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Et la jeune femme s’élance dans la mer

Publié le 31 mars 2009 par Unepageparjour

Pour lire le début de "Pierres et Natasha"

Et la jeune femme s’élance dans la mer, avant qu’il puisse avoir l’idée d’esquisser le moindre geste pour essayer de la retenir. Elle nage. Elle nage, à toute vitesse, même, malgré sa robe qui se gonfle de vent et d’eau, laissant Pierre indécis. La rattraper, au risque de couler avec elle, ou l’attendre, avec ses vêtements secs. Il pense bêtement qu’ils n’ont pas pris de serviette de bain, pour la frictionner à son retour.

Stoïque, les orteils au ras des vaguelettes qui soupirent entre les galets, les yeux rivés sur Natasha, dont la course s’estompe, de manière presque imperceptible, au début, puis de plus en plus vite, dans la monotonie des vagues, Pierre patiente. La robe, presque grise, s’étale sur la mer, à la façon d’une large voile blanche, qu’un navire échoué aurait abandonné, avant de s’enfoncer dans le creux de l’abîme.

Natasha relâche enfin son combat contre les forces liquides. Epuisée, sans doute, elle se met sur le dos, et se laisse portée, les bras en croix, bringuebalée au gré du mouvement des flots, les yeux bien clos, les lèvres très bleues, croisant sans vraiment s’en apercevoir les deux mouettes blanches, paisibles.

Elle s’échoue sur le rivage, de côté, un pan de sa robe recouvrant à demi son visage, si pâle. Pierre veut la porter, mais elle pèse soudain très lourd, comme une morte. Tournant la tête à droite, à gauche, il regrette, à cet instant, que les touristes des terrasses ne se soient pas amassés sur cette plage, pour l’aider à la transporter. Il la sert contre lui, la robe est comme une éponge, des tonnes d’eau de mer glacée ruissellent contre son ventre, le long de ses cuisses, sur ses pieds, et s’écoulent dans un suintement moqueur, entre les galets de la plage.

Il l’étend un peu plus haut, là où la civilisation a su construire un parapet de béton, à la surface douce, un peu réchauffée par les rayons du soleil. Tant bien que mal, il parvient à lui ôter sa robe de mariée, et à lui enfiler ses vêtements secs. Une nouvelle fois, surpris, il s’étonne de ces grosses fraises rouges qui chantent sur ses sous-vêtements. Enfin, elle rouvre les yeux, timidement, les joues un peu rosées, les lèvres moins violettes. Son regard lumineux, vibrant, ne prête guère d’attention aux yeux pleins de reproches de Pierre.

« - Si tu savais, qu’est-ce que c’était bon ! C’était comme si j’avais fait l’amour avec la mer ! ».

Puis elle entoure le cou de son mari de ses bras frais, encore humides, attire vers sa bouche son visage anxieux, et lui donne un long baiser, salé et langoureux.


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