Magazine Journal intime

Les Arts Visuels à l'école (1)

Publié le 30 août 2007 par Mirabelle
Mon cher Victor, art.png
Bon alors. Dans mon hebdomadaire préféré (il faudrait d'ailleurs, un jour, que j'évoque avec toi, Victor, le rôle qu'il tient dans ma vie), j'ai lu un article sur la place de l'Art à l'école. Il s'agirait de la renforcer. Il est bien souligné, dans cet article, que cet enjeu éducatif est mis en avant depuis des années déjà (souvenons-nous de la campagne de Jacques Chirac en 1995). Mais l'enseignement qui en est dispensé a-t-il changé ? Les instits' y accordent-ils plus de place ?
Du haut de mon expérience maigrichonne, au regard de ce que j'ai pu observer dans les classes, je me dis que les Arts Visuels à l'école, ce n'est pas du gâteau. Je me souviens, entre autres, d'une IMF chez qui j'avais effectué un stage en début de PE2 (rappelle-toi, Victor, c'était lors de cette séance catastrophe !). C'était une classe de CP-CE1. Ma collègue et moi-même avions fini à quatre pattes sur le sol à nettoyer des flaques entières de peinture. Nous étions remontées en sueur sous l'oeil mi-navré mi-amusé de l'IMF, qui nous avait chuchoté, dans un soupir : "Vous comprenez maintenant pourquoi peu d'enseignants s'aventurent dans la peinture...". C'est une phrase qui m'est restée.
Et elle m'a beaucoup servi. Je l'ai gardé en tête pendant mon SR2, et surtout pour mon SR3 où j'avais en charge le cadeau de la fête des pères. Lourde responsabilité ! Et comment ! J'avais choisi, dans un élan d'ambition, de faire fabriquer aux enfants des dragons porte-crayons. Bon. A l'arrivée, les productions avaient été rebaptisées par les enfants en "lézard" ou "dinosaures", mais je m'étais dit qu'au fond, la dénomination avait peu d'importance, d'autant plus que les produits finis s'apparentaient très peu à des lézards, très peu à des dinosaures, même très peu à des dragons. Ce qui n'empêchaient pas les gosses d'être ravis, je supose... Bien sûr ! Bref. Pour en revenir à nos moutons... Qu'est-ce qu'on disait, déjà, Victor ? Nous parlions de l'Art Visuel à l'école. Voiiiilà ! Je voulais donc en venir au fait que la séance-cauchemar dont je parlais précédemment m'avait été bien utile. Car, au moment de choisir quel cadeau faire aux papas, se posa le problème du caractère périlleux de l'entreprise... Périlleux ?
Pour fabriquer ces magnifiques dragons, il me fallait de l'argile. Or, j'avais dans la classe de sacrés cocos, et je redoutais, envisageant le scénario le plus catastrophique, une bataille d'argile menée par les cinq ou six loulous les plus remuants, et moi, maîtresse débordée, ne sachant plus que faire pour calmer la meute. Ce n'est bien évidemment pas ce qui s'est passé... Heureusement, non. C'est justement là que je veux en venir. J'avais tout mis en place pour que cela ne passe pas ainsi : c'est ce qu'on appelle l'an-ti-ci-pa-tion ! J'avais déplacé les élèves et cassé les paires les plus "si-on-nous-met-ensemble-c'est-la-foire", mis des journaux partout sur les tables et fait preuve d'une extrême fermeté avant la séance : "On pose les mains sur la table et on ne touche pas le matériel avant mon signal !". Ca m'a l'air un peu militaire, ton organisation ! Pas tant que ça. C'est juste que l'Art Visuel est l'une des disciplines les plus "à risque" au niveau des débordements. Il faut donc redoubler d'autorité. Et grâce à tout ça, tout s'est bien déroulé ! Non ? Je ne t'ai pas encore tout dit ! J'ai même omis le plus important ! Quoi donc ? Je n'ai pas fait fabriquer les dragons avec de l'argile, mais avec de la pâte à modeler auto-durcissante.  Tu évitais ainsi l'écueil du "nous jouons avec l'argile-bouillasse". Tout à fait.
Avec le recul (et quel recul ! Cinq mois plus tard !), j'évalue la fabrication de ce cadeau de fête des pères comme le plus grand pic de stress auquel j'ai eu à faire face pendant ce stage. Parce qu'en plus de la phase de modelage, vint le temps de la "peinture du modelage". Ah la la... Distribution méthodique des blouses, silence relatif (mais dont j'étais plutôt satisfaite, dans le fond...), pinceaux qu'on garde bien sagement posés sur le bureau au lieu de les utiliser comme instrument de "chatouille du voisin", remplissage méticuleux des pots de peinture et retroussage des manches en règle. A 16 h 30, les dragons sont peints et regroupés sur une table au fond de la classe, table que j'ai astucieusement (ne te lance pas trop de fleurs, Mirabelle, tu n'es quand même pas la maîtresse du siècle...) débarrassée de ses fichiers de mathématiques. Je suis complètement épuisée et je tire la conclusion suivante : à AUCUN MOMENT on n'a renversé de pot de peinture, à AUCUN MOMENT un enfant n'a décidé de maquiller son voisin, à AUCUN MOMENT il n'y a eu de bataille d'eau aux lavabos. Braavo maîtresse ! Merci.
Bon. Cinq mois plus tard, je me dis que l'art visuel à l'école, c'est possible. C'est long et difficile à mettre en place, il faut penser à tout et il faut être sur le qui-vive à tout moment. Mais ça vaut le coup. Parce que "ça sort de l'ordinaire" (je sais que cela va en faire bondir certains mais j'aime les instants où les enfants "se libèrent"), que les gosses ont du plaisir à entrer ainsi dans un projet artistique, et que leur contact avec l'instit' n'est pas le même que lors des disciplines plus scolaires, plus traditionnelles. J'ai le souvenir d'une récréation où trois ou quatre élèves sont restés avec moi pour "m'aider" à recoller les quelques dragons cassés (l'inconvénient de la pâte à modeler auto-durcissante, c'est que justement, cela durcit très très vite, ce qui rend compliqué l'assemblage de plusieurs pièces). Au final, c'est moi qui ai recollé tous les morceaux, mais cela nous a donné l'occasion d'évoquer le fonctionnement du pistolet à colle et d'établir un dialogue plus individuel, auquel il est plus difficile de parvenir quand la classe est au complet, quand chacun est assis à sa place.
Alors tu dis, toi, que l'Art Visuel à l'école, c'est bien ! Il faut le développer ! Oui... Mais comme notre conversation d'aujourd'hui a été très longue vu que j'ai été très très bavarde, j'évoquerai quelques points plus problématiques dans une prochaine conversation ! Cela faisait longtemps que tu ne me l'avais pas faite, celle-là...

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