Magazine Journal intime

Le jour le plus long

Publié le 03 mars 2009 par Corcky



Le jour le plus long, c'est sans hésitation celui de la reprise du travail, cher lecteur.
Point de soldats américains surchargés en testostérone et en échantillons gratuits de Coca-Cola, cependant, au cours de ce jour-là.
Ni de résistants de la dernière heure se proclamant gaullistes de toujours après avoir servilement léché le trou de balle hautement souillé de l'occupant pendant cinq ans.
Encore moins de ces bombardements spectaculaires qui donnèrent à tes grands-parents la possibilité, quelques décennies plus tard, de t'envoyer paître au moindre de tes jappements de jeune imbécile, à la moindre de tes plaintes de petit privilégié occidental, d'un méprisant et définitif  "on voit bien que tu n'as pas connu la guerre, petit con" (phrase culte s'il en est, que la plupart des vieux croulants de l'Hexagone resservent encore, de nos jours, à une jeunesse bien évidemment opulente et favorisée, puisque chacun sait qu'elle bénéficie du plein emploi, de salaires mirobolants et de perspectives d'avenir alléchantes).
Non, lecteur, point de tout ceci, en ce jour le plus long.
Plutôt une ribambelle de gueux assoiffés, dont le taux d'alcoolémie avoisine celui des intérêts que ta banque ratisse joyeusement dans tes poches (car Christine Lagarde te l'a bien dit, pauvre inculte: La récession, ça n'existe pas).
Des dizaines et des dizaines de patients potentiels, donc, guettant le retour de l'infirmière comme celui du Messie, à croire qu'ils avaient brûlé des cierges à Notre-Dame en récitant trois Pater et deux Ave dans l'espoir de hâter la réapparition de la blouse blanche immaculée, afin de refaire le plein en tranquillisants, somnifères, antidépresseurs et autres bonbons exclusivement délivrés sur ordonnance.
Et s'abattant, pour continuer à filer la métaphore religieuse, sur ladite blouse blanche avec toute la férocité, la cruauté et la détermination yahvique des Dix Plaies d'Egypte. Façon myriade de sauterelles: "... Elles couvrirent la surface de toute la terre et la terre fut dans l'obscurité ; elles dévorèrent toutes les plantes de la terre et tous les fruits des arbres, tout ce que la grêle avait laissé et il ne resta aucune verdure aux arbres ni aux plantes des champs dans tout le pays d'Égypte ..."(Exode 10:13-14,19)
Comment ça, j'exagère?
Tu veux d'autres exemples?
Tu en veux, du biblique, du mosaïque, des foudres divines et des invasions zoologiques ailées?
Tiens, prends le fameux coup des eaux du fleuve changées en sang:
"Le Nil fut nauséabond, et les Égyptiens ne purent boire des eaux depuis le fleuve... " (Exode, 7:14-25)
Eh bien, devine qui a hérité du seul et unique lot de bouteilles d'eau minérale périmées depuis six mois, au réfectoire?
Sais-tu ce que l'eau croupie, même estampillée Cristaline, peut faire à un organisme non préparé, sans défense, plus habitué à drainer des liquides consommables (même s'ils dépassent souvent les dix degrés d'alcool) que des eaux usées, contaminées par des colonies entières de bacilles mortifères?
Mais je te sens encore dubitatif, voire incrédule.
Fort bien, passons à la blague des mouches (l'une des préférées du Divin Parano, dit-on) :
"... des taons en grand nombre entrèrent […] dans tout le pays d’Égypte ..." (Exode 8:20-32)
Figure-toi que je dois être la seule professionnelle de santé d'Ile de France dont l'absence a été subtilement mise à profit par une tribu d'hyménoptères (sans doute de la famille des Vespula vulgaris). Les salopes petites farceuses ont installé un adorable nid, fort confortable au demeurant, juste sous la fenêtre de mon infirmerie.
Si j'ajoute que ces gentilles bestioles ne sont supposées nidifier qu'au printemps, y verras-tu enfin un signe de malédiction divine?
D'après le rictus qui déforme affreusement les contours de ta face lunaire, j'en déduis que non, toujours pas.
D'accord.
Allons-y pour l'histoire des Ténèbres recouvrant l'Egypte:
"... il y eut d’épaisses ténèbres ..."(Exode 10:21-29)
Chapitre Trois: ma pomme descend au sous-sol afin de se fournir en trombones, agrafes et autres flacons de Tipex, outils indispensables à tout bon bureaucrate qui se respecte.
Je dois te préciser que ledit sous-sol est, en temps normal, à peu près aussi éclairé qu'un bloc opératoire dernier cri, illuminé qu'il est par une rangée de néons aveuglants (sans doute l'un des seuls dispositifs qui fonctionne relativement bien au Foyer).
Que s'est-il passé, pendant ma descente, entre la quatrième et la cinquième marche de l'escalier, une fois que la lourde porte coupe-feu s'est refermée derrière mon vulnérable postérieur?
....
Clac!
Le noir.
Complet.
Total.
Absolu.
Un océan de noirceur, du velours de ténèbres, enveloppantes comme une écharpe en alpaga, l'alpha et l'oméga de l'obscurité, à faire pâlir d'envie le fondement d'un Sénégalais, pour reprendre cette vieille expression populaire aux relents colonialistes.
Voix rigolarde de mon pote Ahmed, quelques secondes après ma chute et ma dégringolade, provenant de l'autre côté de la porte:
- Eh l'emmerdeuse, tu vas jamais me croire: j'ai branché la cafetière du bureau sur la prise de l'imprimante de ton ordinateur de merde. Eh ben c'était pas une bonne idée. Mouahahaha!
Alors?
Tu te rends à mes arguments, maintenant?
Tu la prends, ma version pourrie des Dix Commandements de mon cul sur la commode?
Tu les sens bien, mes dix plaies?
Bougre de graine d'athée, va.


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