Magazine Journal intime

A la campagne

Publié le 01 mars 2009 par Theclelescinqt

A la campagne


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A la campagne, lorsque mon petit mari n'est pas forcément décidé à en découdre avec les travaux de titans, comme dernièrement le mur avec lequel il s'est cassé le dos, je dors beaucoup et le plus tard possible, passe beaucoup de temps devant le feu, m'occupe à des passe-temps anodins et non tendancieux au contraire de ce que je fais d'habitude : tailler mes arbres, faire des crêpes (un week-end sans crêpes n'est pas un week-end), téléguider mon époux jusqu'au Lidl le plus proche, bien lui recommander de n'acheter que le minimum pour le voir rentrer avec deux pioches "à ma taille" (et pourquoi pas ressemblantes avec ma petite personne pendant qu'on y est?), comme si j'avais des vélléités de creuser la terre avec ça, crier aux enfants d'aller se doucher, finir par ne doucher que la petite (elle au moins je peux l'y porter direct) et moi-même, gratter les meubles hérités de mamie, dont la crasse (des meubles) n'a pas vu le sol depuis 150 ans, faire tourner des machines, laisser les gamins se coucher tout habillés (fait froid), contempler la fuite d'eau près des toilettes, la bassine posée sur le sol à cet effet, la serviette dessous, et me dire que cela ferait un fort bon nid à batraciens, avant de la voir, elle, minuscule et toute verte, une mini-rainette là, dans ma salle de bain de campagne...

J'adore les grenouilles et les crapauds, et même s'il m'est arrivé d'y goûter deux ou trois fois dans ma vie (vous êtes sur un blog français, m'ssieurs-dames), c'est vraiment parce que ces bestiaux étaient arrivés tout fris et assaisonnés dans mon assiette, et que je suis curieuse, car jamais au grand jamais je n'irais à la cueillette des grenouilles pour nourrir ma famille. Car ces bestioles, je les trouve gracieuses et attendrissantes, de vraies petites merveilles de la nature, très bien faites, gentilles comme tout, avaleuses de mouches et amatrices d'ombre et d'humidité, comme moi. Vous ne me verrez jamais non plus frire en plein soleil arrosée d'huile de coco. Avis à ceux qui me traitaient d'escargot ou de tortue il y a une petite trentaine d'années : non, finalement, je suis une grenouille.

Cinq ans que nous allons à la campagne et que nous sommes dans nos travaux. Je peux vous dire qu'il en faudra cinq de plus pour que cette maison ressemble à quelque chose.

J'ai voulu une maison pour avoir un jardin. Je ne serai en paix que lorsque j'aurai transformé tout cela en haies de château de Belle au bois dormant : des rosiers grimpants partout, partout, partout, sinon je serais extrêmement déçue. Evidemment mon mari n'en veut pas; cela abîmerait les enduits qu'il va se crever à faire. Mais ce qu'il ne sait pas, c'est qu'aucune force au monde, à part une guerre nucléaire évidemment, mais ne soyons pas trop pessimistes, ne m'empêchera d'avoir mes rosiers grimpants...Il va falloir que je trouve des motifs de chantage arguments ...

J'ai voulu cette maison parce que peu après la naissance de mon premier enfant, je n'en dormais plus : je ne pouvais me résoudre à avoir un enfant d'appartement. Patauger dans la gadoue était devenu un objectif pédagogique. C'est là qu'on voit combien ce que l'on nous serine à propos de la grossesse est vrai : cela vous change une femme. Pour moi qui n'avais eu de cesse de venir vivre à Paris, avec le premier gamin, ce n'était juste pas possible. Il fallait coûte que coûte que mes enfants pataugent eux aussi dans la gadoue, connaissent les joies du froid, du vent et de l'eau froide, voient des vaches et pas qu'en illustration. Pourquoi faire, puisque je n'aimais pas ça tant que cela? Je ne vois qu'une seule explication : c'est que la psychogénéalogie n'est pas une maladie et qu'un de ces quatre il va falloir que je m'y penche sérieusement.

Parce qu'après toute ces années d'études parisiennes, après avoir épousé un parisien qui ne peut guère travailler que dans une ville, après quatre enfants Ile-de-français, sauf la petite dernière, lensoise, mais cela arrive à des gens très bien, je me retrouve tous les week-ends et toutes les vacances dans une authentique fermette sarthoise du XIXème siècle, avec des meubles poitevins de la même époque, bien vermoulus et pourris par endroits mais enfin ils sont de la famille : un vrai intérieur de grand-mère. J'ai même les edredons et la courtepointe de la mienne, les portraits des aïeux, le cheval de bois de mon grand-père né en 1912, et d'authentiques toilettes des années 50 sous lesquelles prospèrent des rainettes.

Il s'est passé quelque chose que je suis loin d'avoir maîtrisé.

Et mes gamins, me demanderez-vous ? Ils aiment ça, au moins, la campagne? Pas tant que ça non plus; on ne saurait dire. Les premiers temps, mon Archibald, petit beau-fils purement parisien de son état, m'appelait depuis la voiture à notre arrivée : "Thèèclllee ??? Je ne peux vraiment pas descendre : y'a de la boue partout!"

Oui, c'est pour ça que mon inconscient a exigé cette sale masure dont seuls les murs tiennent maison, tu peux y aller maintenant.

Dans l'ensemble, je n'ai qu'une chose à dire : si vous voulez vous lancer dans cette aventure de retaper de fond en comble une ruine de campagne, il faut prendre des enfants jeunes, et ne pas commencer quand ils se sont trop habitués au grand confort d'un parquet propre sept jours sur sept et de trottoirs balayés chaque jour par des services municipaux. Juste pour éviter les jérémiades.

Les miens râlent tout le temps, mais au final ils jouent quand même pas mal aussi, et supportent mieux le froid que nous moi. De plus, c'est une formidable occasion de montrer aux enfants que leurs parents savent faire autre chose que de mettre un dvd ou de courir les soldes. C'est vraiment instructif, et quand on voit ce que ça coûte de faire faire des travaux, finalement on se dit que ce n'est pas un mode de vie plus idiot qu'un autre.

J'envisage à présent d'acheter le champ d'à côté, l'hypothétique jour où j'aurais des sous à consacrer à ça, et si les fermiers veulent bien me le laisser (ce qui n'est pas gagné d'avance) dans le but de contrer la crise à coup de sillons de blé et potager persos. Que faire de mieux finalement ? Ce sont les anciens qui avaient raison, je le constate en permanence (leurs meubles tiennent au bout de 200 ans, ils construisaient toujours plein sud et jamais en zone inondable et ne produisaient pas d'émissions de télé ineptes. Oui, bon, la télé n'existait pas, mais la littérature, encore) et que faisaient-ils, je vous le demande, à part accorder toute leur attention à la terre? Quand je pense qu'une simple coupure de courant peut plonger toute une nation d'habitants des beaux lotissements contemporains, sans parler des locataires d'appartements, dans la confusion et le dénuements, alors que cela n'égratignait seulement pas les habitants d'une fermette même sise en pleine campagne, entourée de champs et rien d'autre!  Nous sommes devenus dépendants, complètement dépendants, alors qu'avec un puits et une cheminée on est le roi du pétrole...

En attendant, la reine du pétrole va se coucher, rêver à des rosiers grimpants, des lendemains qui chantent, et le job du siècle...à Paris. A moins que les évènements ne tournent autrement.

A prévoir : économiser aussi pour acheter une girouette en forme de grenouille pour mettre sur le toit (en plus du champ). Cela irait parfaitement avec l'état d'esprit de la propriétaire...

Frog Legs


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