Magazine Journal intime

Breves de gare

Publié le 28 février 2009 par Armelle N

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C’était une époque heureuse mais je ne le savais pas. Pas encore. On ne sait rien quand on est jeune. On imagine, on perçoit au détour d’un regard las ou d’un visage fâné, mais on est en délà de la vérité du mot souffrance… C’était un temps ancien déjà, où je prenais le train à la Gare de l’Est, ancienne version, pas celle qui vient d’être rénovée à grands frais et qui à mon sens a perdu son âme. Ce n’est plus une halte, juste un mail, un mail commercial avec ses enseignes de grandes marques où quelques chalands flânent. Comment peut on imaginer le gros du bétail, le banlieusard au petit matin ou après sa journée de travail, dans la cohue courant s’acheter des bijoux… Quant aux touristes, c’est Paris qu’ils attendent. Ils veulent voir les Galeries Lafayette et le Boulevard Haussmann où ils feront leurs achats. Une minorité, seulement, s’attarde dans les boutiques d’un hall de gare. Le voyageur, sa valise à roulettes à la main est en mal de café et de croissants chauds. Plus de brasseries chaleureuses et commodes d’où on pouvait guetter les départs et les arrivées en sirotant son petit crème. Les naufragés du rail ne trouvent sur leur chemin que de vagues croissanteries où on leur sert une boisson chaude dans un gobelet en plastique logotisé Brioche Dorée. Pour trouver une brasserie, il devra s’éloigner de l’enceinte de la gare, de l’autre côté du trottoir… Gare de l’Est, désormais, c’est circulez, il n’y a plus rien à voir!

C’était un temps où tôt le matin j’étais dans le flot des banlieusards. Je faisais étape à la brasserie en bout de quai avant de m’engouffrer dans le dédale du métro. L’Arrivée peut être, ou le Départ. Dans une gare, ce n’est guère original. Le garçon, un auvergnat pure souche connaissait chacun à son comptoir. Il avait toujours une parole aimable. C’était un chef d’orchestre, il avait l’oeil à tout. Je n’ai pas fréquenté ce lieu que tôt le matin. Il m’arrivait aussi au retour d’une promenade de patienter là, en attendant mon train. Coulommiers, vous pensez donc, un train toutes les deux heures. Il ne fallait pas le rater. J’aimais aller m’asseoir sur le devant de la terrasse fermée, dans le coin, sur les banquettes en moleskine rouge et patienter en lisant le journal ou en regardant les voyageurs passer…. C’était un autre temps où on avait du temps à tuer, tout simplement…
Je me souviens aussi y avoir donné rencard à mes amants, ceux du moment, au fond, à l’abri des colonnades, les yeux dans les yeux, la main dans la main, et le café refroidissant dans la tasse… C’était dans un autre temps car je n’ai plus d’amant et la Gare de l’Est est devenue prétentieuse. Oui vraiment!

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