Magazine Journal intime

Liberté et devoir de réserve

Publié le 22 août 2007 par Mirabelle
Mon cher Victor, garfield.jpg
Depuis quelques temps, je me pose beaucoup de questions. Voyez-vous ça... Et à quel propos ? A propos de ce blog. Ah bon ? Tu n'es pas satisfaite de nos conversations ? Ce n'est pas ça mais... Mais quoi ? Bon. Ca risque d'être une conversation conséquente, alors accroche-toi... Je m'agrippe à ma chaise !
Comme tous les jours, je suis allée hier soir faire un tour sur le blog d'Elise Titane. N'ayant pas encore réellement fouillé sa liste de liens, j'ai cliqué . Et puis et là. Mon sang, bien sûr, s'en est glacé. Je ne connaissais pas Garfieldd, n'avais pas parcouru son blog, mais je suis forcément touchée Tu savais pourtant que les fonctionnaires ont un devoir de réserve... Je sais bien. Mais... Tu te dis que cela pourrait parfaitement tomber sur toi ? Oui. Et donc tu hésites à revenir discuter avec le vieux Victor ? Eh bien... Non ?! Vraiment ?! Ne me dis pas que tu hésites, enfin, Mirabelle !
Mets-toi un peu à ma place, Victor... Ce matin, en consultant les statistiques de ce blog, j'ai eu peur. Peur ?Oui. Depuis quelques temps, les stastiques grimpent de manière spectaculaire. Nous avons de plus en plus de visiteurs qui viennent bavasser à notre table ! Oui. Et de plus en plus de pages vues. C'est fort bien, tout cela ! Cela prouve que les blogueurs nous aiment ! Bien sûr que c'est bien. Et crois-moi, je m'en réjouis. Cependant, une autre facette de moi est sur ses gardes, comme prise à son propre piège. Prise à son propre piège ?
Quand j'ai crée ces conversations, en te choisissant comme partenaire de discussions, j'étais loin de m'imaginer que nous deviendrions de tels amis. J'étais loin d'imaginer que de tels liens se tisseraient, loin d'imaginer que ma vie d'enseignante débutante intéresserait quelqu'un, bien loin d'imaginer que notre table attirerait tant de monde. Je pensais naïvement que mon lectorat se limiterait à une poignée de personnes, même si mon désir secret était, bien sûr, de faire connaître mes mots, de les faire aimer, sans pour autant cesser de me faire plaisir. Humm... Et désormais, alors que tu sens que nos conversations sont appréciées au point d'être très visitées, tu as peur pour ton métier... C'est ça ?
Oui, c'est ça. Je suis fonctionnaire, Victor. Le fonctionnaire a un devoir de réserve. J'AI un devoir de réserve. De réserve, de réserve... Tout le monde en parle, ici ou là, mais les définitions sont bien floues, comme le montrent les liens que tu nous as indiqués précédemment. J'ai pu constater que même lors de notre formation, la définition de "devoir de réserve" n'a pas été explicitée de manière précise (ou alors, elle l'a été pendant que j'étais en Angleterre, ce que j'espère pour mes petits camarades restés en France. Attention, Mirabelle ! Avec une telle phrase, tu joues avec le feu ! N'es-tu pas, en évoquant cet aspect de ta formation, justement en train de ne pas respecter ton devoir de réserve ? Peut être que si, et cela me met assez mal à l'aise... C'est bien le moment de t'interroger là-dessus ! Après plus d'un an de conversations ! Oui, je sais, je sais, ça fait assez peu crédible... Toutefois, mieux vaut tard que jamais !
Mon métier fait partie de moi, de ma personne. Tu le sais, il occupe une part importante dans les conversations de ce blog. Oui... Il suffit d'additionner le nombre d'articles dans les catégories "Mirabelle, maîtresse T1", "Mirabelle, PE2, maîtresse stagiaire" et "Mirabelle, PE1, future instit'" pour le comprendre ! Quand je parle de mon métier, il y a des critiques, certes. Notamment sur la formation à l'IUFM ! Je ne fais pourtant qu'écrire là ce qui est clamé depuis des années par les stagiaires sortants. Mes critiques se limitent d'ailleurs à cela, bien souvent, car je n'ai pas encore rencontré mon supérieur hiérarchique...
Quand je parle de mon métier, je fais toujours l'effort de ne pas citer de nom, de ne pas donner d'indices sur les écoles où j'exerce, de prendre un pseudonyme pour les noms d'enfants et... Pour le tien ! Oui, aussi pour le mien. Quand je parle de mon métier, je mets toute la passion dont je suis capable, même si mes peurs, mes doutes, mes angoissent transparaissent. Mais n'est-ce pas le but de l'écriture que d'aider à les apaiser ? C'est du moins ce que je crois. Quand je parle de mon métier, je n'ai pas l'impression de faire quoi que ce soit de répréhensible, je n'ai pas l'impression d'être malhonnête, ou de trahir ma fonction. Non. Au contraire, il me semble la servir en partageant ma perception toute neuve (et en devenir) du métier de professeur des écoles. Je n'en masque pas les difficultés, mais je ne cache pas non plus combien je suis heureuse de faire ce métier, combien il m'est précieux. Peut-on me blâmer pour ça ?
D'accord mais enfin... Avec moi, tu ne parles pas que de ton métier, Mirabelle, mais de bien d'autres choses... C'est vrai. Je parle aussi de ce que n'importe quel individu, qui n'est pas fonctionnaire, est en droit d'évoquer : ses goûts, ses dégoûts, ses coups de coeur, ses coups de gueule... Je n'évoque que très peu ma vie privée. Oui, c'est un choix que tu as fait après nous avoir déballé pas mal de choses que, visiblement, tu as regretté d'avoir déballées... Enfin, si j'ai bien compris... Tu as bien compris. On ne pourra donc pas m'accuser de jeter ma vie privée en pâture.
Si un jour, je suis convoquée par mon administration et qu'on me reproche l'existence de ce blog, on m'accusera de ne pas avoir respecté le devoir de réserve, alors qu'au delà d'être fonctionnaire, je me sens enseignante, et enseigner est, à mes yeux, un acte d'engagement. Il ne s'agit pas de contester tout et n'importe quoi, mais je ne compte pas non plus édulcorer la vérité par peur qu'on me musèle. Alors où commence la liberté ? Où s'arrête-t-elle ? Qu'est-ce que la liberté, dorénavant, pour un fonctionnaire ? Où est la frontière entre l'individu et le fonctionnaire ?
Ce qui est sûr, c'est que tu prends des risques en continuant de bavarder avec moi, Mirabelle... C'est pourquoi j'hésite à poursuivre nos conversations... Mon métier est très important pour moi et si jamais on m'en prive parce que j'ai été négligente, je ne me le pardonnerais pas... Cependant, tu remarqueras beaucoup d'enseignants ne se privent pas de tenir un blog... Parce que ce sont des individus avant d'être des fonctionnaires... Alors, comme moi, ils prennent des risques. Tu ne veux plus prendre de risques ? Je ne sais pas. Je m'interroge. Je doute. J'avoue ceci dit que je tiens énormément à nos conversations mais savoir que nos audiences grimpent en flèche, même si j'en suis ravie du point de vue de la "création bloguesque", m'inquiète... Qu'est-ce que je dois faire, Victor ? Je ne sais pas, Mirabelle, je ne sais pas...

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