Magazine Journal intime

Avril

Publié le 01 avril 2009 par Lephauste

Avril était le nom du compagnon de Lacenaire. Compagnon à qui l'assassinat ne faisait ni chaud ni froid. On aurait pu leur confier à tous les deux la gestion d'une entreprise, d'une banque, d'un fond de pensions, la présidence qui sait ? Que dalle, ils tuaient en nom propre, en artisans conscients que la belle ouvrage jamais n'appartiendrait aux hiérarques, d'où qu'ils viennent. Avril tuait, escagassait le chaland sans que son âme eut à souffrir le moins du monde, il ne croyait pas, pas plus que Lacenaire, être détenteur d'une de ces choses qui font du citoyen, le plus apeuré des moutons, le plus servile des prostitués.

Avril si j'en crois ce que je viens de lire des points forts du rapport de l'OCDE sera autrement plus meurtrier que ce "bon ami de l'homme" qu'était son homonyme à la fine lame. Nous allons en baver, on nous le promet, sans prendre les gants de la relance du pouvoir d'achat. Il n'y aura pas de relance. Il n'y a pas d'argent, il n'y aura plus d'espèces et ceux qui ont encore quelques tickets restaurant peuvent déjà les considérer comme des cartes de ravitaillement. Le marché noirte reste à organiser, qui veut s'y coller ? Qui possède un lopin de terre, trois poules, un puit, un box à louer pour famille nombreuse ? Celui là est d'ores et déjà le roi du monde. Un roitelet certes mais dont le pouvoir n'aura qu'à s'engraisser sans effort puisque la misère ne se pense pas et que ceux qui vivent sous elle ne se voient plus comme des êtres humains. Nous avons tolérés les camps de rétention, nous avons validés l'existence des SDF, des chômeurs, ces derniers durant des décénies nous les avons même traités de fainéants à la charge de l'état. Nous avons regardés passer les cortèges, nous avons écouté les discours, nous avons subit la force et la violence de pouvoirs qui n'étaient que cela, de la violence à usage préventif. Et maintenant qu'en ce début de Printemps les cerisiers fleurissent le caveau de famille des illusions perdues, nous validerons la fatalité de la nuit des longs couteaux sous le tranchant des quels notre nuque se repose avant la décolation délocalisé. 

Lundi dernier, dans l'après midi, je remontais vers la capitale au volant de ma casserole. Sur l'autoroute A77, je fis halte dans une station. Une de ces désolations où consommer c'est vivre, voyager, se divertir, exprimer la joie enfantine du dépaysement, bien que l'on y soit comme à nulle part. Je m'offrais un café et arpentais le parking comme un fumeur honteux de rouler dans une si petite auto alors que tout autour évoluaient des SUV rutilants, des coupés sport flambant neufs, des berlines chargées d'emballages éventrés comme des bouriques anthropomorphes. Tout à coup surgirent plusieurs véhicules de gendarmeries. De ces gros transports aux vitres teintées et qui parfois circulent portes latérales ouvertes sur le canon d'armes automatiques, pointées justement dans notre direction. Le ballet dura peu et des ventres tumultueux jaillirent des hommes en armes, casqués, équipés comme en OPEX. Ils prirent place aux endroits qui semblaient stratégiques et quelques minutes plus tard c'était au tour d'une dizaine de Camions blindés de faire leur apparition. Inutile de bosser dans les caves du FMI pour deviner qu'il s'agissait de transport de fonds. De fonds énormes si j'en juge par le dispositif et la taille des camions.

Alors je me suis souvenu des images de ce fameux Dimanche soir, il y a dix ou quinze ans de ça, à Buenos Aires où dans les rues filaient sous bonne escorte, des norias de transports de fonds. Toutes sirènes hurlantes, la police et l'armée accompagnaient ce qui n'était que le départ précipité de ceux qui vidaient les coffres des banques qu'ils dirigeaient et s'enfuyaient avant que l'argentin moyen ne se réveille le Lundi suivant, gros jean comme devant. Et je me suis dit ceci, tiens ils nous font le coup à nous aussi. Ils sortent l'or et l'argent par convoi spécial et sous la surveillance des pires chiens de combat que je connaisse. Les pauvres à qui l'on a confié la schlague.

Autant vous dire, tout à coup je me suis sentis très argentin. Argentin de Carcassonne certes mais argentin tout de même. J'aime profondément l'Argentine, Lacenaire, Avril et la route. Ça tombe à pic car bientôt la route, c'est tout ce qui va nous rester.  


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