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Dans un rire franc

Publié le 25 mars 2009 par Unepageparjour

Dans un rire franc, tirant grand les rideaux épais de leur chambre nuptiale, Natasha, nue, le teint frais et la peau rosée, ne prend pas garde aux regards des tourterelles, qui s’envolent dans un bruissement d’ailes, par pudeur. Elle s’agite sous les rayons du soleil matinal, tourbillon de bonheur autour du lit, tandis que Pierre, étendu sur le dos, les jambes croisés, laisse ses yeux suivre tranquillement les fines lézardes bleutées du plafond.

Natasha roule sa robe blanche, dans une forme de boule mousseuse, au contour irréel, qu’elle tente, tant bien que mal, d’ajuster dans un vieux sac de sport.

«  - Toi, tu as de la chance, tu peux garder ton costume pour aller à Etretat, mais je ne vais pas me balader sur les galets, ni escalader les falaises, ni sucer des moules avec ma robe de mariée, non ?

- Non. », répond Pierre, pas certain non plus de devoir garder cet habit un peu trop voyant pendant leur séjour normand.

A midi, il est trop tard pour prendre le petit déjeuner. L’hôtelier dodeline de la tête, pour signifier son refus, d’un air un peu agaçant, qui a le don d’exaspérer Natasha. La note de la chambre réglée, elle quitte l’établissement la tête haute, l’air fâché et les lèvres pincés, à pas rapide. Pierre suit, le sac de sport posé sur l’épaule avec nonchalance. Il porte toujours son smoking de marié, même s’il a troqué sa chemise blanche amidonnée contre un vieux tee-shirt délavé, qui baille autour du cou.

A Saint-Lazare, le train, impatient, fait mine de les garder à quai. La sirène de départ déchire l’air, moqueuse, pendant que Natasha, soufflant et pestant, parvient à donner un dernier coup de rein pour s’accrocher à la portière, chevelure au vent. Pierre la rattrape, et ils s’étalent tous les deux dans une curieuse mêlée à l’entrée du compartiment ; le sac de sport s’est déchiré et la robe blanche s’évapore par toutes les coutures. Un couple de canards, enfermés dans un carton, cancanent comme deux commères devant ce joyeux spectacle, qu’ils observent à travers les trous grossiers qu’on a percés pour leur permettre de respirer. Natasha éclate de rire à son tour, pendant que Pierre, un peu gêné, se hâte de réparer les dégâts.  

« - Bon voyage à tous ! » s’écrie la jeune femme, à la cantonade.

Les passagers lèvent le nez de leur magazine, étonnés, puis, souriant, se mettent à discuter, raccourcissant d’un coup le temps du trajet. Pierre se remet peu à peu de ses émotions et ose un timide « A bientôt ! », à leur descente du train, en gare d’Etretat.


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