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Publié le 16 février 2009 par Mouton

Voilà ce qui aurait pu être la redac du mois.

Dans un grand bureau du ministère des ministères, deux costumes cravates se font face et partagent la même ligne de coke. Le plus petit prend son temps pour plonger son regard dans les yeux de son interlocuteur.

“Rappelez moi les grandes lignes de votre projet pour lutter contre les délocalisations.
- oui votre Excellence. Le projet “VOUS” est une trouvaille des plus grosses têtes pensantes de notre pays.
- quoi? Vous avez fait appel aux chercheurs?
- non votre Altesse. J’ai dit les plus grosses têtes pensantes mais les plus grandes.
- ah! cela m’étonnait aussi que des chercheurs trouvent quelque chose. Mais pourquoi “VOUS” ?
- pourquoi pas? Comme je l’ai dit à sa Seigneurie, le projet est né dans notre sérail. Nous ne nous soucions pas de détails tels que l’adéquation d’un contenant avec un contenu ou la précision des termes ou encore, je ne sais moi, d’éthique. Nous ne sommes pas des chercheurs que diable!” Conclut le plus grand des drogués en éclatant de rire.

Une fois ce grand éclat de rire énarqual passé, la discussion reprit.

“Le grand problème avec les délocalisations, c’est la paupérisation des classes laborieuses liée à la cessation d’activités. Cette a-societisation entraîne par voie de conséquence un sentiment de frustration et de colère chez les petites gens qui ont tendance à se retourner contre les leaders du système societal en place.
- … euh rien compris là.
- désolé, j’avais le même problème avec votre prédécesseur. Si ouvrier pas travailler, ouvrier pas content et ouvrier pas voter pour votre Grandeur.”

Une lueur d’intérêt passa dans le regard du talonné.

“Continuez.
- pourquoi les entreprises délocalisent? Parce que le travailleur chinois est moins cher que le travailleur rouge-jaune-blanc.
- rouge-jaune-blanc?
- vin rouge - pastis - blanc limé. Petite blague ministérielle, votre Altesse. Pourquoi le chinois est moins cher? A cause des acquis sociaux.
- je le savais, ça fait des années que j’essaie de les virer mais rien à faire. Ya même des fonctionnaires qui sont prêt à faire grève pour que tous les travailleurs, même ceux du privé, en profitent. Ça me dégoutte.
- si votre Grandeur ne peut pas virer les acquis sociaux ici, il faut que les chinois aient les mêmes. Comme ça, nos esclaves redeviendront compétitifs.
- bonne idée. A mon prochain voyage en Chine, je leur fait du chantage: ou bien ils donnent des acquis sociaux à leurs travailleurs ou je leur laisse ma femme et avec sa guitare en cadeau bonus.
- euh je tiens à rappeler à son Altesse que cela pourrait être considérer comme un acte de guerre.
- bon alors c’est quoi votre idée?”

L’enthousiasme poussa le grand chose à se lever.

“C’est tout simple. Dans un premier temps, on laisse faire la délocalisation et même on la favorise.
- ouais bien-sûr et après comment je suis réélu moi?
- dans un premier temps, votre Seigneurie, dans un premier temps. Ensuite on congèle les anciens travailleurs - nouveaux chômeurs.
- congèle?
- oui. En plus il y plusieurs avantages collatéraux: 1) un chômeur congelé ne peut pas voter contre votre Altesse, 2) un chômeur congelé ne peut pas être en recherche active d’emploi donc il n’est plus techniquement un chômeur et il disparaît des statistiques.
- pas mal, continuez.
- ensuite, un chômeur ou ouvrier est aussi un consommateur qui achète des produits bas de gamme sous prétexte qu’il a peu de revenu. Donc un chômeur congelé ne consomme pas. Les produits bas de gamme étant en majorité en provenance de Chine, nous pouvons ainsi réduire les importations.
- ça me plaît là, continuez.
- si nous on importe moins, la Chine exporte moins aussi.
- vont pas être content les chinois. Oh oui! Que c’est bon!
- d’où la possibilité d’un accord: nous continuons à importer à volume constant et ils donnent des acquis sociaux à leurs travailleurs.
- oh oui, un peu plus bas. Continuez.
- au bout d’un certain temps, les chinois auront les mêmes acquis sociaux que nous et donc ils ne seront plus aussi compétitifs. Les entreprises reviendront sur le sol de notre chère partie. Et il nous suffira de décongeler les chômeurs pour avoir de la main d’œuvre qualifiée.
- brillant. Mais au bout d’un certain temps, ça fait combien?
- 5, 10 ans. Pas plus
- et si ça marche pas
- ben le projet “VOUS” pourra aussi servir à régler le problème de la faim dans le monde. Après tout, les ouvriers c’est de la viande à usine.”

La décoration kitsch de jardin toujours avide de nouvelles idées déjà trouvées faisait travailler sa cervelle à plein régime. Au bout de quelques dizaines de minutes, il demanda:

“et les chercheurs?
- les chercheurs?
- ben oui. On pourrait pas appliquer ce projet aux chercheurs?
- ben non.
- pourquoi?
- pour plusieurs raisons, tout d’abord un chercheur qui travaille pas est rapidement dépassé. Quand on décongèlera les chercheurs, même après deux ou trois ans, ils ne seront bon à rien.
- et pour l’option faim dans le monde?
- pas terrible ou alors faut pas trop regarder à la qualité. Le chercheur est élevé dans des universités sur-peuplés. Il voit rarement la lumière du jour, il mange n’importe quoi et je ne parle même pas de sa condition physique. Tout le temps à travailler, jamais de sport, jamais de repos. Même la nuit, son cerveau continue à travailler. En plus, si on regarde les jeunes chercheurs; ils sont considérés jeunes jusqu’à 36 ans voire plus.
- ouais je voies. De la carne quoi!”

Posted in humeur, redac Tagged: chomeur, delocalisation, entreprise, recherche, travailleur

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