sous le regard bienveillant d’un maire qui lui devait quelques menus services. Deux employées faisaient office de témoins.

B. avait demandé à un traiteur réputé de leur organiser un buffet de grand luxe, pour eux seuls. Les serveurs guindés, les tables couvertes des mets les plus fins, de grands vins, des champagnes millésimés, des entremets aux fruits rares. Un quartet en queue de pie distillait une musique d’ambiance, douce et tamisée, dans laquelle, par moment, B. entraînait Kira vers quelques valses surannées. Il aimait écouter les frous frous satinés de la robe de soie sauvage au contact du parquet de bois de rose. Comme un soupir, une respiration du tissu, qui lui donnait des envies de perfection.
Puis le soir gagna les fenêtres. Les musiciens fatiguèrent. Les serveurs se relâchèrent. Les sacs poubelles dévorèrent les restes. A minuit, la salle à manger brillait, nette, lumineuse.

Kira, étendue sur le lit, en déshabillé de satin doré, l’attendait, mi lascive, mi mutine. Sa chevelure répandait sur les oreillers gonflés un parfum d’ambre. B., un instant, s’arrêta au seuil de la chambre, subjugué, soufflé par tant d’harmonie.

Les peaux se joignirent, dans les nuages délicats des coussins d’organsin. Une lune pleine, dans un coin de la fenêtre, avançait sa tête ronde et argentée. L’édredon soupira.

B. se releva. Assis sur le lit, il laissait ses yeux caresser l’éclat blanc du mur, puis monter jusqu’au moulure du plafond. Un sentiment fade l’engourdissait, pendant que le silence envahissait la nuit. Il ferma la lumière. Kira semblait dormir, sans bruit. Sa chair trop exquise ne l’avait pas satisfait. Il regrettait la passion vive des femmes ivres, qu’il prenait à même le parquet de sa salle à manger, dans le noir du couloir éteint, dans la torpeur humide de sa salle de bain. Il sortit du lit et, vêtu d’un peignoir, il errait, dans les pièces spacieuses et froides de son appartement. Quelques lumières voisines scintillaient encore à travers les carreaux froids. Il repensait à ces plaisirs violents, qui l’envahissait par saccade, et que tant d’inconnues avaient su satisfaire, malgré ce sentiment de solitude pesante qui l’avait assailli ces derniers mois. Le souvenir d’un plaisir plus intense encore, plus brûlant, résonna alors dans son sang. Le souvenir de l’africaine, de sa peau grège, sauvage, infinie, qu’il avait prise d’un coup, un soir, juste avant de partir en Ukraine. Il essaya de calmer ses tempes bouillantes en posant son front sur la fenêtre glacée. Une longue impuissance, désespérée, le parcourait.


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