Magazine Journal intime

Souvenirs du passé

Publié le 05 mars 2009 par Dunia

Rangements

Soupirs et tourments

Ces derniers temps, je trie plus de 40 ans de vie. Tourment. Je déteste m’atteler à cette source d’angoisses. Je déteste trier. Ranger. Jeter. Jeter relève du supplice. Matériellement, je n’ai rien de valable. Enfin pas grand chose à part mon ordinateur et un appareil de photos. Sinon que de vieux trucs usagés de deuxième ou troisième main. Certes, j’ai une petite tendance écolo et anti-consumériste qui m’aident à supporter cet état de fait, mais j’avoue que c’est parfois pénible. Comme la plupart des êtres humains vivant en occident, il m’est arrivé de songer d’avoir des enfants, une maison, une voiture, un travail exaltant, un amour durable et assez d’argent -pas forcément beaucoup, juste ce qu’il faut- pour m’offrir un caprice de temps à autres et des voyages au bout du monde. Je n’ai rien de tout ça. Pas même des enfants ou un amour. Pour me consoler j’ai mes rats et une gentille chienne. Je loue un appartement où il ne manque rien -ben oui j’ai de la chance quand même- avec un galetas plein des cartons de mes précédentes existences. Dans le pas grand chose que je possède -je sais je suis riche par rapport aux sept dixième de l’humanité, mais je parle des rêves et anciennes aspirations d’une occidentale pure de dure- deux choses m’appartiennent totalement: ma vie et mon passé, accompagnés des souvenirs, bibelots, vêtements, livres qui ont appartenu à ce passé. Des témoins de mon enfance, du temps ou j’étais une écolière appliquée ou une jeune femme séduisante, une personne sexuellement désirée avec une vie active passionnante et des relations sociales plein mes carnets d’adresses. Bien sûr, j’ai aussi été très triste à ces époques. J’ai reçu des coups plein la tronche. Plein la tête. Plein le coeur. Mais c’est ma vie. A moi.

Dans de vieux cartons j’ai déniché des jouets, les livres de mon enfance, les premiers billets d’amour reçu à l’école lorsque j’avais douze ans, des habits portés durant mon adolescence ou lorsque j’étais jeune femme. J’ai aussi retrouvé des lettres de mon défunt ex-mari, ses vêtements de travail, son matériel de dessin. Me suis déjà séparée de beaucoup de choses. J’ai jeté ce qui était cassé. Abîmé. Moisi. Troué. Avec peine. A grand peine.

De ma mère et mes grand-parents maternels, j’ai hérité cette manie: rien de ce qui peut encore servir ne se jette. Alors ce que je ne peux plus garder, par manque de place, je le lave, le nettoie et le classe dans des sacs à donner à la boutique de deuxième main du Centre Social Protestant. Cette semaine, j’en ai amené deux, remplis de peluches et de vieux vêtements. Déchirant.

Pour les affaires ayant appartenu à mon mari, je ne sais pas quoi faire. Je me suis débarrassé à contre-coeur d’une multitude de choses, de son sac de montagne, de ses compas, de ses plans de jardins, mais ses vêtements pour le moment je n’y arrive pas.

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Pour mon grand malheur de quadragénaire, j’étais une enfant soigneuse. Mes jouets sont comme neufs. Avant l’âge de douze ans, j’avais déjà décidé de ne pas mettre un malheureux au monde,. Je refusais qu’un môme comme moi doive subir le supplice de l’école et la lutte pour la survie en société mais, parfois, il m’arrivait quand même de penser que mes enfants hériteraient de mes jouets. Bon ben… ne pas avoir d’enfant, reste le seul objectif de vie que j’aie réussi à atteindre -ah et publier un livre aussi- même s’il est vrai que vers la trentaine, lorsque l’horloge biologique commençait à s’accélérer, j’en ai quand même eu envie. Cette patère en forme de skieur m’avait été offerte, au début des années 70, avant que je ne sois une adolescente, par une cousine de mon père que je n’ai pas vue depuis au moins trente ans. Un jouet arrivé par la poste depuis Madrid. Il est encore aussi neuf que s’il sortait de sa boîte. Je l’ai envoyé au Centre Social Protestant.

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Cette poupée en feutrine représente un musicien d’une “tuna estudiantina”. Elle m’avait été offerte, il me semble, en provenance de Madrid aussi, par une grand-tante par alliance du côté paternel. Elle doit dater du milieu des années 70. Une “tuna” est une fraternité d’étudiants universitaires qui, encore de nos jours, s’habille de vêtements d’époque pour chanter des chants du folklore espagnol ou latino-américain. Autrefois, -et encore de nos jours- moyennant quelques sous, “los tunos” chantaient la sérénade sous les fenêtres des jeunes femmes afin de déclarer la flamme de leur commanditaire. Ils chantaient également l’amour ou les charmes d’une belle pour leur propre compte. Ces associations d’étudiants musiciens remonteraient au XIIIème siècle bien que leurs origines ne soit pas clairement définies. Certains historiens les placent au XIème siècle et seraient les héritiers direct des Goliards , des étudiants troubadours qui vivaient et s’offraient des études grâce à leurs chants et leurs poésies. Cependant les premiers documents parlant de “la tuna” sont daté du XIIIème siècle. Au cours du temps, cette coutume s’est diffusée dans le reste de l’Europe et ensuite en Amérique latine. Autrefois les “tunas” n’acceptaient que des hommes mais depuis quelques années, certaines fraternités accueillent les filles. “El tuno” en feutrine a également pris le chemin du CSP .

Comme je suis la reine de la digression, j’insère une vidéo de “la tuna” de l’université de Saint-Jacques de Compostelle. Elle interprète le tube des tubes des tunas du monde entier. La chanson que toute personne de langue castillane connaît ou qu’elle se trouve sur cette planète: Clavelitos. Enfin bon digression, digression, pas tout à fait puisqu’enfant j’adorais cette chanson que j’écoutais sur un disque de mon grand oncle paternel. Ensuite je la chantais à tue-tête pour me tenir compagnie quand j’étais seule. J’ai aussi chanté cette chanson avec d’autres fillettes, lors d’un spectacle d’enfants donné par le Centro Español Las tres Carabelas de Neuchâtel, dans les années 70, lors de sa splendeur, quand l’immigration espagnole en Suisse était à son apogée. Je reste donc dans les souvenirs.


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