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En catimini

Publié le 09 mars 2009 par Unepageparjour

Pour lire le début de Nono

En catimini, je cours au fond de la grotte. Mes premiers dessins, maladroits, naïfs, ne ressemblent à rien. Mais ils m’attendent, amis  fidèles. Pour cela, je ne peux pas me résoudre à les effacer. Tant pis ! Fébrile, je suce mes doigts, et je les trempe dans la fine poussière d’argile et de sang. Je fais naître sur la roche un flanc puissant, aux muscles saillant, qui semble prendre son élan pour fuir le chasseur. Avec les cendres encore tièdes que je viens de ramasser, mes doigts caressent une échine épaisse, vivante, frémissante. Puis des naseaux pleins de vie, dont la respiration bruyante semble monter de la paroi fraîche. En quelques traits rapides, le taureau a soudain jailli de la structure minérale, semblable à ceux que j’épiais le matin, cachée derrière les tiges hautes. Mon cœur bat la chamade, une excitation fiévreuse s’est emparée de moi. Du regard, je mesure l’espace du mur.

J’imagine, d’autres taureaux, de profil, des femelles plus légères, un peu plus loin, et les chasseurs. Il me faudrait d’autres couleurs, d’autres mélanges. Mes os sont vides. Je dois retourner aux préparatifs du festin, pour en récupérer davantage.

Je suis heureuse.

Une silhouette épaisse m’épie dans l’ombre. Une cousine aux nombreux enfants. Usée.

« Que fais-tu ? ».

« J’étais venu coucher Rio. ».

« Arrête de mentir, Nono ! Je t’ai vu. Tu coloriais le mur. ».

« Oui, j’ai vu des bêtes, ce matin, avec les chasseurs, et je voulais les peindre, avant que mes souvenirs s’envolent. ».

« Et la cuisine ? Tu t’amuses, pendant que nous, on se tape le boulot ? Crois-tu que tu resteras toujours la préférée de Hack, pour ne rien faire ? Tu verras, plus tard, quand tu deviendras comme moi, la peau flasque, les seins mous et distendus, à force de materner, tu verras, quand tu ne seras plus bonne qu’à tanner les peaux ! Hack te rejettera à ton tour, et tu ne pourras plus t’amuser comme une idiote ! ».

Je me terre sans rien dire. Que répondre ? Que je sens confusément, au plus profond de moi-même, que peindre m’est plus nécessaire que tout le reste ? Puis-je lui dire ce fond de ma pensée ?
Je la suis, silencieuse, pour rejoindre les préparatifs. Certaines, qui s’étaient aperçues de mon absence, me jettent de méchants regards.

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